Valérie Dittli, nouvelle grande argentière vaudoise
«Parler des impôts sur TikTok, c'est tout à fait possible»

Après vingt ans sous le règne de Pascal Broulis, les finances vaudoises vont passer dès le 1er juillet entre les mains de Valérie Dittli. Comment la nouvelle conseillère d'État voit-elle son rôle de grande argentière du canton? Interview.
Publié: 23.05.2022 à 06:12 heures
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Dernière mise à jour: 23.05.2022 à 06:48 heures
Valérie Dittli, présidente cantonale du Centre et surtout conseillère d'État, est la nouvelle grande argentière vaudoise.
Photo: Keystone
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Adrien SchnarrenbergerJournaliste Blick

C'est la nouvelle surprise du chef, ou plutôt de la cheffe: après son élection inattendue, Valérie Dittli a encore étonné les analystes en recevant les Finances. La présidente du Centre aura la lourde tâche de succéder à «l'éternel» grand argentier vaudois Pascal Broulis.

La Zougoise d'origine (mais il ne faut plus l'écrire!) veut faire honneur à ses initiales et s'implanter durablement dans le coeur des Vaudois. Ne vous fiez pas à son français que certains jugent fédéral: elle a assuré à «L'illustré» qu'elle «comprend certaines tournures de phrases que les Romands ne maîtrisent pas».

Avant d'en avoir le bureau, Valérie Dittli a déjà un agenda de ministre — elle n'a qu'une demi-heure pour nous — mais n'a pas perdu l'authenticité qui a tant plu aux Vaudois. C'est «un pote» qui assure sa communication et la nouvelle conseillère d'État avoue sans peine espérer dégager du temps pour sa famille et ses amis une fois installée au Château Saint-Maire.

Est-ce compatible avec l'immense charge de travail qui l'attend dans son nouveau département intégrant — dans une configuration encore peu claire — le climat? «Tout est question d'organisation et d'équilibre», assure Valérie Dittli en hélant la serveuse avec une autorité dont elle aura bien besoin dans sa nouvelle fonction. Pas de temps à perdre: les minutes sont comptées à la terrasse où nous venons de nous installer.

Nous sommes à la mi-mai et il fait plus de 30 degrés... Cela vous inquiète?
Oui, absolument. Ces dérèglements climatiques doivent nous interpeller.

Le climat sera un gros enjeu pour vos nouveaux collègues et vous. Notamment le Plan Climat, un projet à près d'un milliard et demi…
Tout à fait, et je suis contente d’avoir mon mot à dire en la matière, notamment avec l’agriculture, les finances et les aspects de la durabilité dans mon département. Je pense que le défi climatique nécessite une réponse transversale — de tous les départements et de tous les partis. En tant que ministre des Finances, j’aurai des instruments essentiels pour assurer cette transversalité.

Le 10 avril, vous étiez sur les rotules le soir de votre élection. Vous avez pu récupérer?
Oui, j’ai pu souffler. La campagne a été intense, mais toutes les rencontres que j’ai pu faire sur le terrain m’ont donné de l’énergie. C’était une bonne fatigue! Et je pars à l’Ascension en vacances pour couper un peu avant mes grands débuts.

On a presque cru que les départements ne seraient pas encore répartis d’ici au 1er juillet…
Vous exagérez (rires). Tout le monde a pris deux semaines pour récupérer un peu, ensuite nous nous sommes vite mis au travail.

Ministre des Finances, c’était à quelle place sur votre liste de courses?
Disons que je suis très contente du département que j’ai. Il permet d’établir une politique à long terme, ce que j’apprécie.

La présidente du Parti socialiste Jessica Jaccoud s’est étonnée de votre nouveau statut de grande argentière: vous allez devoir défendre les budgets devant le Grand Conseil sans députés. Cela vous touche?
Je suis humaine, donc je ne suis pas indifférente à la critique. Ce que je n’aime pas, ce sont les préjugés. Que l’on me laisse arriver et faire mes preuves.

Mais tout de même, vous n’avez pas peur d’être isolée?
Non, je sais m’entourer. Et, vous savez, l’Alliance vaudoise n’était pas qu’un slogan ou une stratégie électorale. Nous allons poursuivre sur cette voie. Mais je reste centriste, et c’est mon atout: avec mon profil, je pourrai faciliter la recherche d’équilibre dans un gouvernement composé de trois membres de droite et trois de gauche. Et l’équilibre, c’est important lorsque l’on parle de finances.

Les électeurs de l’UDC qui ont voté Dittli ne seront donc pas trompés sur la marchandise?
L’UDC m’a soutenue en connaissance de cause, en tant que centriste. Je m’entends très bien avec la direction et les députés de ce parti, et je pense que c’est avec un dialogue large que l’on va trouver les meilleures solutions pour ce canton.

D’accord. Parlons finances, alors. Quel rapport avez-vous à l’argent?
(Réfléchit) Je pense être capable de faire les bons équilibres entre la rigueur et l'investissement, ou si vous préférez, quand dépenser et quand économiser. Je suis originaire à moitié de Zurich par ma mère, donc j’ai cet esprit libéral, entrepreneurial. Mais je viens aussi d’Uri à un quart, donc je suis aussi terre-à-terre avec la tête dure. Et enfin mon sang est un quart appenzellois. Vous savez ce qu’on dit des Appenzellois?

À part qu’ils louent beaucoup de voitures, je ne vois pas.
Ils sont très économes, ce sont de très bons calculateurs. Donc je suis un mélange de différentes influences.

Vous n’avez pas cité Zoug, où votre famille habite à Oberägeri. À dessein?
Je suis toujours surprise de voir à quel point mes origines interrogent. Je ne crois pas avoir vu autant de questions similaires concernant mes collègues du Conseil d’État… Depuis que mon département a été annoncé, j’ai déjà pu lire que c’était un symbole d’avoir une Zougoise libérale aux Finances. Peut-être. Je suis surtout convaincue qu’il faut rendre du pouvoir d’achat à la classe moyenne et aux familles.

Vous connaissez le titre du livre écrit par Pascal Broulis?
Lequel? Il en a écrit quatre… Mais je pense que vous voulez me parler de «L’impôt heureux»?

Bien vu! Il sera comment, l’impôt selon Valérie Dittli?
Sûrement pas triste! Plus sérieusement, je ne peux pas encore vous répondre, je préfère prendre connaissance des dossiers en profondeur d’abord. Ce que je peux dire à ce stade, c’est que j’ai une grande admiration pour tout ce qu’a fait Pascal Broulis durant vingt ans au gouvernement vaudois.

Cela ne vous fait pas peur, de commencer sans connaissances du domaine?
La peur est mauvaise conseillère, comme vous le dites en français. Je ne veux pas utiliser ce mot, je préfère parler de respect envers le mandat. Et j’ai une chance, c’est que j’apprends vite et j’ose demander de l’aide. Je préfère dire que je ne sais pas et apprendre que de prétendre savoir.

Certains parlent de cadeau empoisonné de succéder à un tel bilan. Au point que le mandat aurait fait peur à certains PLR…
On verra dans cinq ans, si le cadeau était empoisonné. Ce que je peux promettre, c’est de m’engager en faveur de la défense de la classe moyenne, trop souvent oubliée par la politique.

C’est qui, la classe moyenne?
Tous ceux qui sont entre la définition de la gauche et celle de la droite.

Le pouvoir d’achat est sur toutes les lèvres ces temps-ci. Comment soulager le porte-monnaie des Vaudoises et des Vaudois?
Oui c’est une priorité et je compte bien travailler dans ce sens. Sur la manière exacte de le faire, laissez-moi mes premiers cent jours pour me faire une idée, et je vous répondrai.

Vous allez décevoir certains jeunes qui espéraient une communication moins politicienne…
Pas du tout, c’est un de mes objectifs! J’espère vraiment contribuer à augmenter la participation en rendant la politique plus accessible aux jeunes.

Comment les convaincre?
Il faut investir les canaux de communication où se trouvent les jeunes, avec leurs codes. J’ai grandi avec les réseaux sociaux et eux aussi. Il faut rendre plus accessible le travail effectué par leurs représentants, expliquer à quoi servent les conseillers d’État…

Donc on va apprendre les impôts via TikTok?
Et pourquoi pas? L’important, c’est qu’il y ait de la substance. Communiquer via les bons outils est primordial. Je compte le faire pour montrer quelle stratégie je poursuis.

À titre personnel, quelle a été la dernière grosse dépense de la nouvelle ministre des Finances?
Une voiture électrique, pour pouvoir me déplacer dans tout le canton. J'aime les transports publics et pour les trajets courts privilégie le vélo ou le scooter, mais à présent je dois pouvoir me déplacer rapidement à des endroits parfois mal desservis et je suis très sensible aux zones périphériques. Et ce faisant, je veux générer le moins possible de CO2. D’ailleurs une installation de bornes électriques au Château ne serait pas mal, n’est-ce pas?

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