Près de 60% de la population est désormais entièrement vaccinée. Le chiffre peine pourtant à augmenter davantage. Un plafond a-t-il été atteint? Le Conseil fédéral et les autorités regardent avec admiration et envie le Danemark, qui affiche un taux de vaccination de 80%.
En conséquence, Alain Berset a annoncé sa grande offensive de vaccination. Un nouveau panel de mesures de persuasion va ainsi bientôt être déployé.
Convaincre les cantons avec des bus de vaccination «tout compris»
Pourtant, sur le terrain, la campagne de vaccination suisse s’essouffle. Plusieurs cantons ont vivement critiqué le paquet de mesures. Qu’il s’agisse de la prime à la vaccination ou la présence de conseillers en vaccination, le rejet s’est fait entendre de Genève à Frauenfeld.
Au moins, les gouvernements cantonaux ont pu s’enthousiasmer pour la «semaine de vaccination nationale». La présence de bus de vaccination a également été approuvée, même si les cantons ne veulent pas affecter de personnel supplémentaire à cette tâche.
Selon Tobias Bär, porte-parole de la Conférence des directeurs cantonaux de la santé (CDS), Berne envisage de proposer aux cantons des bus de vaccination, «tout compris», avec les équipes médicales dédiées.
Un médecin cantonal à la peine
Plus on s’éloigne du Palais fédéral cependant, plus les langues se délient. «Arrêtez l’exercice! Nous avons fait tout ce que nous pouvions», déclare Markus Schmidli, médecin cantonal d’Appenzell Rhodes-Intérieures. «Ceux qui le voulaient ont été vaccinés. Les autres n'en veulent pas.»
Markus Schmidli rappelle que dans son canton, samedi dernier, moins de 20 personnes sont venues se faire vacciner. Bien que le canton compte moins de 20’000 habitants, le chiffre donne à réfléchir.
«Le Conseil fédéral peut rêver, cela ne sert à rien, martèle Markus Schmidli. Les citoyens sont correctement informés, ils n’en veulent tout simplement plus. Les gens ne viennent plus que sous la contrainte que parce qu’ils ont besoin du certificat.» Il témoigne du fait que son personnel ressent une certaine frustration.
Assumer la rhétorique de la responsabilité personnelle
Les médecins cantonaux ont discuté de la situation actuelle cette semaine. Selon nos collègues du SonntagsBlick, la majorité d’entre eux se montraient perplexes.
Markus Schmidli indique en tout cas sans ambages qu’il comprend «l’action de Berne», mais selon lui, il n’y a «plus aucune proposition sensée» sur la manière de procéder sur le terrain.
«Le Conseil fédéral a toujours mis l’accent sur la responsabilité personnelle. Maintenant, il faut s’y tenir lorsque la population a décidé de manière indépendante de ne plus se faire vacciner», analyse-t-il.
«Ces personnes pensent qu’elles sont en bonne santé et n’ont pas besoin de se faire vacciner. Vous pouvez leur dire tout ce que vous voulez, ils ne le croiront pas», dit le médecin cantonal, non pas avec fatalisme, mais avec réalisme, comme il le souligne. L’argument de la surmortalité comme preuve indéniable des effets du Covid, souvent mentionnée, n’intéresse pas non plus une partie de la population.
Des démissions par vagues dans les hôpitaux
Une nouvelle vague est-elle à craindre? «Avec une couverture vaccinale de seulement 60%, le pic d’hospitalisations de l’hiver 2020/21 pourrait encore être dépassé l’hiver prochain», explique Thomas Pfluger, porte-parole de l’hôpital universitaire de Bâle.
«Il est difficile de combler les postes vacants, notamment dans le domaine des soins intensifs», souligne Martina Pletscher, de l’hôpital universitaire de Zurich. «Cela augmente la pression sur les équipes existantes. Cela signifie que tous les lits ne peuvent pas être exploités.»
Même son de cloche du côté de Bern. «Dans l’unité de soins intensifs, on a constaté une augmentation du nombre de démissions, indique Christian Panzuto de l’Hôpital de l’Île. Cela est lié à la charge de travail toujours très élevée dans le secteur des soins intensifs.»
Fixer un objectif clair
Et si la vague n’arrive pas? Le Conseil fédéral devra justifier pourquoi l’exigence du certificat doit continuer à s’appliquer dans les restaurants et autres établissements similaires.
Plusieurs cantons, dont celui de Zurich, ont demandé à la Confédération de fixer enfin un objectif de vaccination clair qui, s’il est atteint, entraînerait la suppression de toutes les mesures.
Pour l’instant, le président de la CDS Lukas Engelberger ne voit pas où cet objectif devrait se situer. Il n’a pas connaissance d’un consensus scientifique sur le niveau auquel les mesures peuvent être levées. Et il met en garde contre un examen trop attentif d’autres pays comme le Danemark.
Il a également rejeté une demande de Schaffhouse, qui voulait supprimer l’accès au certificat pour les personnes qui se contentent des tests. «Les règles doivent s’appliquer de manière uniforme dans toute la Suisse, sans grandes différences cantonales.»
Il rappelle que les tests seront payants dès la semaine prochaine. Il espère également une augmentation du taux de vaccination grâce à la présence du vaccin Johnson & Johnson.
Vacciner autant que possible, quitte à jeter du matériel
Le président de la Commission fédérale pour les vaccinations Christoph Berger préconise une approche non conventionnelle: mettre en place un service de vaccination à côté de tous les centres de test.
Quant à la situation des médecins généralistes qui décident de vacciner, elle devrait être rendue le plus simple possible pour favoriser la vaccination à tous les niveaux. Quitte à devoir jeter du matériel. «Si sept ou huit doses d’un paquet de dix étaient injectées et que le reste devait être jeté, cela vaudrait tout de même le coup», déclare Christoph Berger.
Il indique que les cantons devraient permettre aux médecins généralistes de commander de plus petites quantités, c’est-à-dire des lots de 20 au lieu de 400.
Lukas Engelberger soutient cette idée. «En cas de doute, il vaut mieux ne pas vacciner tout le potentiel d’une ampoule que de ne pas vacciner du tout» et de se retrouver à devoir jeter le vaccin car la date de péremption est dépassée.