Des scientifiques bernois attribuent la couleur rouge de Mars à une «rouille» due à un passé plus humide, selon une étude parue mardi dans «Nature Communications». Cette découverte a des répercussions sur la question de savoir si la vie a pu exister sur Mars, selon cette étude internationale dirigée par l'Université de Berne et l'Université Brown, aux Etats-Unis. Les scientifiques ont identifié la ferrihydrite, ou hydroxyde de fer, comme étant à l'origine de la caractéristique poussière rouge martienne.
La ferrihydrite se forme en présence d'eau. «Ce résultat montre que Mars a rouillé lorsque l'eau liquide était abondante sur la planète», a expliqué à Keystone-ATS Adomas Valantinas, premier auteur de l'étude à l'Université de Berne. Cela indique que l'eau liquide a pu être plus répandue dans le passé de la planète rouge qu'on ne le pensait jusqu'à présent. «Or c'est une condition essentielle pour la vie», note le chercheur.
Nouvelle hypothèse
Cette nouvelle étude remet en question l'hypothèse précédente selon laquelle l'hématite, un minéral sans eau semblable en apparence à de la rouille, serait responsable de la couleur de Mars. Les scientifiques ont combiné des observations provenant de sondes spatiales et de rovers martiens avec des méthodes de laboratoire inédites.
«Nous ne sommes pas les premiers à envisager la ferrihydrite comme raison de la couleur rouge de Mars, mais cela n'a jamais été prouvé comme nous venons de le faire, c'est-à-dire en utilisant des données d'observation et des méthodes de laboratoire inédites pour produire un analogue de poussière martienne en laboratoire», relève Adomas Valantinas.
Caméra bernoise
L'équipe a travaillé avec des données provenant de la sonde Mars Reconnaissance Orbiter de la NASA et des sondes Mars Express et ExoMars de l'Agence spatiale européenne (ESA). La sonde ExoMars est équipée du système d'imagerie Color and Stereo Surface Imaging System (CaSSIS), une caméra développée et construite par une équipe internationale dirigée de l'Université de Berne.
Les premiers résultats ont été obtenus grâce à CaSSIS, qui a mis en évidence la présence de ferrihydrite. La caméra observe Mars depuis avril 2018 et fournit des images en couleur et à haute résolution de la surface de Mars. Les données recueillies en orbite martienne ont été combinées avec des mesures effectuées par les rovers de la NASA tels que Pathfinder, Curiosity et Opportunity, ainsi qu'avec des analyses en laboratoire de matériaux synthétiques semblables à ceux de Mars.
D'autres expériences et mesures ont été réalisées à l'Université de Grenoble (F), à l'Université Brown et à l'Université de Winnipeg, au Canada. Selon Adomas Valantinas, «nos analyses montrent globalement que la ferrihydrite est très répandue dans la poussière martienne et probablement aussi dans les couches rocheuses».
En attendant des échantillons
La confirmation de la ferrihydrite comme principal colorant de la poussière martienne a des conséquences importantes pour la compréhension de l'histoire de Mars et la question de savoir si la vie y est apparue un jour. Contrairement à l'hématite qui se forme dans des conditions chaudes ou sèches, la ferrihydrite se forme en présence d'eau fraîche.
L'étude montre que pour que la ferrihydrite se forme sur Mars, il a fallu à la fois de l'oxygène – qu'il provienne de l'atmosphère ou d'autres sources – et de l'eau, qui peut réagir avec le fer. Ces conditions étaient très différentes de l'environnement sec et froid de Mars aujourd'hui.
Selon Jack Mustard, co-auteur de ces travaux à l'Université Brown, ces résultats ne pourront être vérifiés que sur des échantillons ramenés de Mars, actuellement collectés par le rover Perseverance de la NASA. «Lorsque nous les récupérerons, nous pourrons définitivement vérifier si notre théorie concernant la ferrihydrite est correcte», conclut le planétologue. Cela pourrait être le cas dans les années 2030.