Payer sa chambre d’hôtel un peu plus cher, si ça comprend un titre de transport depuis et vers son domicile ou l’aéroport? Pas mal pour ménager son porte-monnaie et faire un geste pour l’environnement, non?
Si une telle offre n’existe pas encore en Suisse, un projet de ce type est à l’étude. Mais celui-ci se heurte à la résistance de nombreux hôteliers.
Un cas unique au monde
Au niveau régional, il existe des offres pour touristes qui intègrent les transports publics et les attractions touristiques – par exemple la Ticino Card au Tessin, ou la Zurich Card à Zurich. L’intégration de prestations des transports publics aux événements, concerts ou congrès est également courante depuis longtemps.
Mais rien de tel n’existe pour l’arrivée et le départ sur le lieu de vacances. C’est pourquoi, dès 2022, la Conférence des directeurs régionaux du tourisme de Suisse (CDR) a lancé un projet appelé «ticket TP-hôtel».
Urs Eberhard, ancien vice-directeur de Suisse Tourisme et toujours responsable de ce projet malgré son départ à la retraite, y voit un énorme potentiel: «La Suisse aurait un positionnement unique au niveau mondial, qui offrirait un énorme potentiel touristique et contribuerait à atteindre les objectifs environnementaux de notre pays.» L’objectif assumé de Suisse Tourisme est également de faire de la Suisse «la destination touristique la plus durable au monde».
Les hôtels ne veulent pas du projet
Le projet prévoyait d’abord un lancement sur l'ensemble du territoire, mais cela s’est avéré trop ambitieux. Les hôtels ne veulent pas imposer aux clients un mode de transport et craignent des difficultés lors de l’intégration technique d’une telle solution. A cela s’ajoutent la question des coûts et le fait que des prix plus élevés en faveur d’offres durables ne sont guère acceptés.
L’idée pour le financement serait, selon Urs Eberhard, que chaque hôte verse une contribution indépendamment du mode de déplacement. Grâce à une offre attractive de la branche des transports publics, Alliance Swisspass, le coût de cette contribution serait forfaitairement inférieur à 30 francs. Trop, selon les hôteliers qui n’apprécient pas non plus que les voyageurs circulant en transport public soient avantagés par rapport à ceux qui viennent en voiture.
Urs Eberhard et son équipe lancent un nouveau projet au niveau régional. Le problème, c’est que certaines entreprises prennent des risques. Ainsi, si par exemple l’hôtel A intègre le ticket de transport public, il devrait augmenter le prix des chambres et pourrait mécaniquement être désavantagé par rapport à un autre hôtel.
La mesure entrainerait par ailleurs un supplément de moins de 20 francs par arrivée, répartis sur l’ensemble du séjour si ce dernier s'étalait sur plusieurs nuits. Un surcoût dont une partie pourrait être supportée par les pouvoirs publics. Mais la majeure partie des coûts devrait être supportée par les hôtes.
Nouvelle tentative en Valais
Malgré tout, les hôteliers se montrent réservés, fait savoir Urs Eberhard. Mais ce dernier n’abandonne pas. De mai à octobre 2024, une enquête pilote sera menée auprès d'hôtels valaisans. Une étude dans laquelle les personnes interrogées donneront des informations sur leur mode d’arrivée et de départ, la durée de leur séjour et la distance qui les sépare de leur domicile.
En fonction des résultats, un premier test sera réalisé en 2025 avec l’introduction d'un billet de transport public lié à la réservation d'un hôtel. Les clients recevront alors un code qui leur permettra d’obtenir un billet de transport public. Selon Urs Eberhard, un billet électronique pourrait, à terme, être envoyé directement avec la réservation d’hôtel: «Si nous pouvons prouver que davantage de clients – suisses ou étrangers – ont opté pour les transports publics pour se rendre en Valais et que les hôtels participants ne subissent pas de baisse des réservations, nous prouverons la pertinence de notre modèle.»
Ce test servira ensuite de signal à d’autres hôtels et régions, l’objectif à long terme étant de pouvoir décliner le projet au niveau national: «Une étude de la Haute école de Lucerne prédit qu’un titre de transport pour se rendre à l'hôtel favoriserait l'utilisation des transports publics», explique Urs Eberhard. Reste donc à convaincre les hôteliers de participer.
L’association Hotelleriesuisse fait certes partie de l’équipe de projet, mais c'est au final à chaque hôtel de décider de participer ou non. Selon Urs Eberhard, le succès dépendrait donc de la participation d’au moins la moitié des hôtels des principales régions touristiques.
Enfin, Urs Eberhard rejette l’argument selon lequel cette offre provoquerait un engorgement des transports publics: «Comme le check-in et le check-out ont toujours lieu à midi, l’arrivée et le départ des clients des hôtels par les transports publics se feraient en dehors des flux de pendulaires.»