A l'approche des fêtes, le nombre de colis distribué est, comme chaque année, en plein boom en Suisse. L'an dernier, les lutins de la Poste ont sué pour traiter plus de 20 millions de colis en temps avant Noël. Faire ses cadeaux est un gain de temps et d'énergie pour certains. Mais pour le personnel de livraison, cette augmentation de la cadence est synonyme de travail intense. D'autant plus que la pression ne risque pas de redescendre après les fêtes en 2024. Un nouveau système introduit par la Poste pourrait bien prolonger le stress des livreurs bien au-delà du pic de fin d'année.
Dyla, le système dynamique
Après une phase pilote en 2022, le projet Dyla a été introduit dans toute la Suisse en 2023. Ce nouveau système vise la «planification dynamique des itinéraires». En d'autres termes, Dyla doit permettre d'optimiser la livraison des colis. De nombreux collaborateurs de longue date considèrent toutefois ce changement comme un élément perturbateur voire dangereux pour leur travail quotidien, surtout pendant la période stressante actuelle.
Markus Z.* fait partie des vétérans de la boîte. L'homme travaille depuis 35 ans à la poste, et depuis plus de dix ans en tant que livreur de colis. «J'aime mon travail. Mais ce que nous avons dû vivre ces dernières semaines et ces derniers mois, je ne vais pas le supporter encore longtemps», se désole le collaborateur
Imprévisible, pas écolo...
«Avec la nouvelle application, les colis ne sont plus triés et livrés par rue, mais selon le système dit du 'stock'», explique un collaborateur anonyme. Ce système serait imprévisible, pas écologique et même potentiellement dangereux.
Le système est imprévisible pour plusieurs raisons. L'ordre de livraison n'est plus compréhensible pour les chauffeurs, le travail de tri dans la camionnette a énormément augmenté et le système n'est pas encore tout à fait opérationnel. Encore une?
Pourquoi n'est-il pas écologique? A cause de la nouvelle systématique de triage du stock, qui forcent parfois les livreurs à revenir plusieurs fois dans la même rue ou dans le même village, au lieu de livrer les colis par rue.
... et dangereux
Mais ce n'est pas tout. Ce système mettrait également les employés en danger. Le système de géolocalisation ne tient pas compte du côté de la rue. Les livreurs doivent se mettre dans des situations dangereuses pour assurer la distribution. «Après la rue de l'école 2 et 4, il y a la 5. Nous sommes obligés de traverser la rue en courant pour livrer les colis», raconte le collaborateur.
Le matériel cartographique de l'application fait aussi grincer des dents. «Les rues à sens unique ne sont souvent pas reconnues par l'application. Les colis doivent fréquemment être livrés de l'autre côté du bâtiment», s'exaspère le livreur anonyme.
Un stress sans fin
Et comme si les livreurs n'étaient pas déjà assez sous pression, la lutte contre-la-montre se serait intensifiée depuis l'introduction de Dyla. «Avec le nouveau système, nous devrions pouvoir informer les clients à 15 minutes près de l'heure à laquelle leur colis arrivera», raconte l'employé.
«Mais comme les prévisions de l'application sont toujours trop optimistes, nous passons désormais toute la journée à courir après un 'retard' qui s'accumule au fil de la journée.»
La Poste a besoin d'un soutien technologique
La Poste se dit consciente du mécontentement du personnel: «Nous sommes conscients que pour les facteurs et les factrices de longue date, le fait de rouler 'selon le plan' est un changement plus important», explique une porte-parole. Cela demande une grande capacité d'adaptation, et nous en sommes reconnaissants à toutes les personnes concernées.
L'entreprise souligne par ailleurs que la planification des tournées est devenue si complexe qu'elle a besoin d'un soutien technologique pour trier les colis. «Grâce à la planification dynamique, la Poste peut réagir beaucoup plus rapidement et de manière plus flexible aux variations de volume ou aux exigences particulières de la distribution», souligne le géant jaune.
Dans l'ensemble, le groupe estime que l'introduction de Dyla est sur la bonne voie. «Les retours de la part des livreuses et des livreurs sont majoritairement positifs», déclare la porte-parole. Le ton est différent du côté des représentants des salariés. «Nous avons fait part à plusieurs reprises des inquiétudes liées au nouveau système», explique un porte-parole du syndicat Syndicom. La Poste a promis de régler tous les problèmes relevés par ses collaborateurs. Mais pour le moment, elle n'a pas encore réussi à tenir sa promesse.