Un retraité autrichien choqué
Il cherche de l'aide auprès du canton... et se fait expulser!

Un Autrichien né en Suisse où il a passé 53 de ses 63 années de vie doit se faire expulser, ont décidé les autorités thurgoviennes. Motif: il a vécu dix ans en Allemagne avec sa compagne de l'époque. Témoignage d'un retraité choqué et en détresse.
Publié: 14.11.2022 à 20:39 heures
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Dernière mise à jour: 15.11.2022 à 00:38 heures
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Georg Andesner est de nationalité autrichienne, mais a grandi en Suisse.
Photo: Zamir Loshi
Sandro Zulian

Georg Andesner a les larmes aux yeux. «Je ne trouve pas normal que l'on puisse traiter les gens de cette manière...» Cet homme de 63 ans a beau posséder uniquement le passeport autrichien, son pays est la Suisse. Il y a passé presque toute sa vie, mais le canton de Thurgovie veut l'expulser.

Le sexagénaire a toujours vécu comme un Suisse. Il a grandi dans le canton de Zurich, y a travaillé, payé des impôts et cotisé à l'AVS. Mais il n'a jamais fait les démarches pour se faire naturaliser. «En fait, je me sentais tellement Suisse que je n'avais même pas jugé cela nécessaire», explique-t-il à Blick. Une grave erreur, rétroactivement.

De permis C à permis B

Car cet éleveur d'oiseaux est tombé amoureux, dans les années 2010, d'une Allemande. Lorsque la relation prend fin après dix ans, Georg Andesner veut rentrer «chez lui», en Suisse. Il s'établit dans le canton de Thurgovie, où il a déniché un logement. Ne reste plus qu'à trouver du travail.

C'est là où le bât blesse: à plus de 60 ans, difficile de retrouver de l'emploi en Suisse. Surtout que l'homme est empêtré dans un cauchemar administratif. Comme il a quitté la Suisse durant plus de six mois, son permis C (d'établissement) a été rétrogradé en un permis B (de séjour). Georg Andesner aurait pu revenir tous les quatre ans pour prolonger son permis C malgré son séjour à l'étranger, mais il n'était pas au courant.

Georg Andesner paie cher le fait de ne s'être jamais fait naturaliser.
Photo: Zamir Loshi

200 candidatures... et une expulsion

Tout se corse en 2019. Sur le point de prendre une retraite anticipée, l'Autrichien ne veut pas être une charge pour l'Etat de sa patrie de toujours. Il cherche d'urgence un travail, peu importe sa nature.

C'est là où intervient toute l'ironie du dossier: après plus de 200 candidatures infructueuses, Georg Andesner contacte le canton de Thurgovie pour demander s'il existe une aide pour l'insertion professionnelle des seniors. La réponse? Un avis d'expulsion du pays!

Le choc, caché dans un courrier: un avis d'expulsion.
Photo: Zamir Loshi

«Il ressort du dossier que vous ne disposez pas de moyens financiers suffisants pour subvenir vous-mêmes à vos besoins», écrit à l'époque l'office des migrations. Le sexagénaire se fait aider par une avocate et parvient dans un premier temps à gagner du temps.

«J'étais enfin heureux»

Les nuages noirs se dissipent lorsque l'Autrichien parvient à trouver un emploi dans une entreprise de nettoyage et de transport à Winterthour, dans le canton de Zurich. «Un super travail, je me sentais utile et cela me rendait heureux», se souvient Georg Andesner. Mais c'était compter sans la pandémie... L'entreprise fait faillite et le sexagénaire perd son emploi.

Retour à la case départ, ou plutôt à la case retraite, au vu de l'âge avancé de l'Autrichien. Qui, avec sa pension de 1380 francs, peut tout juste survivre. «Pas subvenir à ses besoins», en langage étatique, comme le relève un nouveau courrier de l'Office des migrations.

Certes, dans son «droit d'être entendu», Georg Andesner peut faire valoir qu'il a passé toute sa vie en Suisse. Mais comme il a «résidé volontairement» en Allemagne durant plusieurs années, le renvoi envisagé se révèle proportionné, aux yeux des autorités thurgoviennes.

L'Autrichien est invité à remettre ce bout de papier à la frontière lorsqu'il quittera la Suisse. Mais il espère ne pas avoir à en arriver là.
Photo: Zamir Loshi

Des crises d'anxiété

«Toute ma famille et mes amis vivent ici, comment pourrais-je partir?», s'interroge le retraité, choqué et déçu. Toujours grâce à l'aide de l'avocate, il a déposé un recours officiel pour son maintien en Suisse.

Dans cette lettre de six pages, il est précisé que l'Autrichien de passeport a passé 53 de ses 63 années de vie en Suisse. De plus, sa compagne actuelle a un taux d'activité suffisant pour qu'il ne se retrouve pas dans une situation difficile.

Georg Andesner attend fébrilement la réponse définitive de l'Office des migrations. Cette anxiété lui vaut des crampes régulières d'estomac, mais il ne veut pas se rendre chez le médecin. C'est trop cher, surtout que l'aide juridique pour son dossier engloutit ses maigres économies. «Je vis bien en dessous du minimum vital», admet le retraité.

Contacté par Blick, l'Office des migrations de Thurgovie ne souhaite pas s'exprimer sur les cas individuels.

Après plusieurs années de combat, le sexagénaire espère enfin un dénouement positif.
Photo: Zamir Loshi
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