Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'on ne plaisante pas avec la croix suisse. Le patron de la Brasserie fédérale à Zurich en fait actuellement les frais. Depuis plus d'un quart de siècle, un écusson suisse officiel figure sur le logo de son célèbre bistrot de la gare centrale. Le restaurateur est désormais obligé de le remplacer par un drapeau. Tous les verres, tenues de service, cartes et serviettes doivent être remplacés.
Le Zurichois a appris à ses dépens qu'il existait une loi sur la protection des armoiries en Suisse. Celle-ci est en vigueur depuis 2017. Elle interdit l'utilisation des armoiries à des fins commerciales. Seules les autorités peuvent utiliser les armoiries des cantons et des communes, sauf en cas d'obtention d'une licence d'utilisation. C'est le cas par exemple du fabricant de couteaux Victorinox ou du TCS, qui peuvent utiliser l'écusson suisse sur leur logo. Le restaurateur zurichois, n'est en revanche pas en possession d'une telle autorisation.
Protéger l'image de la Suisse
Pas de quoi en faire un fromage pour autant. Il ne comprends pas en quoi les röstis, fondue ou autres émincés à la zurichoise nuisent à l'image de la Suisse. Car le projet Swissness, dans le cadre duquel la loi sur les armoiries est entrée en vigueur, vise en premier lieu à protéger la «marque» du pays à l'étranger. Beaucoup ignore que la logique est également respectée sur le territoire national.
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Le restaurateur n'est pas le seul à avoir inconsciemment enfreint la loi. Depuis 2019, lorsque le délai de grâce après la modification de la loi a expiré, une vingtaine de cas ont été rapportés pour une utilisation illicite des armoiries suisses sur le territoire, et une dizaine de cas à l'étranger, indique sur demande l'Institut fédéral de la propriété intellectuelle (IPI).
Un conseiller communal épinglé
Les cas typiques résident dans l'utilisation des armoiries sur des flyers électoraux par exemple ou encore sur des sites web de prestataires de services. A Killwangen, en Argovie, un conseiller communal a par exemple dû s'expliquer à la police cantonale parce qu'il avait utilisé les armoiries de la commune sur un flyer de votation. Dans le canton de Berne, le loueur de camping-cars américain Road Bear a reçu un courrier pour avoir utilisé illégalement les armoiries bernoises sur son logo. Il les a depuis remplacées par une ours simplement dessiné.
En règle générale, les autorités ne vont pas plus loin lorsqu'un individu utilise illégalement des armoiries - à condition que le logo soit rapidement adapté. L'IPI lui-même n'a jusqu'à présent jamais eu à déposer de plainte pénale ou à saisir un tribunal, explique Jürg Herren, directeur adjoint du service juridique et international de l'IPI. Dans la plupart des cas, un accord à l'amiable est trouvé.
Attention aux blagues
Mais l'IPI n'est pas le seul à pouvoir sanctionner les infractions à la loi sur la protection des armoiries. Chaque année, entre cinq et dix ordonnances pénales sont rendues pour utilisation non autorisée des armoiries suisses, poursuit Jürg Herren. En cas d'infraction, le contrevenant risque au maximum un an de prison ou une amende.
Dans le canton de Schwytz, un homme a été condamné il y a quelques années à une peine pécuniaire pour une carte postale qu'il avait envoyée au nom d'un prétendu «Conseil central islamique de Schwytz intérieur». Pour pousser la boutade jusqu'au bout, les armoiries de plusieurs communes schwytzoises ont été utilisées sur la carte.
Il y a deux ans, des représentants de la grève du climat ont aussi reçu un avertissement de l'Office fédéral de la santé publique parce qu'ils se sont moqués de l'administration fédérale dans une vidéo. Ils y avaient brièvement inséré les armoiries officielles. Attention donc si des idées de satire vous guettent: avoir l'âme d'un plaisantin ne vous donne pas les droits sur les armoiries officielles du pays.
(Adaptation par Thibault Gilgen)