Dépenser beaucoup d'argent ne signifie pas forcément avoir un gros salaire. La voiture peut être achetée avec un leasing, la télé toute neuve peut être réglée avec un paiement échelonné et le canapé, aussi coûteux soit-il, peut être acheté à crédit.
De nombreux Suisses s'endettent pour pouvoir assumer leur train de vie. Et leur nombre ne cesse de grandir. C'est ce que démontrent les chiffres de la société de renseignements économiques Crif. L'année dernière, plus de 414'000 personnes en Suisse étaient endettées, soit 6000 de plus que l'année précédente.
Les jeunes ne sont pas épargnés par le phénomène. Selon diverses études, un jeune adulte sur quatre, âgé de 18 à 24 ans, dépense plus qu’il ne gagne. En 2024, 11'000 d’entre eux étaient considérés comme surendettés. Un chiffre qui pourrait être bien plus élevé en réalité, car à cet âge, ce sont souvent la famille ou les amis qui deviennent les premiers recours en cas de besoin d’argent.
Eren*, 25 ans, et Monika, 31 ans, sont directement concernés par le surendettement. Tous deux ont un point commun: ils ont dépensé beaucoup plus d'argent qu'ils n'avaient pour choses inutiles. Ils ont accepté de témoigner pour Blick.
Eren: «J'ai 40'000 francs de dettes»
Eren a terminé son apprentissage de praticien d'entretien – autrement dit concierge – à l'âge de 18 ans. Grâce à des amis, le jeune homme a rapidement rejoint une entreprise de déménagement. «Là-bas, j'étais payé chaque jour en liquide. Je ne réfléchissais pas à long terme, je dépensais l'argent rapidement. Par exemple, je sortais souvent manger et boire avec des amis.» Eren ne rechignait pas non plus à s'offrir certains cadeaux parfois très coûteux: «J'adore les baskets, je ne regarde pas le prix.»
Peu à peu, le jeune homme a commencé à accumuler les factures : impôts, amendes… La liste s’est allongée. Certaines dépenses, en revanche, lui paraissaient incontournables, comme les primes d’assurance maladie. «Ces factures-là, je les payais, même si je n’avais parfois pas assez pour tout régler», confie-t-il.
A partir de ses 20 ans, Eren a enchaîné les emplois, avec parfois des interruptions. «J'étais un peu agité. Je faisais beaucoup de conneries, aussi parce que je traînais avec les mauvaises personnes». Mais en mars 2024, après 18 mois passés au chômage, Eren est arrivé en fin de droit. C'est-à-dire qu'il ne pouvait plus percevoir les indemnités journalières.
Depuis, son compte est pratiquement vide. Pour subvenir à ses besoins, il doit s'en remettre aux très maigres réserves qui lui restent et à l'aide sociale. Et ce n'est pas tout: «Au total: j'ai environ 40'000 francs de dettes, dont des poursuites.» Pour autant, Eren envisage l'avenir de manière positive: «Je sais que je peux rembourser toutes mes dettes. Je vais certes devoir me serrer la ceinture quelques temps, mais je suis prêt à le faire. Après tout, c'est moi qui ai provoqué ça» Actuellement, le jeune homme est à la recherche d'un emploi.
«J'ai équipé l'appartement en échelonnant les paiements»
Monika, 31 ans, a perdu le contrôle de ses finances dès son apprentissage. La faute à de très nombreuses petites dépenses et à un recours facile à sa carte bancaire. La jeune Suissesse le dit elle-même: pendant longtemps, elle n'a eu aucune «gestion consciente» de l'argent.
Son entourage n'a d'ailleurs jamais cessé de lui rappeler l'importance d'avoir un bel appartement et de beaux vêtements. D'autres montants sont venus ainsi vider le porte-monnaie de la jeune adulte: «Lorsque j'ai emménagé avec mon copain de l'époque, j'ai entièrement équipé notre appartement – tous les meubles et l'électronique – à coup de paiements échelonnés par carte bancaire.»
Parallèlement, Monika enchaînait les achats en ligne, par exemple sur Zalando. Elle s'était d'ailleurs confiée à Blick. Souvent, les montants atteignaient trois ou quatre chiffres, ce qui ne posait pas forcément de problèmes dans l'immédiat avec son salaire d'environ 5000 francs. «Mais je perdais de plus en plus le contrôle et j'avais un train de vie ultra dépensier.»
Lorsque son ex et elle se sont séparés pendant sa grossesse fin 2017, Monika a cherché à fuir son chagrin d'amour. Elle a enchaîné les voyages, les repas à l'extérieur et les sorties shopping. Même lorsqu'elle a obtenu un crédit pour une formation continue, elle a dilapidé l'argent restant. Mère célibataire, Monika travaillait à temps partiel, mais dépendait de l’aide sociale pour joindre les deux bouts. Elle ne parvenait plus à rembourser ses crédits ni à régler ses factures de carte de crédit.
Pour tenter de s’en sortir, elle a commencé à vendre ses articles de marque et à proposer des gâteaux faits maison. Mais avec près de 30'000 francs de dettes, la situation était déjà hors de contrôle. «Psychologiquement, je ne pouvais pas tenir longtemps. Le service de conseil en endettement a recommandé de me mettre aux poursuites», confie-t-elle.
C’est grâce à sa fille que la jeune Suissesse a commencé à remettre en question ses habitudes de consommation. Aujourd’hui, Monika est mère de quatre enfants et elle gère son argent de manière plus réfléchie. Lorsqu’elle a épousé son compagnon actuel, ils ont décidé de réunir leurs dettes pour mieux les affronter ensemble. Son mari est désormais le principal soutien financier du foyer. Monika, elle, est optimiste: «D’ici l’été, nous en aurons fini avec l’endettement.»
*Le nom a été changé