Un sujet sensible, au bout du Léman
C'est la fin des grandes fêtes populaires à Genève?

Les Fêtes de Genève, dont la dernière édition en grande pompe a eu lieu en 2017, c'est officiellement du passé. À la place, une plus petite manifestation sur cinq jours est prévue par la Ville. C'est la fin des grandes fêtes populaires?
Publié: 11.01.2024 à 17:11 heures
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La dernière édition, revisitée et rabougrie, des Fêtes de Genève s'est tenue en 2018. (Image d'archives, 2016)
Photo: Keystone
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Daniella GorbunovaJournaliste Blick

Parade «tropicale», spectacles aquatiques, défilés de mode, concerts et visite du Dalaï lama himselfLes Fêtes de Genève de 1999 avaient attiré quelque 1,6 million de visiteurs sur dix jours. Une image d’Épinal — pour celles et ceux qui ont l’âge de s’en souvenir — qui n’est pas près de se redessiner sur les rives du bout du Léman.

Après les débâcles connues en 2016 et en 2017, la grande manifestation historique — qui se tient depuis le début du 20ᵉ siècle — n’a pas attendu le Covid pour s’essouffler. À la suite d'une dernière édition complète en 2017, puis d'un événement réduit au minimum en 2018, les Fêtes de Genève ont définitivement tiré leur révérence l’année suivante.

De la Fête des Fleurs aux Fêtes de Genève

Les Fêtes de Genève sont, croyez-le ou non, une tradition centenaire. Enfin, presque. Tout commence dans les années 1920, avec un événement d'abord nommé la Fête des Fleurs. Petit historique de cette manifestation estivale, qui a mué avec les décennies, puis les siècles, pour disparaitre presque cent ans après sa création.

1920-1930: À l'origine, l'événement était principalement axé sur la célébration locale avec des activités culturelles, des spectacles de rue, des concerts, des feux d'artifice... Et beaucoup de fleurs!

1940-1950: Pendant la Seconde Guerre mondiale, les festivités ont été réduites. Juste après, cependant, les Fêtes de Genève ont repris de plus belle. Au programme: Concerts populaires et bals en plein air. Cortèges costumés, corsos fleuris, concours d'élégances costumés, dîners et représentations de music-hall, de cabaret, une grande fête de nuit et un feu d'artifice. Et c'est un grand succès, parmi la population.

1960-1980: Les Fêtes de Genève ont continué à évoluer, et à attirer un public de plus en plus large. Les organisateurs ont introduit de nouveaux éléments tels que des parades, des événements sportifs, des expositions d'art et des compétitions culturelles.

1990-2000: L'événement estival est désormais reconnu comme l'un des plus grands en Suisse. Dès 1999, il dure dix jours. Cette année-là en particulier, les Fêtes connaissent un énorme succès. Le programme est plébiscité: Lake Parade, parade tropicale, feux d'artifice, parade aérienne, spectacle aquatique, concerts classiques, défilés de mode, et on en passe... À ce moment, les organisateurs commencent à mettre un pays étranger à l'honneur chaque année. En 1999, ce fut le Tibet: le Dalaï lama est venu rendre visite aux Genevois en personne.

2000-2010: Ultime période faste pour la manifestation, ces années-là étaient placées sous le signe de la diversité culturelle. En 2004, le Vietnam est hôte d'honneur. En 2005, c'est la Chine. En 2008, la Russie. En 2011, c'est au tour de l'Inde.

2010-2018: Les Fêtes deviennent de plus en plus axées sur des thématiques, plutôt que sur des cultures d'ailleurs. L'eau en 2012, le Bicentenaire de l'entrée de Genève dans la Confédération en 2014, par exemple. En 2015, c'est le Terroir Genevois qui est mis en avant. Un an plus tard, l'édition de 2016 sera une débâcle au niveau des finances et de la fréquentation. C'est le début de la fin.

Les Fêtes de Genève sont, croyez-le ou non, une tradition centenaire. Enfin, presque. Tout commence dans les années 1920, avec un événement d'abord nommé la Fête des Fleurs. Petit historique de cette manifestation estivale, qui a mué avec les décennies, puis les siècles, pour disparaitre presque cent ans après sa création.

1920-1930: À l'origine, l'événement était principalement axé sur la célébration locale avec des activités culturelles, des spectacles de rue, des concerts, des feux d'artifice... Et beaucoup de fleurs!

1940-1950: Pendant la Seconde Guerre mondiale, les festivités ont été réduites. Juste après, cependant, les Fêtes de Genève ont repris de plus belle. Au programme: Concerts populaires et bals en plein air. Cortèges costumés, corsos fleuris, concours d'élégances costumés, dîners et représentations de music-hall, de cabaret, une grande fête de nuit et un feu d'artifice. Et c'est un grand succès, parmi la population.

1960-1980: Les Fêtes de Genève ont continué à évoluer, et à attirer un public de plus en plus large. Les organisateurs ont introduit de nouveaux éléments tels que des parades, des événements sportifs, des expositions d'art et des compétitions culturelles.

1990-2000: L'événement estival est désormais reconnu comme l'un des plus grands en Suisse. Dès 1999, il dure dix jours. Cette année-là en particulier, les Fêtes connaissent un énorme succès. Le programme est plébiscité: Lake Parade, parade tropicale, feux d'artifice, parade aérienne, spectacle aquatique, concerts classiques, défilés de mode, et on en passe... À ce moment, les organisateurs commencent à mettre un pays étranger à l'honneur chaque année. En 1999, ce fut le Tibet: le Dalaï lama est venu rendre visite aux Genevois en personne.

2000-2010: Ultime période faste pour la manifestation, ces années-là étaient placées sous le signe de la diversité culturelle. En 2004, le Vietnam est hôte d'honneur. En 2005, c'est la Chine. En 2008, la Russie. En 2011, c'est au tour de l'Inde.

2010-2018: Les Fêtes deviennent de plus en plus axées sur des thématiques, plutôt que sur des cultures d'ailleurs. L'eau en 2012, le Bicentenaire de l'entrée de Genève dans la Confédération en 2014, par exemple. En 2015, c'est le Terroir Genevois qui est mis en avant. Un an plus tard, l'édition de 2016 sera une débâcle au niveau des finances et de la fréquentation. C'est le début de la fin.

Une nouvelle fête en été

Cité de Calvin, cité de l’ennui? Pas si vite. En été 2024, les environs de la Rade devraient à nouveau accueillir quelques festivités. L’Exécutif de la Cité de Calvin a annoncé faire (re)naître une «manifestation estivale», relayait la «Tribune de Genève» en décembre dernier.

A la tête du projet, il y a la conseillère administrative du Centre chargée de la sécurité et des sports, Marie Barbey-Chappuis. Problème: d'après les sons de cloche qui nous sont parvenus, la nouvelle formule poussée par son Département ne ferait pas forcément l'unanimité (on y reviendra).

Une manif' de cinq jours sans forains

Le programme des animations qui feront vivre la nouvelle fête de 2024 n'est pas encore connu. Il devrait être révélé au printemps. Ce qu’on sait déjà, en revanche, c’est que les festivités ne changeront pas de lieu. Mais la nouvelle manifestation ne durera plus que cinq jours, et sera exempte de forains (cantonnés à la plaine de Plainpalais pour la saison estivale).

L’événement n’aura donc, a priori, plus grand-chose à voir avec les Fêtes de Genève d’antan: grand raout populaire où les feux d’artifice, les attractions et les stands de hot-dogs (parfois douteux) ont trôné en bonne place pendant des décennies.

Une fois lancé, l’appel d’offres pour l’organisation de cette fête estivale 2.0 aurait bien failli ne pas trouver preneur. Seuls quatre dossiers auraient été déposés, d’après des informations de la «Tribune de Genève» — également confirmées par des sources de Blick.

Entre les quatre seuls candidats, c’est «Aymon Choisy, actuel patron du restaurant de la plage des Eaux-Vives, qui a été désigné par les autorités pour animer la rade», écrivent nos confrères. À ses côtés, il y aura Frédéric Favre, ex-président des Bains des Pâquis et programmateur des Aubes musicales.

Alerte mission impossible

Contacté par Blick, Frédéric Hohl est l’un des ténors de l’événementiel Romand. Aujourd’hui davantage connu comme étant l’homme derrière la Revue genevoise, il a œuvré à l’organisation de quelques Fêtes de Genève au début du siècle. Avant de s’occuper de l’Exposition nationale suisse de 2002 (Expo.02), puis de la Fête des Vignerons de 2019, entre autres.

Frédéric Hohl est aujourd'hui à la tête de la Revue genevoise.

Le producteur, qui n’a pas voulu «postuler au projet de la Ville dans ces conditions», se montre critique envers les autorités: «J’ai organisé les Fêtes de Genève de 1998 à 2001. Lorsque nous avons, avec d’autres membres de l’Association Événements Congrès Genève (AECG), pris connaissance de l’appel de projets pour ces maigres cinq jours de fête en 2024, j’avoue que nous avons été tristes pour Genève.»

Pour lui, la mission attribuée au restaurateur de la plage des Eaux-Vives, et à son coéquipier, est par ailleurs quasi impossible à réaliser: «Mettre cela sur pied sans vraies subventions, sans la possibilité de mettre en avant ses sponsors (ndlr: il est précisément écrit dans l’appel de la Ville que leur présence doit «être la plus discrète possible») et pour seulement cinq jours… C’est beaucoup trop risqué à tous les niveaux!», peste Frédéric Hohl.

Un jour de pluie et c’est fini

Explications: la Ville donne un coup de pouce pour l’eau, les déchets, le matériel, les toilettes… Elle ne facture pas non plus la taxe d’empiétement sur le domaine public. Mais, outre ces gestes, pas de gros chèque pour aider à faire naître la fête.

L’ancien élu au Grand Conseil, sous la bannière du Parti libéral-radical (PLR), rend également attentif au fait qu’il suffit, en réalité, d’un jour de pluie sur ces cinq jours pour plomber les finances de l’organisateur.

Hot-dogs versus quinoa

Également contacté, Bryan Lo Giudice est l’un des membres fondateurs de la jeune association Projet Genève. L'organisation est née en 2022 pour «réambiancer» la Cité de Calvin, comme nous l'annoncions alors. 

Notre interlocuteur, qui fait par ailleurs partie du comité directeur de la section genevoise du PLR, commente, un peu amer: «Projet Genève se réjouit de voir qu’une animation publique aura tout de même lieu en été. Mais notre objectif à nous était de ressusciter les Fêtes de Genève traditionnelles, en les adaptant légèrement, peut-être, sans toucher à l’envergure et à leur durée.» Un projet qui n'a pas passé la rampe.

Ce banquier de profession embraye: «En 2018, le peuple a voté pour onze jours de Fêtes de Genève, et pas cinq! La décision de la Ville de Genève n’est donc pas en phase avec la volonté des Genevoises et des Genevois.»

Bryan Lo Giudice ajoute encore: «Les Fêtes de Genève étaient l’un des derniers grands événements populaires de Suisse. Populaire dans le sens gratuit, proche du peuple, fait pour le peuple, pour toutes et tous. Avec des burgers et des hot-dogs, et pas du riz complet et du quinoa de bobos!»

Bryan Lo Giudice a plusieurs cordes à son arc. Dont celle de membre fondateur de l'association Projet Genève, qui veut «réambiancer» le bout du lac.



Les temps changent, les fêtes aussi

Confronté à ces éléments, le porte-parole du Département de la sécurité et du sport de la Ville de Genève, Cédric Waelti, défend la nouvelle mouture de sa conseillère administrative: «La dernière édition des Fêtes de Genève organisée par Genève tourisme s’est terminée sur un déficit de six millions. Au-delà du résultat comptable, cela démontre que le concept était à bout de souffle. Il fallait imaginer autre chose.»

Le communicant rebondit: «Ce qui fait le succès d’une manifestation, c’est son contenu, pas sa durée. L’année dernière, nous avons organisé 'Feu O lac' sur 3 jours, en mai. Cela a réuni 800’000 personnes, et il n’y a pas eu un franc de déficit.»

L’argument principal de la Ville pour une durée des festivités limitée (et sans forains) est le bien-être des baigneurs et des riverains: «Aujourd’hui, le public et les touristes veulent pouvoir profiter de la Rade, notamment pour s’y baigner, prendre un verre ou juste s’y balader. Cela ne peut pas se faire au milieu des camionnettes et des chantiers (ndlr: des forains ou autres attractions).» Alors, plus petit, c’est mieux pour toutes et tous? Réponse en été 2024.

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