Roberto Listo est un homme très convoité. Son talent? Préparer d’incroyables pizzas. Comme le veut la recette napolitaine, la pâte est légère et aérée, la garniture simple: «Ma pizza préférée est la Margherita! Avec les autres, on ne sent même plus le goût de la pâte à cause de tous les ingrédients», confie-t-il.
Roberto Listo réalise en moyenne 70 pizzas par heure. Lorsque le restaurant est plein, il peut même atteindre les 80. Et c’est justement ce qui fait de ce pizzaïolo un employé si recherché. Les professionnels de sa trempe sont devenus une denrée rare.
«C’est comme si on avait un bébé»
«Pendant la pandémie, de nombreux Italiens sont retournés dans leur pays d’origine», explique Rudi Bindella junior, qui dirige la chaîne de restauration familiale depuis quatre générations à Zurich.
Le manque de personnel après les fermetures de plusieurs mois se fait sentir dans le domaine de la restauration. Mais c’est chez les pizzaïolos que la situation est de loin la plus grave depuis la réouverture, explique Rudi Bindella. Il a été contraint de prendre des chemins inhabituels. «Nous avons demandé à nos pizzaïolos s’ils avaient des amis ou des parents en Italie qui accepteraient de travailler chez nous.», poursuit-il.
C’est ainsi que Roberto Listo est arrivé en Suisse. Il y a quelques mois encore, il travaillait comme pizzaïolo en Belgique. Jusqu’à l’appel d’un ami. «Il était employé en Suisse depuis sept ans et avait besoin d’aide». Les deux hommes se sont connus à Salerno, une petite ville portuaire du sud de l’Italie, près de Naples.
Depuis son arrivée en Suisse, Roberto Listo fait des pizzas au restaurant bernois Più qui appartient à Rudi Bindella. Quand on le regarde travailler, ne serait-ce que deux minutes, on ne peut pas passer à côté de son amour pour la pizza. «On commence par de la farine et de l’eau – et on en fait une pâte qui vit! C’est comme si on avait un bébé et qu’on l’élevait. Sauf qu’ensuite, on le met au four!», s’amuse le jeune pizzaïolo.
Un four dont la température dépasse les 400 degrés. La pizza napolitaine a la particularité d’être cuite à très haute température, mais très brièvement. La pâte est plus aérée et la préparation plus difficile. Comme la pizza napolitaine fait l’objet d’un véritable engouement ces dernières années, le manque de personnel chez les pizzaïolos spécialisés du sud de l’Italie est d’autant plus important.
Une première école de pizzaïolos en Suisse
Cette pénurie arrange Roberto Listo, qui n’a aucun problème à trouver du travail. «Il y a quelques années, on a soudain commencé à manger de la pizza napolitaine partout dans le monde. Mais le métier a continué d’être enseigné uniquement en Italie», se réjouit-il.
Son patron Rudi Bindella lui donne raison: «En Suisse, il n’existe pas encore de formation spécifique pour les pizzaïolos. Mais nous y travaillons!» En collaboration avec les entreprises partenaires, il veut ouvrir la première école professionnelle dédiée en Suisse.
Aujourd’hui, on trouve tout au plus des cours de quelques jours, qui sont souvent proposés par des boulangers amateurs. Une telle formation ne suffit de loin pas pour apprendre le métier, affirme Roberto Listo en se basant sur sa propre expérience: «Il faut s’entraîner, s’entraîner et s’entraîner encore!».
Lorsqu’il a commencé à faire des pizzas, il y a douze ans, il en faisait au maximum 30 par heure. «Un bon pizzaïolo ne se mesure pas uniquement à sa vitesse», ajoute le jeune homme. Seul celui qui connaît l’histoire de la pizza peut faire un bon pizzaïolo, estime l’Italien. «La pizza, c’est bien plus que de la nourriture. C’est une tradition. Autrefois, c’était un plat de rue pour les pauvres. Je suis fier de son histoire, et c’est aussi pour ça que j’aime autant mon métier.»
Un salaire bas malgré un travail difficile
Il faudra encore attendre jusqu’à ce que les premiers pizzaïolos professionnels entament leur formation en Suisse. D’ici là, les pizzerias continueront à se disputer les bons pizzaïolos italiens. «Il y a urgence. La concurrence est élevée.», se désole Rudi Bindella.
Que faire? Mieux payer les pizzaïolos, estime Roberto Listo. «Ce métier est très fatigant physiquement, surtout pour le dos. Et on travaille le soir et le week-end». La convention collective de travail dans la restauration prescrit un salaire minimal qui se situe entre 3500 et 5000 francs, selon le niveau formation.
Celui qui gère un restaurant ou apprend le métier à la nouvelle génération a de meilleures perspectives. Cela est-il à l’ordre du jour pour Roberto Listo? Seulement en cas de nécessité. «Si c’est physiquement possible, je ferai des pizzas jusqu’à ma retraite!»
(Adaptation par Lauriane Pipoz)