Un sujet encore très tabou
Que faire si un enfant a été exposé à des images pornographiques?

Le premier smartphone ouvre les portes d'un monde nouveau aux enfants, avec ses avantages et ses risques. L'un des plus grands défis du travail éducatif consiste à ce qu'ils en aient un usage sain. Mais comment y parvenir?
Publié: 17:36 heures
On estime que 10 à 25% des jeunes sont régulièrement confrontés à des contenus pornographiques. (Image prétexte)
Photo: Shutterstock
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Sylvie Kempa

À douze ans, Lio reçoit son premier smartphone. Ses parents font les choses bien. Ils discutent avec lui, évoquent les sujets sensibles et conviennent de règles claires: temps d'écran limité, moments sans téléphone portable et contrôle parental.

Tout se passe bien jusqu'à ce que Lio leur parle d'une vidéo comportant des scènes pornographiques. C'est un camarade de classe lui a envoyé le lien et lui a dit qu'il n'avait qu'à confirmer qu'il avait déjà 18 ans. Malgré l'honnêteté rare de leur enfant, le choc est grand pour les parents.

Là où la protection échoue

Selon Regula Bernhard Hug, directrice de Protection de l'enfance Suisse, cette expérience est loin d'être un un cas isolé. «Tôt ou tard, les enfants sont confrontés à des images pornographiques, et cela se fait le plus souvent par le biais de leurs camarades.» Elle recommande tout d'abord aux parents d'aborder ces thèmes, même si ce n'est pas toujours agréable, et ce dès que l'enfant commence à entrer dans l'adolescence. Car plus tôt les enfants sauront à quoi ils ont affaire, mieux ils sauront mettre de la distance entre eux et ces images.

Bien que de nombreux parents se rassurent en se disant qu'avec un contrôle parental, le problème est réglé, les choses sont souvent bien plus complexes. «Ces paramètres informatiques peuvent être facilement contournées, pour peur qu'on ait compris comment ils fonctionnent, explique Regula Bernhard Hug. «Ils envoient toutefois un message clair à l'enfant: ta sécurité est importante pour nous.»

Un sujet très tabou

Dans le cas de Lio, tout s'est bien passé: il a pu parler ouvertement avec ses parents de ce qu'il avait vécu et a pu gérer ses émotions en étant accompagné. En vérité, il a eu de la chance, car beaucoup d'enfants restent souvent seuls face à de telles expériences. Selon une enquête mondiale, plus de 90% des enfants et des adolescents trouvent très difficile d'aborder ce genre de sujet avec leurs parents. Nombreux sont ceux qui, dès l'âge de dix ans, se sentent responsables de ce qu'ils ont découvert en ligne.

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Une consommation trop précoce et régulière de contenus pornographiques chez les jeunes peut conduire à des relations problématiques avec leurs futurs partenaires
Regula Bernhard Hug, directrice de Protection de l'enfance Suisse
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Aujourd'hui, on estime que 10 à 25% des jeunes internautes sont régulièrement confrontés à des contenus pornographiques. «Un changement de comportement social peut être un signal d'alarme», explique l'experte. «Si un enfant se retire de plus en plus du monde réel et se désintéresse de ses amis et de ses passions, les parents doivent aborder le sujet, avec bienveillance évidemment. Il s'agit de rester intéressé et de chercher le dialogue.»

Toxiques pour les relations intimes

Les contenus numériques inadaptés ont des conséquences réelles, parfois jusqu'à l'âge adulte. «Une consommation trop précoce et régulière de contenus pornographiques peut conduire à des relations très problématiques avec leurs futurs partenaires. Ils développent une image déformée du corps, adoptent les représentations irréalistes de cette industrie et peuvent avoir des difficultés à découvrir leur propre sexualité de manière positive.»

Même des images prétendument inoffensives comportent des risques. En font partie non seulement la désinformation ou les contenus générés par l'IA, mais aussi les selfies retouchés. Les images embellies peuvent en effet favoriser une image déformée de soi. Ainsi, plusieurs études montrent un lien clair entre une certaine consommation sur les réseaux sociaux et un risque accru de dépression et de troubles alimentaires.

Regula Bernhard Hug, directrice de Protection de l'enfance Suisse, est une ancienne enseignante d'école primaire.
Photo: Kinderschutz Schweiz

De plus, le flux constant d'informations et de sollicitations peut nuire au développement du cerveau. «De nombreux enfants ont du mal à se concentrer sur une tâche pendant une longue période, met en avant Regula Bernhard Hug. Comme l'expérimentation du monde réel doit être effectuée avec tous ses sens, pour mieux le comprendre et s'y sentir intégré.»

La porte ouverte aux délits

Quel est donc le bon moment pour offrir à un enfant son premier smartphone? Plusieurs fanatiques du numérique argumentent qu'un début précoce favorise une utilisation compétente. Regula Bernhard Hug ne partage pas du tout cet avis: «La plupart des études démontrent au contraire les inconvénients d'une utilisation précoce du smartphone. Et ils sont nombreux.»

Le fait est que plus de la moitié des enfants en Suisse subissent déjà une forme de violence sexualisée sur la toile. «Du harcèlement sexuel aux actes sexuels forcés sur soi-même devant une caméra» cite l'experte. «C'est toujours via les réseaux sociaux ou les forums de discussion que les agresseurs, majeurs ou mineurs, établissent un premier contact avec des enfants.»

Protection de l'enfance Suisse s'appuie sur les connaissances de la neurologie, les statistiques criminelles et de la psychiatrie pour concevoir ses campagnes d'éducation et de prévention. «Le cerveau de l'enfant ne peut pas s'autoréguler face au flot de stimulations numériques et aux poussées de dopamine qu'elles provoquent», conclut Regula Bernhard Hug. «La capacité de contrôle des impulsions ne se développe complètement que vers l'âge de 14 ans. C'est pourquoi je recommande d'offrir le premier smartphone le plus tard possible, et que la place pour les relations familiales et amicales soit scrupuleusement protégée par les parents.»

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