Vail Resorts à l'assaut des domaines européens
Pourquoi les Américains veulent-ils conquérir nos Alpes?

Vail Resorts, un exploitant américain de stations de ski, mise sur une opération de séduction avec Mike Goar, son responsable pour la Suisse. L’entreprise cherche à se développer en Europe en rachetant des stations de ski. Rencontre.
Publié: 29.03.2025 à 16:39 heures
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Dernière mise à jour: 29.03.2025 à 16:40 heures
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Mike Goar, directeur suisse de Vail Resort, dans le lobby du Radisson Blu à Andermatt.
Photo: STEFAN BOHRER
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Martin Schmidt

Mike Goar est l’homme des missions stratégiques chez le géant américain des stations de ski, Vail Resorts. Jusqu’en 2022, cet Américain a dirigé sur le plan opérationnel Park City Mountain, le plus grand domaine skiable des Etats-Unis, pour le compte de Vail Resorts. Depuis, il vit à Andermatt (UR) et supervise les activités de l’entreprise en Suisse, notamment avec les stations rachetées d'Andermatt et de Crans-Montana (VS). Il est également en charge de l’expansion européenne, un enjeu clé pour Vail Resorts. 

A l'assaut des domaines européens

Le plus grand exploitant de domaines skiables au monde veut se développer en Europe et mise sur une offensive de charme pour y parvenir. 

«Nous voulons créer un réseau de stations de ski en Europe. Mais il faut que cela ait du sens: nous ne rachetons pas une destination juste pour grandir», nous explique l'intéressé lors d’une montée en télécabine vers le Schneehüenerstock, à Andermatt. Sur les pistes, un épais brouillard recouvre le paysage.

Un marché européen à fort potentiel

L’objectif est clair: après la Suisse, Vail Resorts veut exploiter ses propres stations de ski en Italie, en France et en Autriche. «Nous n’avons pas de chiffre précis en tête quant au nombre de domaines que nous voulons acquérir, mais nous recherchons aussi de nouveaux partenaires pour l’Epic Pass», explique Mike Goar.

John Plack est quant à lui responsable de la communication du groupe. Il a, lui aussi, fait le déplacement des Etats-Unis vers la Suisse. «Sur l’ensemble du marché américain, on enregistre environ 80 millions de journées par saison, c’est-à-dire des entrées journalières. En Europe, ce chiffre atteint environ 195 millions», souligne-t-il, mettant en avant l’importance du marché européen.

Opération séduction

A Crans-Montana et Andermatt, le groupe américain reste très bien accueilli, comme l’ont montré plusieurs de nos visites sur place. Et l’entreprise entend maintenir cette dynamique grâce à des investissements stratégiques. «D’ici la fin de l’année, nous allons investir jusqu’à 50 millions de francs dans la modernisation des remontées mécaniques, l’enneigement artificiel et l’offre de restauration en altitude à Andermatt», annonce Mike Goar. Pour les années suivantes, 60 millions de francs supplémentaires sont prévus, tandis que 30 millions seront investis à Crans-Montana. Le but: démontrer aux stations potentielles que la présence de Vail Resorts stimule leur développement.

Qu'en est-il des performances des domaines d’Andermatt et de Crans-Montana? «Vail Resorts ne communique pas de chiffres précis sur chaque station, mais la fréquentation et le chiffre d’affaires évoluent positivement», assure l'américain.

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Les passes multi-stations sont l'avenir
Mike Goar
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Selon le bilan de la saison de Remontées Mécaniques Suisses, le nombre de journées de ski à Crans-Montana ont légèrement augmenté après la reprise de l'hiver dernier pour atteindre 536'000. A Andermatt-Sedrun, elles auraient baissé à 418'000 au cours des deux dernières années. Interrogée, Remontées Mécaniques Suisses indique que les chiffres sont validés par les remontées mécaniques concernées. Vail Resorts, en revanche, fait savoir que ces chiffres ne correspondent pas au volume réel de la clientèle. Lors de notre visite, le personnel des remontées mécaniques nous confie que les journées de ski à Andermatt-Sedrun devraient s'élever à près de 500'000.

Partenariat renforcé en Europe

Mike Goar a déjà visité plus d'une douzaine de stations de ski cet hiver. «Souvent, il s'agit simplement d'un échange. Nous voulons apprendre des autres, tout comme ils peuvent apprendre de nous.» Cependant, il cherche également à savoir si un désir de vente existe ou si un partenariat suscite de l'intérêt. A Crans-Montana, il a négocié avec succès il y a plus de deux ans avec le milliardaire tchèque et ancien propriétaire Radovan Vítek.

Récemment, Vail Resorts a également renforcé son partenariat avec Verbier 4 Vallées. Il a ainsi amélioré l’accès des détenteurs de l'Epic Pass pour l'hiver à venir. D'autres partenaires actuels incluent Les 3 Vallées (F), Skirama Dolomiti (I) et Arlberg (A). «Les passes multi-stations sont l'avenir», assure l'Américain. Il n'est en revanche pas favorable aux tarifications variables. «Les skieurs doivent savoir exactement combien coûte une journée de ski», ajoute-t-il.

Des abonnements à 300 francs?

Et qu'attend Mike Goar au niveau des prix? Reto Gurtner, directeur de la station de ski de Flims Laax Falera Weisse Arena, a prédit l'automne dernier que les skieurs en Suisse devront payer entre 200 et 300 francs pour un forfait journalier dans dix ans. «Je ne vois pas comment de tels prix pourraient arriver ici», réagit l'intéressé.

Au bout de deux heures, le brouillard s'est dissipé à Andermatt et le soleil se remet à briller. A l'heure du déjeuner, Mike Goar dévale élégamment la pente abrupte. «Cet hiver, je vais sûrement skier 60 fois», dit-il. Il trouve le temps pour ces courtes descentes entre ses appels vidéo quotidiens à 4 heures du matin avec le siège de Vail Resorts à Colorado et ses déplacements. Malgré son âge avancé, il ne pense pas encore à la retraite. «J'aime mon travail», confie encore l'amoureux des pistes. 

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