Ce type de mésaventure est monnaie courante: une commande hors de prix, passée en ligne sur un site marchant... qui n'arrive pas chez l'acheteur. La poste rétorque alors que le facteur a bien déposé le colis à l'entrée. Le client fait donc une réclamation, mais le site refuse d'en assumer la responsabilité et invoque ses conditions générales de vente, qui stipulent que la responsabilité devient celle du client dès que la commande a quitté l'entrepôt. La Poste refuse elle aussi d'indemniser la victime. Et pour cause: «Nos données GPS montrent que le facteur a déposé le colis à la bonne adresse», rétorque le service client.
Sur la Poste
«De tels cas nous parviennent fréquemment», assure la conseillère nationale Sophie Michaud Gigon, par ailleurs directrice de la Fédération romande des consommateurs (FRC). Et dans ce cas, les clientes et les clients ne peuvent pas faire grand-chose. Avec l'achat, la responsabilité est en effet transférée à la clientèle, ce qui vaut même pour la vente par correspondance, où la marchandise n'est pas remise physiquement après le paiement.
Répartir les responsabilités sur toute la chaîne de livraison
Cette règle du Code suisse a notamment conduit au boom des assurances qui couvrent les clients lorsqu'un colis est perdu. «Nous voulons changer cela», explique Sophie Michaud Gigon. L'élue a donc déposé une intervention parlementaire demandant au Conseil fédéral de modifier la situation juridique: «La vente par correspondance est une affaire de responsabilité dès le début du processus jusqu'à la livraison aux clients.»
Et en la matière, la réglementation en vigueur dans l'UE fait office de modèle: depuis 2011, la responsabilité en termes de vente par correspondance court jusqu'à la remise du colis. «Les principales difficultés rencontrées par les consommateurs et l'une des principales sources de conflits avec les professionnels concernent la livraison des marchandises, par exemple lorsque les marchandises sont perdues ou endommagées pendant le transport ou lorsqu'elles sont livrées en retard ou incomplètes», a expliqué la Commission européenne pour justifier la modification de la législation. Chaque année, 12 milliards de francs de marchandises sont commandés par correspondance. Or selon l'Office fédéral de la statistique, une commande sur sept rencontre un problème
Interrogées, les associations des entreprises de vente par correspondance, Swiss Retail Federation et IG Detailhandel, ne se sont pas exprimées sur l'intervention de la conseillère nationale. Elles souhaitent d'abord attendre la réponse du Conseil fédéral. La société de vente par correspondance brack.ch indique toutefois que les pertes sont «proportionnellement très rares», sans indique s'il s'agit de commandes chères ou bon marché.
Quand les clients passent des commandes, sans jamais le savoir
Le représentant d'une organisation de protection des consommateurs, qui souhaite rester anonyme, évoque également «certains indices de criminalité organisée» pour une petite partie des pertes dans la vente par correspondance. La juriste en chef de la FRC, Malika Pessard, indique de son côté que le problème le plus fréquent lors d'un achat en ligne est «l'identité volée». En d'autres termes: quand une personne se fait passer pour une autre, la victime de l'escroquerie recevant par la suite une facture sans jamais avoir passé commande.
Brack connaît ce phénomène et a pris les devants: «Quand, dans certains cas, nous identifions une potentielle escroquerie lors de la commande, nous pouvons empêcher la fraude.» Mais dans l'ensemble, ce genre de chose est «très rare», souligne le service de presse de la plateforme de vente.
Le site confirme en revanche qu'il existe des indices statistiques de pertes ou de vols plus fréquents dans certaines zones géographiques. «Il y a des régions qui se font plus remarquer que d'autres» avoue brack.ch, sans donner de détail «pour des raisons de protection des données».
Abus de la part de la clientèle
Enfin, dans certains cas, les clients reçoivent le colis, le déclarent quand même perdu et demandent un remboursement. Aucun chiffre n'a été donné à ce sujet, mais le service de presse de Brack indique que dans ce cas-là, une déclaration de vol auprès de la police est exigé afin d'éviter les abus.