Violences conjugales
La Suisse à nouveau condamnée par la CEDH pour ne pas avoir protégé une femme

La Cour européenne des droits de l'homme critique la Suisse pour ne pas avoir suffisamment protégé une femme contre son partenaire violent. Les autorités n'ont pas informé la victime du passé criminel de l'homme, condamné en 1995 pour meurtre et viol.
Publié: 03.04.2025 à 13:17 heures
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Dernière mise à jour: 03.04.2025 à 13:18 heures
La Suisse a été condamnée par la CEDH pour n'avoir pas protégé suffisamment une femme contre son partenaire violent. (image d'illustration)
Photo: Shutterstock
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ATS Agence télégraphique suisse

La Suisse n'a pas accordé une protection suffisante à une femme contre son partenaire violent, retient la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). L'intéressée ne connaissait ni la dangerosité ni le passé criminel de son compagnon. La CEDH constate dans son arrêt publié jeudi que les autorités suisses dans leur ensemble n'ont pas pris les mesures nécessaires pour informer et protéger la femme. La Confédération a ainsi violé le droit à la vie inscrit dans la Convention des droits de l'homme.

L'homme a été condamné en 1995 pour meurtre et viol de sa partenaire d'alors. Il a été libéré sous condition en 2001. Cinq ans plus tard, il a à nouveau été arrêté parce qu'il menaçait et harcelait par téléphone sa nouvelle compagne.

Expertise psychiatrique

Une expertise psychiatrique a révélé qu'il n'était pas en mesure d'agir de manière adéquate dans des situations difficiles. Il faut s'attendre à des menaces de sa part, mais aussi à des violences physiques, notamment envers les personnes avec lesquelles il entretient une relation intime, comme il ressort de la décision de la CEDH.

Il rencontre alors la plaignante, une Suissesse née en 1969. Celle-ci ignorait tout de son passé et de ses condamnations. Après l'apparition de problèmes dans leur relation, elle a contacté le médecin de famille de son partenaire en 2007 pour comprendre la situation. Le médecin lui a recommandé de mettre fin à la relation. Il ne lui a pas donné de détails, mais a informé la police.

Celle-ci n'a entrepris aucune démarche officielle. Seul un policier a pris l'initiative de pousser la femme à quitter son partenaire en raison de sa dangerosité. Il ne lui a cependant pas donné de détails sur le passé de ce dernier et n'avait pas connaissance du contenu de l'expertise psychiatrique. Il a également été recommandé à la femme, qui ne voyait aucun avenir à sa relation, de porter plainte.

Elle ne l'a pas fait. Lorsqu'elle a annoncé à son partenaire qu'elle souhaitait se séparer, celui-ci s'est introduit dans son appartement. Il a tenté d'étouffer la femme dans le garage, sans y parvenir, l'a violée, lui a tiré trois fois dans le dos avec une arbalète et l'a finalement placée ligotée dans le coffre de sa voiture.

Il a roulé pendant plusieurs heures et a emmené la femme dans son appartement à lui, où il l'a menacée avec un couteau. Onze heures après le début du martyre, il a appelé son psychologue, qui s'est rendu en ambulance au domicile de l'homme violent. Deux jours après son arrestation, l'homme s'est suicidé.

Violences contre les femmes: besoin d'aide?

Vous, ou l'une de vos proches, êtes victime de violences de la part d'un partenaire ou d'un proche? Voici les ressources auxquelles vous pouvez faire appel.

En cas de situation urgente ou dangereuse, ne jamais hésiter à contacter la police au 117 et/ou l'ambulance au 144.

Pour l'aide au victimes, plusieurs structures sont à votre disposition en Suisse romande, et au niveau national.

Vous, ou l'une de vos proches, êtes victime de violences de la part d'un partenaire ou d'un proche? Voici les ressources auxquelles vous pouvez faire appel.

En cas de situation urgente ou dangereuse, ne jamais hésiter à contacter la police au 117 et/ou l'ambulance au 144.

Pour l'aide au victimes, plusieurs structures sont à votre disposition en Suisse romande, et au niveau national.

«Aucun lien»

Une action en responsabilité déposée par la femme en 2014 contre le canton de Lucerne a été rejetée par la justice lucernoise, puis par le Tribunal fédéral. Les juges de Mon-Repos ont confirmé l'avis du canton selon qui il n’existe pas de lien de causalité entre le conseil de séparation formulé par le policier et les actes commis par le partenaire.

La CEDH estime en revanche que les autorités n'ont pas respecté leurs obligations. A partir de l'appel téléphonique du médecin à la police, ils auraient eu connaissance, dans leur ensemble, du danger réel que représentait le partenaire de la femme. L'un des policiers a fait son possible, dans la mesure de ses moyens, pour avertir la femme par téléphone.

Toutefois, aucune mesure coordonnée n'a été prise par la suite, comme cela aurait été nécessaire dans cette situation. Les autorités disposaient de toutes les connaissances nécessaires et auraient dû faire preuve de la prudence requise. (Décision numéro 56114/18)

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