Un pari payant?
Le discounter néerlandais Action va s'installer en Suisse

Action, le discounter néerlandais en pleine expansion, vise le marché suisse. Avec son concept de produits à longue durée de conservation et ses prix attractifs, l'enseigne espère reproduire son succès européen, malgré les spécificités du marché helvétique.
Publié: 24.03.2025 à 19:30 heures
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Hajir Hajji, la patronne d'Action, trace une voie de succès dans toute l'Europe et veut maintenant se lancer en Suisse.
Photo: Action
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Andreas Güntert

Une paire de lunettes de soleil pour homme: 1,29 francs, dix éponges: 69 centimes, une chaise de camping pliable: 7,95 francs. À première vue, l'offre de ce magasin à Weil am Rhein en Allemagne ne suit aucun concept d'achat classique. Articles ménagers et cosmétiques, papeterie, jouets pour chiens, papier toilette, le tout accompagné d’un assortiment hétéroclite de chocolat, cacahuètes salées et nourriture pour chats. Un bazar couvert, à l’abri des intempéries, un Temu version physique en quelque sorte.

Quoi qu’il en soit, le public du magasin Action à Weil am Rhein y trouve son compte. Ce lundi midi, trois langues principales résonnent parmi les clients: l’arabe, le turc et le suisse allemand.

Développer le réseau en Suisse

Lorsqu’on traque les bonnes affaires avec un budget serré, chaque opportunité compte. Les habitués d’Action le savent: dans les allées, il faut slalomer entre les chariots débordant de cartons vides qui annoncent que de nouveaux arrivages viennent d’être mis en rayon, comme un grille-pain à 19 francs ou un collier en acier inoxydable avec un pendentif en forme de cœur à seulement 2,90 francs.

La chaîne néerlandaise Action, installée à quelques pas seulement de la frontière suisse, est-elle la forme la plus basique du commerce de masse en Europe? Peut-être. Ce qui est certain, c’est qu’elle connaît un succès fulgurant et qu’elle va tenter maintenant de développer son réseau aussi en Suisse. Depuis fin 2023, l’ancien cadre de Denner, Alexandre du Pasquier, prépare son implantation dans le pays. Ces prochains jours, les dirigeants néerlandais comptent dévoiler leur stratégie d’entrée sur le marché helvétique.

«Petits prix, grands sourires»

Si l'offre semble grossière, il y a bel et bien un système ingénieux sous-jacent. En effet, tout l'assortiment de produits a un point commun: une longue durée de conservation. L'entreprise commerciale fondée en 1993 aux Pays-Bas peut ainsi se passer de la chaîne du froid, s'en sort sans gaspillage et ne doit pas se soucier des dates de péremption et des démarques juste avant la fermeture du magasin. Chaque semaine, 150 nouveaux produits sont mis en rayon. Outre l'effet attractifs des prix bas, cela crée également un sentiment de convoitise.

La structure a vraiment pris son envol à partir de 2011. C'est à cette époque qu'Action a été rachetée en majorité par la société britannique de capital-investissement 3i Group. Depuis, l'entreprise est en pleine expansion. Le chiffre d'affaires est passé de 718 millions d'euros (686 millions de francs) à 13,8 milliards. L'entreprise, dirigée depuis 2022 par Hajir Hajji, poursuit ce que le 3i Group considère comme l'essence même d'Action dans l'ensemble de ses 2900 magasins répartis dans douze pays: «Small prices, big smiles». En français: «Petits prix, grands sourires.»

Un format commercial très rentable

Les propriétaires britanniques font sans doute partie de ceux qui sourient le plus. En effet, ce concept ingénieux ne se développe pas seulement à une vitesse fulgurante, il est également très rentable pour ses propriétaires, explique Marc Houppermans. L'expert en commerce de l'entreprise de conseil DRC Discount Retail Consulting de Düsseldorf cite les avantages du mécanisme d'action: «En renonçant aux produits frais et autres produits périssables, les coûts liés à la chaîne du froid et aux entrepôts spéciaux disparaissent. En ce qui concerne l'assortiment, on ne tient pas compte des préférences dans les différents pays, on utilise partout le même assortiment. De plus, l'entreprise ne construit pas de magasins et s'installe généralement dans d'anciens Lidl ou Aldi».

Tout cela augmente le rendement, explique l'ancien cadre d'Aldi Marc Houppermans: «Avec la disparition du problème des produits frais, Action peut réaliser des marges brutes très différentes. Action atteint 35 à 40%, contre 24% pour les hard-discounters habituels. Ceci aussi parce qu'Action dispose d'une logistique incroyablement efficace».

En route dans un camion à deux étages

En fait, ce que presque aucun client ne voit jamais est un rouage décisif dans l'engrenage: «L'entreprise sait que la logistique est extrêmement importante du point de vue des coûts. Action externalise certes la plupart des fonctions telles que l'entreposage et le transport, mais elle donne des instructions très claires et fait en sorte que ses partenaires travaillent de manière très standardisée», explique Michael Kluger, consultant indépendant en logistique basé dans le Münsterland allemand. «Action s'implique également dans les processus – cela va jusqu'à la spécification des flottes de chariots élévateurs, de la technique de rayonnage et de l'informatique», explique le professeur d'école supérieure spécialisée qui enseigne des thèmes comme la logistique contractuelle et la gestion de la chaîne d'approvisionnement.

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Le modèle d'Action est unique en Europe à cette échelle
Michael Kluger, consultant indépendant en logistique
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Ce qui est encore plus particulier chez Action, c'est que l'entreprise livre ses filiales par camions à deux étages, ce qui permet, selon l'entreprise, d'augmenter le volume de chargement d'environ 60%».

Pour le professionnel du discount Marc Houppermans, aucune autre entreprise en Europe ne s'emballe actuellement comme les Hollandais volants: «Le modèle d'Action est unique en Europe à cette échelle. L'entreprise s'est inspirée pour cela de chaînes américaines cotées en bourse comme Five Below, Dollar Tree ou Dollar General. Il est bien possible que 3i souhaite un jour introduire Action en bourse».

Une entreprise suisse a déjà gagné un joli pactole avec Action

Une entreprise qui a déjà fait son beurre avec Action est Partners Group. Dès 2011, le groupe suisse de private equity s'est engagé dans Action avec une participation minoritaire non précisée. Huit ans plus tard, les Zougois se sont retirés, «avec un rendement très attractif», comme on le disait alors.

Lors de cette transaction en fin 2019, Action a été évaluée à une valeur d'entreprise de 10,25 milliards d'euros (9,7 milliards de francs). Aujourd'hui, six ans plus tard, le groupe 3i estime la valeur de sa participation de 55% à 14,9 milliards de livres, ce qui donne une valeur totale extrapolée de 31 milliards de francs.

«Concept génial, qualité de merde»

3i veut augmenter encore plus la valeur et pousser les magasins ainsi que les chiffres d'affaires. Pour ce faire, Action se lance cette année sur deux nouveaux marchés: la Roumanie et la Suisse. L'entrée sur le marché national hélvétique sera-t-elle couronnée de succès? Alors que l'expert en retail Nordal Cavadini voit de bonnes chances pour Action sur le marché suisse, un autre acteur du marché fait signe que non: «Concept génial, qualité de merde», juge l'homme qui ne veut toutefois pas voir son nom figuré dans le journal.

Même avec les camions à deux étages, les Néerlandais connaîtraient leur Waterloo en Suisse, un pays à petites cellules, prédit-il. Il voit en outre un problème financier, car en Suisse, les salaires des employés et les loyers des magasins sont nettement plus élevés qu'en Allemagne par exemple. En conséquence, «les prix d'Actions Suisse ne pourront jamais être aussi bas qu'en Allemagne. Les chasseurs de bonnes affaires suisses continueront donc d'aller chez Action en Allemagne», dit le Suisse. Ou du moins l'espère-t-il.

Mais la liste des entrées réussies sur le marché de détaillants étrangers est déjà longue dans le pays, et Action s'apprête à y inscrire son nom.

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