AVS 21 est acceptée, mais la pilule démocratique est loin d'être avalée par la gauche. Ceux qui pensaient ou espéraient que le verdict des urnes classerait l'affaire se trompent dans de grandes largeurs: «en colère», les milieux syndicaux et féministes continuent le combat.
C'est l'Union syndicale suisse, très présente durant la campagne, qui a tiré la première, dès dimanche soir. L'organisation a publié une «Déclaration du 25 septembre». Objectif: «Se battre jusqu’à ce qu’une véritable égalité soit garantie, autant d'années que nécessaire».
Lancé à chaud dès l'issue d'un vote à suspense (moins de 32'000 voix d'écart en faveur du «oui»), le texte s'est très vite répandu sur les réseaux sociaux. En moins de 48 heures, ce sont plus de 130'000 personnes qui l'ont paraphé et, d'après des informations de Blick, deux tiers proviennent de Suisse romande.
Manifestation samedi à Lausanne
La colère violette ne se cantonne pas à une pétition sur internet: elle se manifestera dans les rues de Lausanne, ce samedi. Ce sont les collectifs romands de la Grève féministe qui appellent à la mobilisation. Quid de la décision démocratique du peuple? «Tous les cantons romands ont voté contre, donc nous estimons avoir la légitimé pour crier notre colère», rétorque Tamara Knezevic, de la section vaudoise du mouvement.
La militante féministe va plus loin et a des mots lourds: elle estime que le verdict des urnes de dimanche ne reflète pas l'avis de la population, puisque «de nombreuses personnes directement concernées sont étrangères et n'avaient pas le droit de s'exprimer sur AVS 21».
Fâchée contre Alain Berset, un ministre socialiste «qui n'a rien de socialiste», Tamara Knezevic critique également l'action des Femmes PS à Berne au lendemain du vote: «Comment penser que la population puisse se libérer un lundi à midi?»
L'événement organisé samedi doit permettre de réunir davantage de monde. Et il n'est pas prévu comme une action isolée. «Le but est de former un mouvement visible jusqu'à juin 2023 et la nouvelle Grève féministe. Jusqu’ici, nos collectifs se réunissaient une fois par mois en assemblée et par thème, explique la militante. Pourquoi ne pas appeler à des assemblées publiques larges, un peu comme des Landsgemeinde féministes?»
Tamara Funiciello dans la tourmente
A noter qu'en Suisse alémanique, la rhétorique guerrière d'une autre Tamara, Funiciello en l'occurrence, a provoqué quelques tensions au sein du PS. Certaines voix anonymes ont reproché dans Blick à l'actuelle conseillère nationale de 33 ans d'avoir contribué à torpiller Prévoyance 2020, alors qu'elle était présidente de la Jeunesse socialiste. Un projet aujourd'hui regretté par la gauche, car bien meilleur que celui accepté dimanche.
La Bernoise est décidément attaquée de toutes parts depuis lundi, puisque sa «déclaration de guerre à l'intention des hommes blancs, riches et âgés» a aussi rendu furieux à droite.
Du côté de l'Union syndicale suisse, on appelle à ne pas se tromper de cible: plutôt que des querelles internes, il faut prendre au mot les adversaires de dimanche. «Notre déclaration vise à mettre la pression, confirme Gabriela Medici, première secrétaire adjointe de l'USS, à Blick. Des promesses ont été faites durant la campagne. Il faut que nos opposants tiennent parole et que des mesures concrètes soient prises pour améliorer les revenus et les rentes des femmes. Nous avons plus de 130'000 personnes qui disent: on ne lâchera pas!»
Là où les milieux féministes et syndicaux se rejoignent, c'est que l'immense mobilisation de la grève de 2019, avec un demi-million de personnes dans la rue, n'a pas été convertie. «Une mobilisation incroyable pour des résultats politiques minables, parce que la majorité de droite continue de mépriser les femmes», conclut Gabriela Medici. Alors que ce soit dans la rue ou en ligne, tout est bon pour enfin faire déferler la vague violette sur Berne. Et peu importe si le peuple en a décidé différemment, dimanche.