Une naturalisation exemplaire?
La Suède veut s'inspirer de la Suisse pour durcir sa politique migratoire

La Suède adopte une position conservatrice en matière de politique migratoire. Le ministre suédois de l'Immigration, Johan Forssell, s'est rendu en Suisse cette semaine pour recueillir de nouvelles idées, notamment en matière de naturalisation. Interview.
Publié: 10.04.2025 à 12:23 heures
Le ministre suédois de l'Immigration Johan Forssell (à gauche) a demandé conseil à Beat Jans pour sa politique migratoire.
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Guido Felder

Expulsion des étrangers criminels, primes en cas de départ, restrictions sur le regroupement familial: la Suède adopte désormais une ligne dure en ce qui concerne sa politique migratoire. Le nouveau gouvernement élu en 2022 mise sur la restriction plutôt que sur l'ouverture et l'accueil. 

Et le pays nordique souhaite s'inspirer… de la Suisse. Le ministre suédois de l'Immigration, Johan Forssell, a rencontré son homologue, le ministre socialiste Beat Jans, pour étudier de près la politique migratoire suisse. 

Johan Forssell, pourquoi êtes-vous venu en Suisse?
En Suède, nous voulons adopter une approche différente en matière de politique migratoire. Raison pour laquelle nous voulons nous inspirer de la Suisse.

Qu'entendez-vous par là?
Nous avons accueilli un très grand nombre de personnes au cours des dix dernières années. Si la plupart d'entre elles s'en sortent bien, d'autres ont des problèmes d'intégration. Prenons un exemple: aujourd'hui, environ 400'000 personnes sont sans emploi en Suède. Nous voulons prendre des mesures en faveur de l'intégration. Nous souhaitons aussi attirer des personnes issues de la migration, diplômées et hautement qualifiées.

En quoi la Suisse vous inspire-t-elle?
Je sais que la Suisse a un don pour attirer les talents étrangers. J'ai rencontré des étudiants, des doctorants et des chercheurs suédois à l'EPFZ pour comprendre ce qui les attirait tant en Suisse. Mais l'objectif ultime de ce voyage est de comprendre comment la Suisse gère les naturalisations.

La procédure de naturalisation suisse est régulièrement critiquée en raison des nombreux obstacles et des différentes règles régionales. Pourquoi cela vous intéresse-t-il?
La Suisse et la Suède convergent sur de nombreux points. Mais en ce qui concerne la citoyenneté et les naturalisations, nous avons pris des chemins très différents. En Suède, on peut adresser une demande de citoyenneté après cinq ans déjà. Il n'y a pas d'exigences par rapport aux connaissances culturelles sur le pays, sur le fait de maîtriser la langue ou d'être indépendant financièrement. Le fait d'avoir commis des crimes assez graves n'empêche pas non plus l'obtention du passeport. Nous devons changer cela.

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La Suède s’est toujours montrée très ouverte sur la question de l'immigration. Cela s'est révélé néfaste pour son système migratoire
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Cela ressemble à des tests de naturalisation
Exactement. J'en ai passé un, et il ne s'agit pas de savoir qui a fait quoi au 16e siècle. Les questions portent sur les partis représentés au gouvernement, sur la façon de postuler pour un emploi et sur les valeurs du pays. Nous voulons inciter les gens à apprendre le suédois, à respecter la législation et à s'intégrer sur le marché du travail. Être citoyen suédois doit avoir un sens. 

Pourquoi ce changement d'approche? La Suède a-t-elle connu des problèmes?
La Suède s’est toujours montrée très ouverte dans de nombreux domaines, notamment sur la question de l'immigration. De plus, les voix critiques étaient rapidement qualifiées de racistes. On préférait parler d'ouverture des frontières et d'accueil inconditionnel. Résultat: cette approche s'est révélée néfaste pour la Suède et son système migratoire.

Est-ce une question de naïveté?
Il y avait une certaine naïveté, absolument. Lorsque je siégeais au Parlement, j’ai remarqué que les discussions et les questions portaient rarement sur des enjeux à long terme. On se focalisait davantage sur des préoccupations immédiates, comme la recherche de logements, plutôt que sur des défis structurels à long terme, tels que l’emploi.

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On ne peut pas comparer l'AfD aux Démocrates de Suède
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La Suède fait face à une forte criminalité organisée, qui s'est développée en partie à cause de la migration. Comment comptez-vous la combattre?
C'est l'une des priorités de notre gouvernement. Nous voulons renforcer davantage la loi et l'ordre, en donnant aux autorités les moyens juridiques qui leur ont fait défaut pendant de nombreuses années. Nous mettons l'accent sur la surveillance, avec l'installation de caméras. Les criminels ne pourront pas obtenir la citoyenneté. La police estime qu'il y a environ 1500 membres de gangs sans passeport suédois. 

Contrairement à l'Allemagne, où toute collaboration avec l'AfD est écartée, le gouvernement minoritaire de centre-droit suédois collabore avec les Démocrates de Suède, un parti d'extrême droite qui a gagné en influence.
On ne peut pas comparer l'AfD aux Démocrates de Suède. Prenons un exemple: contrairement à l'AfD, ils ont une position favorable à l'Ukraine. Notre collaboration fonctionne très bien. Nous avons montré que nous étions capables de négocier des réformes très importantes et de faire avancer la Suède.

Comment comptez-vous éviter d'éventuelles violations des droits humains en adoptant une politique migratoire stricte?
L'un des objectifs de la réforme est de préserver le droit d'asile en Suède. Une personne qui fuit une guerre obtiendra l'asile. Nous respecterons les lois internationales sur ce point. Mais pour pouvoir aider ces personnes et afin qu'elles puissent être soutenues, il est très important que notre système d'immigration fonctionne. C'est l'objectif que nous visons. 

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