Payé par les consommateurs
Le nouveau projet «écologique» de Migros pose problème

Le géant orange se met volontiers en scène comme pionnier en matière d'écologie grâce à un système de collecte du plastique qu'il tente de mettre en place. Chez Aldi, Lidl et leurs homologues présents en Suisse, cette démarche suscite le mécontentement. Explications.
Publié: 08.05.2022 à 06:51 heures
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Dernière mise à jour: 08.05.2022 à 07:33 heures
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En Suisse centrale, Migros propose déjà les sacs de collecte en plastique. L'essai est maintenant étendu à la ville de Zurich.
Photo: Keystone
Camilla Alabor

La première tentative s'était soldée par un échec cuisant: il y a deux ans, Migros annonçait en fanfare la mise en place d'un système de recyclage du plastique à l'échelle nationale. Le détaillant promettait ainsi «une nouvelle ère dans le domaine du développement durable». Peu de temps après, le géant orange a dû arrêter son projet, l'action n'ayant en fait pas été coordonnée avec les autorités.

Aujourd'hui, Migros se lance dans une nouvelle tentative à Zurich. En collaboration avec la Ville, elle veut lancer, cet été, une opération pilote de recyclage du plastique dans quatre magasins. Les consommateurs pourront y acheter des sacs de collecte, les remplir de déchets plastiques et les rapporter au supermarché. Un système bien plus familier aux romands qu'aux alémaniques: jusqu'à présent, il n'existait de tels points de collecte qu'en Suisse centrale, ainsi qu'a Fribourg et de Lausanne.

Migros fait cavalier seul

Mais ce qui semble être un engagement désintéressé du géant orange en faveur de l'environnement provoque, en coulisses, de gros ennuis. Migros a récemment décidé de prendre part à un groupe de recherche pour un système de recyclage du plastique à l'échelle nationale appelé Collecte 2025 – tout comme Coop, Aldi et Lidl.

La Swiss Retail Federation (SRF), qui représente entre autres les intérêts d'Aldi, de Lidl et de Volg, est loin de se réjouir de la démarche solitaire de Migros. Du point de vue de la fédération, il est «préférable et plus important» de faire avancer le projet Collecte 2025, fait savoir la directrice Dagmar Jenni. «Si des actions locales et opportunistes sont initiées, l'introduction d'un système national pourrait avoir beaucoup plus de mal à passer.» Et d'ajouter que les efforts communs «ne devraient pas être torpillés».

Les consommateurs financent le recyclage

Comme souvent, c'est une question d'argent: qui prend en charge les coûts? Car la collecte et le recyclage des emballages coûtent plus cher que leur incinération, nuisible pour le climat.

Avec son projet, Migros met en réalité en place un système qui sera financé par les consommateurs. D'autres acteurs, en revanche, se mobilisent pour un financement en amont, à l'instar de la collecte du PET. Pour le PET, les fabricants et les détaillants prélèvent un montant de quelques centimes sur chaque bouteille, ce qui permet de financer leur recyclage.

C'est précisément pour cette raison que Johanna Gollnhofer, professeure de marketing à l'université de Saint-Gall, estime que la situation est problématique. «On déplace ainsi la responsabilité des entreprises vers les consommateurs», tonne-t-elle.

La responsabilité devrait incomber aux fabricants

Si le recyclage est déjà compris dans le prix d'achat d'un pot de yaourt, le consommateur ne s'en aperçoit guère. «Mais si je dois décider dans le magasin de dépenser de l'argent pour un sac, de le remplir chez moi et de le rapporter ensuite (ndlr, comme ce que propose Migros) j'y réfléchis à deux fois», explique la professeure. Or, pour que les gens recyclent, il faut «que les obstacles soient aussi bas que possible», analyse l'experte.

Un système dans lequel les fabricants assument la responsabilité de leurs produits faciliterait en outre la mise en place d'incitations pour les emballages écologiques. Par exemple, les fabricants et les détaillants paieraient un prix plus élevé pour les emballages qui ne sont guère recyclables, et un prix plus bas pour ceux qui sont fabriqués à partir de matériaux durables. Or, tant que la responsabilité du recyclage incombe au consommateur, il n'y a pas d'incitation à de telles solutions sectorielles...

Migros veut conduire la locomotive

L'entreprise ne répond pas directement à la question de savoir pourquoi elle a malgré tout choisi ce sac de collecte pour le recyclage du plastique, au lieu d'un système créé de concert avec les autres acteurs du secteur. Au lieu de cela, la coopérative rétorque à Blick que l'objectif de l'entreprise est de «boucler le cycle du plastique». Elle salue toutefois les efforts déployés pour trouver une solution sectorielle. En outre, Migros a pu acquérir «des expériences importantes avec le sac de collecte, qu'elle intègre maintenant dans la conception d'une éventuelle solution sectorielle et d'un système national».

Migros s'engagera-t-elle, au niveau politique, pour une solution financée par les consommateurs? «Si d'autres options devaient se présenter dans le cadre du projet Collecte 2025, qui conduisent au même objectif de fermeture systématique du circuit, Migros est ouverte à d'autres solutions», explique le géant orange. En d'autres termes, la lutte pour le classique casse-tête du qui paie quoi ne fait que commencer.

(Adaptation par Daniella Gorbunova)

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