La forte grêle, les pluies abondantes et les inondations. Les récoltes de nombreux agriculteurs suisses ont été détruites ces dernières semaines: des champs entiers de laitue, de brocolis ou de chou-fleur ont péri dans les tempêtes.
Migros, Coop, Aldi et Lidl comblent les vides dans les rayons avec des marchandises provenant de l'étranger. L'idée, à la base, semble logique. Mais les actions de certains supermarchés au cours des derniers mois le sont beaucoup moins. Au printemps, après avoir refusé d'acheter les produits de plusieurs agriculteurs suisses, l'un d'eux s'est par exemple fourni en concombres, tomates et aubergines à l'étranger. D'autres détaillants avaient quant à eux déjà commencé en hiver à acheter des légumes importés au lieu des produits locaux. La raison? Les denrées étrangères sont moins chères, bien sûr.
Des dizaines de tonnes de légumes n'ont pas trouvé preneurs
Les agriculteurs suisses, qui comptent vendre leurs légumes dans le commerce de détail, se heurtent à des difficultés: ils essaient désespérément d'écouler leurs produits par tous les moyens. Mais, au final, plusieurs dizaines de tonnes de légumes ne trouvent pas preneurs. Un agriculteur a même été contraint au printemps dernier de hacher des laitues et des tomates pour les répandre sur un champ avec un épandeur à fumier, comme le rapporte la RTS.
L'Association des producteurs suisses de légumes confirme l'existence de ces cas extrêmes. Son directeur, Matija Nuic, souligne qu'il s'agit d'un phénomène inédit: «Nous n'avons jamais vu auparavant des détaillants refuser des légumes suisses alors que l'offre nationale ne répond pas à la demande.»
Il est important de savoir que des règles différentes s'appliquent à l'importation de fruits et légumes en fonction de la saison. Tant que les produits suisses ne sont pas de saison, les détaillants sont autorisés à en importer autant qu'ils le souhaitent. Mais lorsque les fraises, les asperges ou les concombres nationaux sont mûrs pour la récolte, des droits de douane plus élevés s'appliquent aux marchandises étrangères - de sorte que seule la quantité que les producteurs suisses ne peuvent pas couvrir est importée.
Les responsables parlent d'un «système à deux phases». Ce système basé sur les dispositions de l'OMC préserve la majorité des légumes et fruits frais cultivés en Suisse de l'importation. Par exemple, les tomates suisses sont protégées par des droits de douane plus élevés entre le 1er juin et le 30 septembre, mais pas le reste de l'année.
«Si au final, la chose qui importe pour les détaillants est le prix, c'est frustrant»
Or, il y a désormais une faille dans ce système. Grâce à de nouvelles techniques de culture, les tomates suisses poussent bien avant la date limite. Matija Nuic souhaite donc que la Confédération prolonge la phase dite de gestion et accorde ainsi une protection supplémentaire aux producteurs suisses.
En revanche, il dit se refuser à tirer sur les détaillants. «Même si, bien sûr, nous regrettons l'approche qu'ils ont choisie», déclare le directeur. Il relève en outre que les maraîchers investissent beaucoup pour s'approcher d'une production neutre en termes de CO2. «Si au final, la chose qui importe pour les détaillants est le prix, c'est frustrant».
Les commerces interrogés se défendent d'une telle démarche et soulignent unanimement qu'ils privilégient les produits locaux dans la mesure du possible. Coop, par exemple, continue d'affirmer que les produits suisses sont «clairement prioritaires». Ce qui reste néanmoins à prouver.