Grégoire Junod a quitté Facebook sans se retourner. Une décision annoncée mercredi, une semaine pile-poil après qu’une photo du syndic de Lausanne en train de griller un feu rouge à vélo a été repérée par «24 heures» sur le réseau social. Plateforme qui réunit de moins en moins les jeunes mais qui reste cependant très populaire auprès des catégories d’âge qui votent le plus.
En avait-il marre de se sentir constamment épié? «Très franchement, je n’ai pas l’impression d’être harcelé en ligne, rétorque-t-il à Blick. Sauf peut-être en 2012 quand j’avais repris la tête de la police, mais c’était une autre époque.» Ses motivations sont plus profondes, assure-t-il. Et elles posent de bonnes questions.
Le socialiste n’est pas la première personnalité à claquer la porte au nez du géant californien. À l’international, on peut citer la chanteuse Cher, la vedette de Bollywood Farhan Akhtar ou encore le comédien star Jim Carrey, listait «Le Temps». Le monde politique est aussi concerné par cette hémorragie, dont on mesure l’ampleur grâce au #DeleteFacebook. Au Canada, le maire de Granby — une ville de près de 70’000 habitants — avait lui aussi supprimé son profil il y a quelques années, épuisé par les trolls.
Inactif depuis des mois
Revenons à Grégoire Junod. Le Lausannois explique qu’il se tâtait depuis plusieurs mois. «À part pour dire au revoir à mes ex-collègues Oscar Tosato et Jean-Yves Pidoux, je n’avais plus rien publié depuis les élections communales de ce printemps, détaille-t-il. Et, mardi, la Municipalité tenait une conférence de presse pour présenter son programme de législature. Le correspondant de «La Liberté» m’a demandé si je ne devrais pas quitter les réseaux sociaux puisque je les critiquais régulièrement, il n’avait pas tort.»
Le syndic a justifié son geste dans une ultime publication Facebook, peu avant que son profil ne disparaisse. «Comme beaucoup d’autres, je me suis lassé d’en être réduit à compter les likes, à lire, par le jeu des algorithmes, toujours les mêmes publications, et à finir inondé de publicités que je n’ai pas demandées. Alors cette fois c’est décidé, je pars. On se reverra en vrai, avec ou sans masque!»
Difficile de le contredire. Cependant, quand on est élu, peut-on vraiment se passer de Facebook? Peut-on décréter qu’on n’a plus rien à faire sur cette place du village 2.0, au risque de laisser champ libre à ses opposants? Ce bon vieux syndic va-t-il devenir un dinosaure? Ces questions font débat.
«Chronophage, rempli de haters, superficiel; beaucoup de personnalités ont déjà pensé à quitter Facebook», glisse Jean-Luc Duvoisin, directeur de DO! L’agence SA, agence de communication en charge notamment de la campagne du Parti libéral-radical (PLR) pour les élections cantonales vaudoises de mars 2022. «Ce que dit Grégoire Junod s’entend et est même plutôt sain, estime-t-il. Mais, sur le plan politique, je pense toutefois que la justesse de sa décision est à nuancer.»
Celui qui préside par ailleurs la section PLR de Pully s’explique: «Lorsque l’on est un politicien de premier plan comme Grégoire Junod, quitter ces plateformes qui permettent un contact direct avec la population revient à bouder une partie de son électorat, analyse-t-il. Et c’est particulièrement vrai en période de pandémie.» Il rebondit: «Des gens l’aiment et ont l’impression d’être proches de lui — voire avec lui — grâce à Facebook. Ce lien particulier est important en 2021.»
Twitter, vrai lieu de débats
Le socialiste écoute ces arguments. «Me concernant, c’est un choix personnel, réagit-il. J’existerai toujours sur Facebook, au moins indirectement, via les pages de la Ville ou encore de mon parti. Et ne surestime-t-on pas son importance? On tourne en rond dans une petite communauté de gens tous d’accord entre eux. Mais nous verrons. Peut-être que je changerai un jour d’avis.»
Grégoire Junod ne quitte pas pour autant tous les réseaux sociaux. L’élu est actif sur Twitter et le restera. Au risque de limiter son audience à des politiques et à des journalistes. Tant pis. «C’est une plateforme que j’apprécie, reprend-il. On y apprend des choses et j’ai l’impression que c’est davantage un lieu de débats et d’échanges.»
En revanche, il y a peu de chances pour qu’il débarque dans les prochains jours sur Instagram. Un faux profil — à son nom — l’empêche de créer le sien, malgré de nombreuses tentatives. Il en rit: «Maintenant que je ne suis plus sur Facebook, peut-être que j’aurai le droit de retenter ma chance».