En plein milieu des négociations pour un nouvel accord de libre-échange avec la Chine, le Conseil fédéral n'a pas l'air de prendre en compte la situation des droits de l'homme de cet Etat autoritaire. Jusqu'à présent, il a commenté la situation des communautés tibétaines et ouïghours du pays, avec réserve. Mais le gouvernement national le confirme pour la première fois dans un rapport: la répression chinoise en Suisse est importante et doit être prise en compte.
C'est la conclusion à laquelle parvient le Conseil fédéral, sur la base d'un rapport de recherche rédigé par l'Université de Bâle. Le rapport a été demandé par l'Office fédéral de la justice et du Secrétariat d'Etat aux migrations. Les conclusions: les Tibétains et les Ouïghours en Suisse subissent des pressions chinoises et sont entravées dans l'exercice de leurs droits fondamentaux. Elles sont par exemple mandatées pour espionner des membres de leurs propres communautés.
Sensibiliser pour mieux réagir
Le rapport de l'Université de Bâle indique qu'il existe des indices laissant penser que des personnes politiquement actives font l'objet d'une surveillance systématique. Il mentionne également des signes de cyberattaques et de surveillance des communications. Les citoyens suisses, engagés politiquement, seraient aussi concernés par ces pratiques.
Pour lutter contre ce phénomène, le Conseil fédéral recommande d'examiner une série de mesures supplémentaires dans les domaines de la prévention, de la coordination et de la sensibilisation. Il s'agit de clarifier les compétences, d'améliorer la communication entre les acteurs et de vérifier l'efficacité des instruments et des moyens existants pour faire face à la répression transnationale. Il convient aussi de sensibiliser tous les services au niveau fédéral, cantonal et communal, afin de pouvoir identifier de telles activités et y réagir de manière satisfaisante.
Avec ce rapport, le Conseil fédéral répond à un postulat de la Commission de politique extérieure du Conseil national. Il s'était engagé, en réponse à une interpellation de la conseillère nationale Vert-e-s Christine Badertscher, à y inclure la situation des personnes issues de la communauté tibétaine et ouïghour en Suisse.
«Des mesures concrètes» à prendre
Le PS et l'organisation suisse La Société pour les peuples menacés (SPM) ont rapidement réagi à la décision du Conseil fédéral. Selon eux, des mesures concrètes doivent être prises pour protéger les deux communautés. Comme le dit le conseiller national PS Fabian Molina dans un communiqué, la Suisse doit maintenant présenter une stratégie contre cette répression transnationale: «Elle représente un danger pour la sécurité nationale et la démocratie de la Suisse», affirme Fabian Molina.
Dans un communiqué, la directrice de la GfbV, Anna Leissing, alerte aussi sur la situation: «La Suisse doit enfin agir», explique-t-elle. Les communautés devraient davantage être protégées, les cas systématiquement documentés et les autorités formées au contact avec les personnes concernées.
La SPM critique particulièrement le rapprochement économique de la Suisse avec la Chine. Les Tibétains et Ouïghours en Suisse, se sentent de plus en plus abandonnés par les autorités suisses, surtout depuis la mise en place de l'accord de libre-échange entre la Confédération et la République chinoise en 2014. L'année dernière, à la veille de la renégociation par le ministre de l'Economie Guy Parmelin, la SPM avait déjà menacé de lancer un référendum.