Vers plus de transparence?
Un nouveau projet de loi vise à empêcher les conflits d'intérêt des médecins avec l'industrie pharma

Les médecins et hôpitaux pourraient signaler publiquement leurs relations avec l'industrie pharmaceutique et les fabricants de produits médicaux. C'est ce que prévoit en tout cas un projet de loi.
Publié: 19.02.2025 à 12:11 heures
Un projet de loi veut empêcher les avantages financiers entre les médecins et l'industrie pharmaceutique.
Photo: KEYSTONE
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Otto Hostettler

La politique suisse a du mal avec la transparence. Plus particulièrement dans le domaine de la santé, les conflits d'intérêts sont monnaie courante. Les patients ne devraient pourtant être traités que sur la base de faits objectifs et de diagnostics, et non pas parce que des médecins, des hôpitaux et d'autres prestataires en tirent des avantages financiers. Dans le jargon administratif, on parle de «promesse et d'acceptation d'avantages pécuniaires», les critiques parlent plutôt de «gavage». 

Le Conseil national et le Conseil des Etats débattent depuis des années sur la manière de régler cette problématique. Ainsi, la loi sur les produits thérapeutiques (LPTh) a été révisée à plusieurs reprises, bien qu'il reste de grosses lacunes. Toujours est-il qu'en 2020, de nouvelles dispositions relatives à l'intégrité et à la transparence dans le domaine des produits thérapeutiques sont entrées en vigueur.

Un passage stipule désormais que le choix d'un traitement ne doit pas être influencé par «des avantages de toute nature». Fini les invitations somptueuses et les cadeaux onéreux pour les cabinets médicaux. Les cadeaux d'une valeur maximale de 300 francs annuels par professionnel, ainsi que les contributions de soutien à la recherche, à la formation postgraduée et continue sont toutefois autorisés. 

Les médecins et les hôpitaux doivent également informer l'Office fédéral de la santé publique des rabais obtenus sur le prix des médicaments. Des rabais qui doivent en principe être répercutés sur les patients.

Elargir l'obligation de transparence

Aujourd'hui, la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS) se penche sur un sujet que le Conseil fédéral voulait déjà régler légalement en 2012, avant que le Parlement en décide autrement. Le nouveau projet de loi veut que les conflits d'intérêts des médecins et des hôpitaux soient rendus publics. 

Comme lorsqu'un médecin participe à une entreprise de vente de médicaments par correspondance, augmentant ainsi indirectement ses propres revenus en prescrivant plus souvent certains médicaments. Ou lorsqu'une pharmacie est en fait la propriété d'un grossiste en médicaments, car elle pourrait tirer avantage à vendre certains médicaments.

Cette obligation d'information, que le Parlement a encore rejetée il y a cinq ans, doit non seulement rendre transparents les liens des médecins et des hôpitaux avec l'industrie pharmaceutique, mais aussi les conflits d'intérêts liés aux fabricants de dispositifs médicaux. L'objectif là-derrière? Mettre un terme aux pratiques de certains médecins qui obtiennent par exemple des implants à prix réduit de la part des fabricants, au fur et à mesure qu'ils en commandent davantage. 

La CSSS frileuse sur la transparence

Le projet de loi est le fruit d'une initiative parlementaire du conseiller aux Etats socialiste, Baptiste Hurni. Le Neuchâtelois souhaite que les médecins et les hôpitaux répertorient dans un registre accessible au public leurs participations «auprès d'acteurs économiques». Ils doivent également indiquer les prestations qu'ils reçoivent «sans rémunération» de la part de l'industrie pharmaceutique ou du secteur des dispositifs médicaux. Les contrats qui lient les médecins à des «acteurs économiques» devraient aussi être publiés. 

La majorité de la CSSS ne veut pas aller aussi loin. Elle ne souhaite pas par exemple que le registre soit accessible au public. La commission propose à la place – de façon un peu floue – que les patients aient la possibilité de s'informer «sur Internet ou sur place» sur les éventuels liens d'intérêts. Elle estime aussi que les participations «mineures» des médecins dans des entreprises ne doivent pas être rendues publiques, et veut aussi faire une exception lorsque ces entreprises commercialisent des produits thérapeutiques qui ne présentent qu'un «faible potentiel de risque».

La Commission de la santé veut sanctionner les infractions à la nouvelle réglementation sur la transparence avec des amendes pouvant aller jusqu'à 50'000 francs. La date à laquelle le Parlement discutera du projet de loi n'est pas encore définie. Les acteurs politiques peuvent s'exprimer sur la proposition de loi, dans le cadre de la procédure de consultation jusqu'à la mi-mai. 

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