Bien que cette aube de printemps se soit avérée tristement pluvieuse, le rhume des foins ne s’est pas laissé démoraliser: le bouleau et le frêne ont savouré leur comeback annuel, tandis que l’heure de gloire des graminées, du châtaignier et de l’aulne débute à peine, selon le calendrier pollinique du Centre d’Allergie Suisse. L’été promet, une fois de plus, d’être rythmé par les éternuements des personnes souffrant de rhume des foins, auxquelles la vue d’un simple pré fleuri peut arracher une grimace d’effroi.
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Nombreuses d’entre elles n’auront souvent d’autre choix que de se tourner vers des médicaments antihistaminiques, pour soulager les démangeaisons oculaires et autres écoulements nasaux tenaces. Et la situation risque d’empirer au fil du temps, puisque le changement climatique tend à intensifier le phénomène, au point où une personne sur cinq est actuellement touchée, en Suisse: «De nombreuses plantes libèrent leur pollen plus tôt et avec une plus grande intensité, précise l’Office fédéral de météorologie et de climatologie MétéoSuisse, le 14 mai 2024. De plus, le changement climatique favorise la propagation de plantes invasives et fortement allergènes comme l'ambroisie.»
Sans oublier le rôle de la pollution, qui tend à «endommager les voies respiratoires des personnes et favoriser ainsi l'asthme et le rhume des foins», tandis que les plantes stressées par un environnement pollué produisent du pollen capable de déclencher des réactions allergiques plus fortes.
Comment fonctionne la désensibilisation?
Face à ces constats inquiétants, la possibilité d’une désensibilisation au pollen semble plutôt alléchante. Mais ce traitement, remboursé par l’assurance de base s’il est prescrit par un allergologue, peut paraître long et fastidieux, bien qu'il présente de nombreux avantages.
«L'immunothérapie allergénique, qui consiste à administrer de manière répétée à doses croissantes de l'allergène pollinique incriminé, peut-être réalisée par voie sublinguale ou sous-cutanée, en fonction des produits disponibles, précise le Dr. Peter Jandus, médecin adjoint et spécialiste FMH en immunologie et allergologie aux HUG. L’objectif est d’habituer lentement le corps à l’allergène et de développer une protection immunologique réduisant ou empêchant même d’autres réactions allergiques.»
Ainsi que le rappelle notre intervenant, il s'agit du seul traitement dont l'efficacité à long terme est démontrée dans la modification de la maladie. Or, chacune des possibilités d’administration présente des avantages et des inconvénients.
L'avantage: le traitement est efficace
Entre deux éternuements, c’est évidemment la question de l’efficacité qui taraude, en tout premier lieu, les personnes concernées. Et la réponse semble plutôt favorable! Roxane Guillod, coresponsable des services spécialisés au Centre d’Allergie Suisse (aha!) souligne que l’immunothérapie spécifique permet de soulager 75 à 80% des troubles associés à une allergie pollinique, tout en réduisant nettement la consommation de médicaments: il s’agit en effet de traiter la cause et non seulement les symptômes, ce qui permet d’améliorer la qualité de vie de manière durable: «Des études ont montré que les effets à long terme de l'immunothérapie allergénique persistent pendant plusieurs années, ajoute le Dr. Jandus. En revanche, il est difficile d'anticiper les effets bénéfiques sur une période de plusieurs décennies.»
Si ces traitements peuvent être prescrits dès l’âge de 5 ans, ils s'avèrent toutefois plus efficaces sur certaines personnes que d’autres: «Cela dépend de la personne et de son profil de sensibilisation, tempère notre expert. Comme les pollens sont constitués de différentes protéines, on remarque que la thérapie peut être moins efficace en l'absence de sensibilisation aux allergènes majeurs. Il est néanmoins possible de tester cela, avant de commencer le traitement, afin d’évaluer les chances de son fonctionnement.» Chez les personnes qui présentent le bon profil, le spécialiste constate une nette amélioration des symptômes.
Un autre point positif non négligeable est l’impact favorable sur l’asthme: notre intervenant précise en effet qu’une allergie au pollen non traitée peut entraîner de l’asthme chez jusqu’à 30% des personnes concernées: «Dans certains cas, l’immunothérapie peut réduire le risque de développer ce symptôme.»
L'inconvénient: le traitement est long et requiert une grande minutie
Le principal obstacle, celui qui risque de décourager même les plus grands allergiques, est la longueur du traitement, qui s’étend sur 3 à 5 ans. Roxane Guillod ajoute en outre qu’une grande minutie et une régularité irréprochable sont essentielles sur toute la durée du processus, quelle que soit la forme du traitement. Pour rappel, il en existe deux différentes: la voie orale sublinguale et l’injection sous-cutanée.
«Dans le cas de la voie orale sublinguale, les patients prennent des comprimés ou des gouttes chaque jour, à partir de trois mois avant le début de la saison des pollens, et poursuivent le traitement jusqu’à ce que celle-ci prenne fin, détaille le Dr. Jandus. Pour que cela fonctionne, il convient d’être rigoureux, ce qui peut gêner certaines personnes ne souhaitant pas devoir prendre un médicament chaque jour.» La prise du premier comprimé se déroule chez le médecin, qui garde le patient en observation pour s’assurer qu’aucune réaction n’apparaît: «L’un des risques est de ressentir des démangeaisons dans la bouche, mais le traitement est généralement bien toléré», rassure le spécialiste.
En revanche, le traitement par injection sous-cutanée implique des visites régulières chez le médecin, qui administre la dose lui-même. «Les patients viennent une fois par semaine au début de la désensibilisation et doivent rester en observation pendant 30 minutes après l'injection», explique le Dr. Jandus. «La durée totale du traitement est d'au moins trois ans, couvrant ainsi trois saisons. En fonction du produit disponible et de l'allergène respiratoire concerné, le traitement peut éventuellement se dérouler tout au long de l'année. Après une phase d'initiation, les injections peuvent être espacées à une fois par mois.»
À vous de décider si la nette diminution des symptômes mérite, à vos yeux, de s'engager dans ce processus!