«Tu ne manges pas, le matin?» Cette question entraîne ce genre de débat enflammé que seul le thème l'alimentation est capable de déclencher. Les uns affirment qu'ils font des vertiges dans le bus quand ils n'ont pas avalé leur porridge, les autres jurent que leur énergie a triplé depuis qu'ils font l'impasse sur leur bol de céréales et patientent sagement jusqu'à midi.
Les récits (et les recherches!) varient tellement qu'il devient compliqué de s'y retrouver. On doute, on hésite, on lorgne ce paquet de toasts qui nous fixe, vexé d'avoir été snobé plusieurs jours de suite... Puis, on l'attend en vain, cette fameuse énergie décuplée, tandis que notre estomac exige un cinnamon roll.
Début janvier, face aux résolutions de la nouvelle année (du genre tester le jeûne intermittent), «The Guardian» osait se poser la question, histoire d'en avoir le cœur net: «Le petit-déjeuner est-il vraiment le repas le plus important de la journée?» La réponse n'est pas aussi catégorique qu'on pourrait le penser, mais la collation matinale semble quand même l'emporter sur le jeûne.
Calquer nos repas sur la lumière du jour
La Dre Emily Leeming, diététicienne au King's College de Londres, semble plutôt fan du petit-déjeuner. Selon elle, notre prise d'aliments devrait se calquer au maximum sur la lumière du jour, afin de respecter notre rythme naturel. Ainsi qu'elle le précisait auprès du média britannique, notre fonction digestive tourne à plein régime en début de journée et ralentit dès le crépuscule. En théorie, il faudrait donc éviter de dévorer notre repas le plus copieux en soirée, histoire de ne pas contredire l'horaire instinctif de l'organisme.
«Le petit-déjeuner permet d’apporter au corps un quart des besoins énergétiques nécessaires pour la journée», rappelle Céline Broillet, diététicienne HES et nutritionniste MCO au cabinet Nutrition et Méridiens, à Fribourg et Payerne. «Le risque, s’il n’est pas présent, est que l’apport calorique soit décalé sur la fin de journée avec, au final, une sensation de faim plus forte et des quantités plus importantes de nourriture ingérée.»
Manger le matin fait perdre du poids
Céline Broillet confirme en effet que l'habitude de manger davantage le soir peut entraîner un stockage plus important des graisses et forcer notre système digestif à travailler jusqu’à plus tard dans la nuit: «Notre corps gère mieux le taux de sucre dans le sang en début de journée. Si on mange le même repas le soir, la glycémie restera plus élevée plus longtemps.»
C'est également ce qu'avance une nouvelle étude réalisée par l'Université Harvard, laquelle souligne que le corps réagit différemment à la prise alimentaire matinale, avec une meilleure absorption calorique en début de journée: «Le timing est important», résume Céline Broillet. «Certes, une calorie est une calorie, mais le moment auquel cette dernière est absorbée compte.» Voilà une bonne raison de le dévorer de bonne heure, ce cinnamon roll!
L'experte rappelle d'ailleurs qu'une étude suisse concernant les enfants de 7 à 10 ans a pu démontrer que la prise régulière d'un petit-déjeuner peut contribuer à endiguer le risque d'obésité à l'âge adulte. La science a même prouvé que le petit-déjeuner permet aux étudiants de rester davantage motivés et d'obtenir de meilleurs résultats. Que d'arguments en faveur du repas matinal!
Et que fait-on du mode du jeûne intermittent?
«Est-ce que vous enverriez un enfant à l'école à jeun, si vous avez les moyens de lui servir un petit-déjeuner», interroge la Dre Leeming, toujours citée par «The Guardian». «Cela ne devrait pas être différent pour les adultes, nous avons besoin de maintenir nos taux d'énergie.»
Justement, en ce qui concerne l'énergie, pourquoi les adeptes du jeûne intermittent vantent-ils leurs batteries chargées à bloc sur un estomac vide? L'experte britannique reconnaît qu'il y existe des exceptions à la règle: certaines personnes remarqueront sincèrement que cette pratique leur convient mieux. «Mais il se peut aussi qu'on ignore simplement les signaux de la faim que nous envoie l'organisme, en comptant sur le café pour tenir, prévient-elle. Et ensuite, on se demande pourquoi on ressent un coup de barre à 16h.»
Les spécialistes s'alignent donc sur un point: il est préférable de manger un petit-déjeuner riche en fibres et en protéines, même s'il est plutôt maigre ou avalé un brin plus tard, en cours de matinée. «Pour prévenir les fringales, apporter de l’énergie et couvrir nos besoins, ce repas doit être composé de 40% de fruits ou de légumes, de 40% de féculents (tels que le pain, avoine, céréales complètes ou galettes de sarrasin) et 20% de protéines (un verre de lait, un yogourt peu sucré, un bout de fromage, un peu de viande froide, un peu d'houmous ou un œuf)», suggère Céline Broillet. «Sans oublier de s’hydrater via des boissons sans sucre ajouté.»