Ils s'informent sur TikTok ou Insta...
Les jeunes de la génération Alpha n'utilisent plus le moteur de recherche de Google

Ils sont nés dans un monde hyper-connecté, un smartphone à la main. Pourtant, le géant de la tech Google craint ce qui se dessine comme leurs habitudes digitales: la génération Alpha n'utilise plus les moteurs de recherche, par exemple. Privilégiant les réseaux sociaux.
Publié: 26.07.2022 à 06:09 heures
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Ceux qui sont nés après 2010 font partie de la génération Alpha. Et leurs habitudes numériques risquent de bousculer le marché... tout comme nos sociétés hyper-connectées.
Photo: Shutterstock
Peter Aeschlimann

Pour les entreprises, c'est le Saint Graal: un nom de produit qui devient synonyme d'objet du quotidien. En Angleterre, par exemple, lorsque quelqu'un dit «Hoover», il s'agit d'un aspirateur. Le groupe technologique Alpha a ainsi décroché le jackpot du marketing il y a des années déjà, avec toute une génération de jeunes comme pancarte. Autre néologisme néo-tech, un peu plus ancien: qui cherche, googlise. Mais cela pourrait ne pas durer.

Prabhakar Raghavan, Senior Vice President de Google, a vendu la mèche lors d'un congrès à Aspen (USA). Il a annoncé aux représentants de la branche, stupéfaits: «Les jeunes ne font plus de recherches par mots-clés sur Internet.» En effet, environ 40% des adolescents s'en remettent à... Tiktok et Instagram pour leurs recherches. L'activité principale de Google est donc soudain sérieusement menacée.

Raghavan a constaté que les nouveaux internautes naviguent sur la Toile avec un état d'esprit totalement différent de celui des générations précédentes: les contenus ne seraient plus recherchés, mais découverts passivement en images animées dans le flux infini d'Instagram ou de Tiktok.

Un coup d'œil sur les chiffres montre qu'en Suisse, deux millions de personnes utilisent Tiktok. Ils sont plus de 1,5 milliard dans le monde. Lors d'un sondage, 50% des personnes interrogées ont déclaré avoir déjà acheté des produits pour lesquels une publicité avait été diffusée sur la plateforme. Fait révélateur: l'année dernière, le hashtag le plus utilisé sur TikTok était... #tiktokmademebuyit – ou «TikTok me l'a fait acheter».

«Hey Siri, ça fait combien 7 fois 8?»

Ceux qui sont nés après 2010 font partie de la «génération Alpha»; en 2025, elle sera forte d'environ deux milliards d'individus. C'est officiellement la plus grande génération de l'histoire. Dès la pré-adolescence, ces jeunes influencent le comportement d'achat de leurs parents. Dans quelques années, ils seront le principal groupe cible. Mais l'on sait déjà aussi qu'ils risquent de poser quelques colles au monde du marketing. «Beaucoup de choses qui nous paraissent normales aujourd'hui seront remises en question par la génération Alpha», explique le chercheur Simon Schnetzer au SonntagsBlick.

Il cite l'exemple de l'école, qui se déroule généralement dans l'établissement scolaire. Ce fait était valable pour les baby-boomers, la génération X, la génération Y et la génération Z. Ensuite, le Covid a bouleversé le monde. «L'école s'est soudainement déroulée à l'écran, entre les quatre murs de la maison», souligne Simon Schnetzer.

Les enfants de la Gen Alpha sont aussi les premiers à avoir été en contact avec l'iPhone et la tablette dès leur plus jeune âge. Les personnes de référence sont leur maman et leur papa, mais aussi Siri et Alexa, du nom des plus célèbres assistants virtuels à commande vocale. Cela marque aussi la façon d'apprendre de cette génération, qui pourrait se révéler radicalement différente. Le chercheur explique: «Pourquoi devraient-ils apprendre par cœur les petites tables de multiplication, alors qu'ils peuvent demander: 'Hey Siri, ça fait combien 7 fois 8?'»

Lorsque les enfants deviennent des screenagers incontrôlables, et que le temps passé devant les écrans augmente de manière inquiétante, cela pose des problèmes de société. Un enfant qui s'assoit volontairement sur le banc de touche à l'entraînement de football, car il préfère consulter Instagram ou Tiktok, par exemple, peut au final passer à côté de la vie réelle. «Celui qui a toujours besoin d'un feed numérique perd ses repères», explique Simon Schnetzer. Et d'ajouter: «L'on renonce volontairement à profiter du moment présent pour le documenter de la meilleure manière possible, et gagner en reconnaissance sur les plateformes numériques.»

En mode crise permanente

Et non, l'utilisation d'écrans ne rend pas plus heureux. Au contraire: dans tous les sondages récents, les jeunes ont exprimé des perspectives d'avenir plutôt pessimistes, voire très. Alors que la génération Z pensait encore que les choses allaient s'arranger d'une manière ou d'une autre, les plus jeunes sont apparemment en mode crise permanente.

«Les membres de la génération Alpha ne pensent pas, déjà maintenant, qu'ils pourront maintenir le niveau de prospérité de leurs parents, explique Simon Schnetzer. Est-ce que cela vaut la peine d'investir dans une carrière si je ne sais pas ce qu'il en sera dans un an?»

Selon lui, la tâche de la société sera de donner confiance à ces jeunes individus, «pour qu'ils croient en un avenir». Selon lui, c'est une condition sine qua non pour que le contrat entre les générations fonctionne: «Il faut faire participer ces jeunes à la construction de l'avenir commun, et ne pas décider par-dessus leur tête.» Si cela ne réussit pas, les jeunes d'aujourd'hui se désolidariseront des seniors de demain: «Vous avez tout gâché, vous pouvez désormais en assumer seuls les conséquences.»


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