Parmi les choses irritantes que l'été entraîne inévitablement dans son sillage, on retrouve les moustiques... et les régimes drastiques. Autrefois prisés par les magazines féminins, leur unique but était d'assurer que nos corps s'adaptent parfaitement au bikini acheté en mars (et pas l'inverse).
Régime anti-inflammatoire, régime cétogène, régime pauvre en glucides... Les modes se relaient encore et encore, dépassant largement les règles de base, comme l'importance de constituer des assiettes majoritairement composées de légumes de saison, d'éviter les aliments transformés et de ne pas manger trop de sucre raffiné (25 g par jour au maximum, selon l'OMS): ces diètes très spécifiques impliquent souvent la suppression quasi-totale d'un groupe d'aliments.
Bien que les mêmes magazines tendent désormais à bannir le mot «régime» et que le concept du summer body soit fréquemment raillé sur les réseaux sociaux, ils n'en restent pas moins présents: sur TikTok, les mots healthy diet (régime sain) rassemblent 1,9 millions d'occurrences, soulignant notre légère obsession pour les stratégies alimentaires. Le mot keto (qui fait référence au régime cétogène, pauvre en glucides et riche en protéines) remporte 110 millions de likes, tandis que les anti inflammatory meal plans (plans alimentaires anti-inflammatoires) en rassemblent près de 6 millions. Très bizarrement, ces contenus présentent beaucoup plus de recettes estivales (salades, smoothies) que de plats hivernaux.
Régime santé ou injonction?
Qu'ils impliquent un objectif de santé ou de stricte perte de poids, les régimes sont une affaire hautement délicate, surtout lorsque les restrictions qu'on s'impose n'ont aucune visée médicale: «Je pense qu’il faut absolument faire la différence entre les régimes thérapeutiques, prescrits aux personnes rencontrant des problèmes de santé ou des troubles digestifs, et ceux qui n’ont pas de visée médicale», souligne Sophie Balestra, micronutritionniste à Meyrin (GE).
Pour l'experte, la première catégorie est recommandée par un spécialiste et ne doit pas être appliquée de manière universelle ou sur un coup de tête: «La mode des ‘régimes d’été’ peut persuader les gens qu’on est obligé de modifier l’alimentation avant la belle saison pour avoir un corps ‘présentable’ et correspondre à certains standards. Avant de parler de ce qu’on met dans l’assiette, je crois que problème principal est là.»
Voici trois pièges communs que nous tendent les diètes estivales focalisées sur le summer body:
Les régimes restrictifs perturbent le métabolisme
Sophie Balestra raconte avoir rencontré des personnes qui adoptaient des régimes «minceur» composés à 100% de protéines, sans légumes ni fruits, pendant deux à trois semaines.
«Le fait d’adopter un régime drastique et déséquilibré, même sur une courte période, peut avoir des conséquences néfastes sur la santé, dans la mesure où cela peut perturber le métabolisme, commente-t-elle. Le fait de se restreindre peut même avoir l’effet inverse, en créant un ‘effet rebond’». En d'autres termes, après s’être longtemps privé d’un type d’aliment, on risque de «craquer» et d’en manger beaucoup, pour compenser.
«En fait, c’est l’hygiène de vie en général qu’il faut prendre en compte, souligne l'experte. Il ne devrait pas être nécessaire de fournir un effort démesuré au niveau de l’alimentation pour être en forme et se sentir bien! L’essentiel est de trouver un bon équilibre, avec 80% d’aliments sains et 20% de lâcher prise. D'ailleurs le fait d’être bien dans son corps passe par une optimisation de l’alimentation durant toute l’année, et pas seulement avant l’été.»
La santé mentale peut en pâtir
Sans doute l'un des plus grands dangers des régimes trop extrêmes concerne la santé mentale: «Ils risquent de créer des frustrations qui peuvent déboucher sur des TCA, chez certaines personnes. Un régime adopté dans l’idée de perdre du poids rapidement avant les vacances ne peut pas être sain pour le corps et pour la tête: cela peut même être assez destructeur pour l’estime de soi.» Selon l'OFSP, 3,5% des Suisses souffriront de troubles du comportement alimentaire au cours de leur vie.
Pour Céline Broillet, diététicienne HES, nutritionniste MCO et thérapeute Touch for Health, l'essentiel est de prendre conscience des besoins de son corps et de sa santé, en gardant en tête que la nutrition est, par principe, individuelle:
«Les tendances de régimes éloignées de l’équilibre alimentaire qui suppriment des groupes entiers d’aliments ciblent souvent des personnes influençables, avec peu de connaissances nutritionnelles ou en quête d’un idéal en termes d’image corporelle, analyse-t-elle. Il est important de ne pas s'accrocher à des illusions ou s'enliser dans un déni concernant son poids ou sa santé: la nutrition 'miracle' n'existe que via de bonnes connaissances diététiques, le plaisir de manger et le fait de se nourrir avec la conscience de sa santé physique comme émotionnelle.»
Si votre rapport à l’alimentation est trop compliqué et que le besoin de contrôler devient trop fort, notre intervenante rappelle qu'il est impératif de consulter un professionnel de la nutrition qualifié pour faire le point.
Nous avons besoin des glucides
Puisque de nombreux régimes misent sur une forte diminution des glucides, Céline Broillet souligne les recommandations générales, pour ce type d'aliment, qui fait partie d'un bon équilibre: «Les besoins quotidiens en glucides s'élèvent à un maximum de 45 à 55% de l'apport énergétique total, précise-t-elle. Par exemple, pour une femme adulte dont le besoin énergétique s'élève à 2000kcal par jour, cette part de glucides revient à un maximum de 225 à 275g. Cela équivaut à 3 portions de farineux, un fruit et une ligne de chocolat sur la journée.»
De son côté, Sophie Balestra recommande de privilégier des produits de qualité ou fermentés, comme le pain au levain, les fruits et le riz germé, par exemple, surtout si vous peinez à digérer certains types de glucides. Mais, en aucun cas, ne faut-il les supprimer complètement!