Une étude a examiné les récits nationaux de la Confédération
L'UDC détermine davantage le visage de la Suisse que les autres partis

Les narratifs sur un pays créent une identité nationale. Une étude de l'université de Zurich a analysé pour la première fois les images de la Suisse utilisées dans la politique.
Publié: 29.07.2023 à 06:12 heures
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Dernière mise à jour: 29.07.2023 à 07:42 heures
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Nicola Forster est président de la Société suisse d'utilité publique. Son atelier de réflexion a réalisé une étude sur les récits que la politique utilise sur la Suisse.
Photo: Nathalie Taiana
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Sermîn Faki

Les discours du 1er août sont de retour. Au Grütli et dans de nombreuses communes, des femmes et des hommes parleront de la Suisse, de nos valeurs et de notre histoire. Ils vont tisser le récit que la Confédération s'est donné et qui nous rassemble tous en tant que Suisses, qui nous donne une identité, un visage.

Une étude mandatée par Pro Futuris, un atelier de réflexion de la Société suisse d'utilité publique, a recensé pour la première fois les images (ou narratifs) de la Suisse utilisés par les acteurs politiques – Conseil fédéral, partis et associations – et la manière dont ils le font. Pour ce faire, une équipe de l'Université de Zurich a analysé 14'000 discours, communiqués de presse, programmes de partis, débats parlementaires et autres documents depuis 1980.

La tradition humanitaire ne l'a emporté que brièvement

Il en ressort qu'un récit – que les scientifiques appellent narratif – se détache du lot: celui de la «Suisse amoureuse de la liberté et de la défense». Ce n'est que pendant une courte période, entre 1995 et 2004 – c'était l'époque de la guerre du Kosovo – que les politiciens ont décrit la Suisse avant tout comme un havre d'humanité et de solidarité. Aujourd'hui, cette Suisse n'occupe plus que la quatrième place.

La Suisse a gagné en importance en tant que nation de volonté (3e place) et pays de la prospérité économique (2e place). En revanche, le modèle de réussite politique de la démocratie directe (5e place) a perdu de son importance. Et le récit des Suisses en tant que peuple alpin n'a jamais été particulièrement attractif pour la politique (6e place).

L'UDC mise sur les récits nationaux

L'étude montre encore autre chose: à savoir qu'au cours des 40 dernières années, un parti en particulier a utilisé de manière conséquente le narratif national: l'UDC. Et ce, sans surprise, celui d'une Suisse éprise de liberté et de défense. La domination de ce récit est probablement due en grande partie à ce dernier parti.

Dans les années 1990, Christoph Blocher y a repris le flambeau et a transformé le parti paysan conservateur et rustique en parti de droite provocateur et prononcé. Depuis, l'utilisation du récit de la Confédération comme havre de liberté et d'unité défensive augmente de manière significative et domine les récits de la Suisse avec un écart toujours plus grand par rapport aux autres variantes.

Une image de la Suisse de la séparation

Si l'on observe les termes utilisés par l'UDC dans ce contexte, on constate encore autre chose: l'importance des perturbateurs, voire des ennemis, dans cette image. Il s'agit des notions d'indépendance, d'immigrés, d'étrangers criminels, de juges étrangers, de bien-pensants. Le parti raconte le pays comme une Suisse qui isole, qui doit se défendre contre ses adversaires intérieurs et extérieurs.

Cela s'explique en partie par les initiatives et les combats politiques défensifs du parti – de l'initiative sur le renvoi à la lutte contre l'Union européenne (UE) en passant par l'initiative sur l'immigration de masse. Car bien entendu, de nombreux documents étudiés traitent de ces thèmes.

Les autres partis suivent le mouvement

Mais l'étude pourrait aussi indiquer que ce sont justement les initiatives lancées après 2006 qui ont été soigneusement préparées en termes de communication. En effet, l'image d'une Suisse libérale et défensive est utilisée par l'UDC depuis 1990, c'est-à-dire depuis bien plus longtemps.

L'étude n'examine pas explicitement si ce récit de la Suisse façonné par l'UDC trouve un terrain fertile. Mais elle donne des indications à ce sujet. Par exemple celui-ci: Depuis 2010, les autres partis suivent le mouvement – du Parti socialiste (PS) au Parti libéral-radical (PLR), ils racontent, eux aussi, de plus en plus l'histoire d'une Suisse libérale et défensive, isolée.

Là encore, les affaires politiques quotidiennes pourraient en être en partie responsables.

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