Tamara Funiciello en est convaincue: «Il faut des jeunes mères au Conseil fédéral!» La conseillère nationale bernoise et présidente des Femmes socialistes déclare: «C'est la seule façon de faire avancer l'égalité.» Elle met ainsi le feu aux poudres dans le débat sur la succession de Simonetta Sommaruga. Jusqu'à présent, toutes les conseillères fédérales étaient soit sans enfants, soit leurs enfants étaient adultes ou adolescents.
Le manque de représentation au Conseil fédéral est mauvais pour les femmes, explique Tamara Funiciello: «Il n'est pas étonnant que les jeunes mères en Suisse soient toujours désavantagées, que ce soit au niveau du travail, de la répartition des tâches ménagères, ou de la garde des enfants.» Ces thèmes ne figuraient en effet pas en tête de la liste des priorités du Conseil fédéral jusqu'à présent. Pourtant, la conseillère nationale le répète: «Les jeunes mères seraient un enrichissement pour le gouvernement national, car leur réalité est différente.»
Tamara Funiciello a d'ailleurs reçu le soutien de la conseillère nationale socialiste Samira Marti. «Cela ferait du bien à la Suisse d'avoir des mères avec des enfants en bas âge au Conseil fédéral, déclare la Bâloise. On voit à l'étranger qu'il est possible d'être Premier ministre quand on est une jeune mère.»
Ce n'est pas le cas d'Eva Herzog. La conseillère aux Etats bâloise est considérée comme une politicienne pragmatique, et la favorite pour la succession de Simonetta Sommaruga. Mais elle ne correspond pas à ce que souhaite Tamara Funiciello: ses deux filles sont déjà adultes.
De nombreuses candidates jeunes mères
Parmi les autres candidates potentielles, il y a en revanche un grand nombre de jeunes mères. En premier lieu, la conseillère nationale bernoise Flavia Wasserfallen. Ses enfants ont six, dix et quatorze ans. Flavia Wasserfallen les emmène régulièrement au stade de football, mais aussi à des manifestations pour le climat. Jusqu'à son entrée au Conseil national, Flavia Wasserfallen et son partenaire se partageaient la garde des enfants. «Il assume à présent plus de tâches, disait-elle il y a trois ans. La conciliation est nécessaire pour de nombreuses familles.» Flavia Wasserfallen décidera au plus tôt la semaine prochaine si elle souhaite intervenir dans le débat en tant que conseillère fédérale.
Pascale Bruderer, ancienne conseillère aux Etats argovienne et mère de deux filles en âge de scolarité, est également considérée comme candidate. Amélie, 8 ans, veut devenir mécanicienne automobile. Sa mère se réjouit de cette rupture avec les rôles sociétaux genrés. Après sa démission du Conseil des Etats, Pascale Bruderer est devenue entrepreneuse et a déclaré: «Les conseillers fédéraux vivent presque exclusivement pour la politique, je ne peux pas m'imaginer une telle vie.» Peut-être cependant qu'elle a changé d'avis, cette dernière annoncera mardi si elle souhaite se porter candidate.
La conseillère d'Etat bernoise Evi Allemann entre également dans la catégorie sociale que souhaite mettre en valeur le PS. Son nom est rarement cité, ce qui convient à cette politicienne discrète. Depuis 2018, cette mère de deux enfants en âge scolaire dirige la direction de la justice bernoise. Dans son bureau, un dessin de sa fille est accroché. «Les liens familiaux sont importants pour moi, avait fait savoir Evi Allemann au public il y a quelques années. J'essaie très souvent d'être à la maison le soir.» Même si cela risque d'être difficile en tant que conseillère fédérale, Evi Allemann n'exclut pas de se présenter.
Une chose est sûre: être conseiller fédéral est plus qu'un travail à plein temps. Les journées de travail sont intenses et souvent loin d'être terminées à 19h00. Les conseillers et conseillères fédérales sont souvent en déplacement le soir et le week-end.
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Allier fonction et vie de famille est compliqué
C'est précisément pour cette raison que le conseiller aux Etats du centre Pirmin Bischof a décidé il y a six ans de ne pas se porter candidat. Son parti cherchait alors un successeur à la conseillère fédérale Doris Leuthard. Pirmin Bischof a voulu apprendre du ministre de l'Intérieur Alain Berset, lors d'un entretien, comment celui-ci conciliait famille et travail. La réponse l'a apparemment découragé. Pirmin Bischof est arrivé à la conclusion «qu'un poste de conseiller fédéral n'entrait pas en ligne de compte pour moi et ma famille. Le sacrifice aurait été trop grand.» Au lieu de cela, il est devenu père pour la troisième fois cet été.
Le conseiller aux Etats appenzellois Andrea Caroni - père de deux enfants - est du même avis. En tant que collaborateur de l'ancien conseiller fédéral Hans-Rudolf Merz, il a pu constater le peu de temps libre dont disposent les membres du gouvernement fédéral. «Merz avait l'habitude de dire qu'il avait une demi-heure de temps libre par semaine - le dimanche matin», se souvient Andrea Caroni. Pour lui, il est donc exclu d'exercer une telle fonction avec des enfants en bas âge. «Que l'on soit homme ou femme, on ne voit plus sa famille.»
Un collaborateur de l'entourage d'un conseiller fédéral contredit pourtant cette vision. Selon lui, il est possible de concilier famille et fonction. Mais attention: «Il faut être extrêmement bien organisé et fixer des limites claires.» Cela signifie peut-être ne se rendre qu'à une seule manifestation par semaine au lieu de trois. «Mais cela peut vite être interprété comme un manque d'engagement», reconnaît le collaborateur.
Une réorganisation du Conseil fédéral?
Ce n'est pourtant pas seulement la charge de travail élevée qui pourrait poser problème pour la potentielle future conseillère fédérale avec de jeunes enfants. Pour les jeunes mères, s'ajoute le fait qu'elles iraient à l'encontre du rôle genré encore répandu: La fameuse injonction qui dit que «la place de la femme est à la maison avec les enfants». «La première jeune mère qui sera conseillère fédérale sera extrêmement surveillée», affirme la sociologue Katja Rost. Elle en est sûre: «On lui reprochera rapidement de ne pas être une bonne mère.» Cette magistrate aura en tout cas besoin d'avoir un caractère bien trempé.
Le problème de la charge de travail peut au moins être résolu, estime le coprésident du PS Cédric Wermuth. «Nous devons discuter de la manière d'organiser la fonction de telle sorte qu'il soit possible d'avoir une vie privée à côté du travail», déclare l'Argovien. Il propose d'augmenter le nombre de conseillers fédéraux à neuf ou de redistribuer certains départements qui sont très larges.
Avoir de jeunes mères au pouvoir n'est pourtant pas gagné d'avance. La résistance vient des rangs mêmes du PS. Le conseiller aux Etats Daniel Jositsch, qui lorgne depuis des années sur le poste de conseiller fédéral, se sent tellement snobé qu'il qualifie ouvertement la volonté féminine du parti de «discrimination».
Le président de l'UDC Marco Chiesa applaudit, mais cette déclaration fait froncer les sourcils aux camarades socialistes de Daniel Jositsch. Pour ses collègues, la discrimination se situe à un tout autre niveau: ce que subissent au quotidien les jeunes mères, par exemple.
(Adaptation par Lliana Doudot)