«- Prenez vos distances! La police va arriver d’ici peu.»
«- Pourquoi tu stresses? T'appelles la police comme ça, toi. [...] Je m’en bas les couilles de la police, frère. Viens, on le saute!»
Une vidéo largement relayée sur le réseau social TikTok et visionnée près de 57’000 fois montre un militaire suisse, spray au poivre à la main, en train d’essayer de contenir deux civils. Ceux-ci semblent être en train de forcer l’entrée de la place d’armes d’Aigle, dans le canton de Vaud.
Malgré plusieurs sommations, l’individu qui filme la scène accélère et réussit à contourner l’homme en uniforme. «Halte!», hurle soudainement un autre militaire. La scène s’interrompt. La vidéo reprend avec un plan où l’on voit trois soldats mettre brutalement au sol un individu tout de noir vêtu.
Les gestes sont peu sûrs, les prises de soumission un peu brouillonnes. Un casque recouvert d'un tissu de camouflage roule sur le bitume tandis que les militaires paraissent menotter le fauteur de troubles, qui éclate de rire. Quelques mètres plus loin, une autre personne — mains dans le dos — est escortée par un soldat. Fin des images.
Exercice ou réelle intervention?
Que s’est-il passé? Des jeunes hommes ont-ils tenté de s’introduire de force sur la place militaire aiglonne? À voir les réactions de plusieurs internautes, cette thèse semble plausible. «[Le soldat] a un vrai spray au poivre et on entend clairement un mouvement de charge», estime l’un d’eux. Pour d’autres, au contraire, il s’agirait d’une mise en situation très réaliste mais tout à fait normale.
Contactée, l’armée est catégorique: «Il est clair qu’il s’agit d’un exercice, puisque l'on voit un RSG 2000 (un spray irritant, ndlr.) de marquage, utilisé dans le cadre de l’instruction et des exercices, assure Stefan Hofer, porte-parole. Le RSG 2000 avec substance active, contrairement à celui de marquage, ne peut être utilisé qu’à la garde ou lors d’un engagement réel. Il est donc interdit d’utilisation durant l’instruction ou les exercices.»
Il reprend, en se basant sur la vidéo: «On remarque que la personne qui a été sprayée l’a été avec le RSG 2000 de marquage, car on ne voit aucun effet sur ses yeux.» Ceux-ci sont visibles après deux secondes et peuvent durer de 30 à 45 minutes.
Selon Stefan Hofer, qui a analysé les image, la vidéo aurait été tournée «au printemps ou en automne». «La personne habillée en vêtements civils est un militaire engagé comme marqueur dans cet exercice, afin d’entraîner la réaction des militaires engagés dans la protection de l’infrastructure, détaille-t-il. Il s’agit aussi de contrôler le respect de la proportionnalité et la technique d’engagement des armes et munitions dans le cadre de la mission reçue.»
Quid du règlement?
Toujours selon le porte-parole, le RSG 2000 — qui est employé dans la plupart des troupes — a été introduit dans l’armée en tant que moyen de contrainte intermédiaire entre la force physique et l’utilisation de l’arme à feu létale. Il n'a connaissance d'aucun cas où il aurait été utilisé lors d'une intervention réelle.
«Le marqueur résiste certainement un peu trop aux injonctions de la garde et le fait qu’il n’y ait pas de substance active dans le RSG 2000 de marquage lui donne plus de 'courage' pour défier les militaires, glisse Stefan Hofer. Les marqueurs portent soit des habits civils, soit des tenues camouflées distinctives (en fonction du scénario exercé) afin qu’ils soient identifiables en tant que tel.»
A noter que l'armée interdit de publier des photos et vidéos en uniforme sans autorisation. Pourtant, une simple recherche sur les réseaux sociaux permet de trouver des centaines de clichés publics de soldats en tenue de combat. Le porte-parole ne s'est pas exprimé sur le sujet. L'armée, quant à elle, a visiblement perdu la guerre qu'elle menait pour faire respecter son règlement.