Daniel Bühr s'occupe depuis près de 20 ans des questions de bonne gestion d'entreprise et donc aussi de la lutte contre la corruption. D'abord du côté des entreprises, puis depuis 2011 en tant qu'avocat et partenaire du cabinet Lalive à Zurich. Jusqu'à récemment, Daniel Bühr était président de l'ONG suisse «Ethics and Compliance Switzerland», une institution interprofessionnelle qui s'engage pour une gestion éthique et propre de toutes les organisations.
Daniel Bühr, une étude de Transparency International et de la HES des Grisons montre que la corruption est toujours très répandue dans les entreprises suisses actives à l'étranger. Cette ampleur vous a-t-elle surpris?
Non, je ne suis pas surpris par ce résultat. De précédentes études l'avaient déjà montré.
Pourquoi rien ne change?
Les choses bougent. Les efforts pour bien gérer une entreprise et de manière décente se sont considérablement améliorés au cours des 15 dernières années. En outre, il faut faire la distinction entre l'offre et la demande.
C'est-à-dire?
Dans de nombreux pays émergents et en développement, la corruption est le plus grand risque pour une entreprise. Il y a là-bas des décideurs, tant dans la politique que dans le secteur privé, qui s'attendent toujours à recevoir une part lorsque des contrats sont attribués. La demande de pots-de-vin est toujours aussi élevée. Une commission de 1 à 3% est acceptable, au-delà, il y a un risque.
L'entreprise n'est pas obligée d'accepter l'offre.
Une entreprise ne paie jamais volontairement un avantage indu qu'on lui demande. Une entreprise se laisse corrompre dans une situation où on lui dit que si tu n'accordes pas cet avantage, tu n'obtiendras pas le marché. Mais c'est une déclaration que l'on ne peut tout simplement plus accepter aujourd'hui. Le point de vue selon lequel cela fait partie de la culture de ces pays n'est plus valable non plus. Pour les gens de la rue, la corruption est partout un crime. La corruption n'est tout simplement plus acceptable.
Qui le dit?
L'UE, par exemple. L'année prochaine, toutes les grandes entreprises devront notamment expliquer comment elles luttent contre la corruption. Celles qui ne font pas de rapport ou qui sont impliquées dans un cas de corruption risquent d'être exclues de toutes les chaînes d'approvisionnement occidentales. Cela vaut également pour les entreprises et les fournisseurs suisses. L'UE est beaucoup plus avancée que la Suisse dans la lutte contre la corruption en ce qui concerne les futures obligations de rapport. S'il n'y a plus d'offre, c'est-à-dire que les entreprises ne sont plus prêtes à payer, la demande de pots-de-vin diminuera également.
Les départements de conformité sont de plus en plus grands, les règles de plus en plus contraignantes. Cela suffit-il?
Non. La lutte contre la corruption est une question de culture d'entreprise. Elle doit être visible, crédible et activement menée par le haut. Le conseil d'administration et la direction doivent s'engager clairement en faveur d'une stratégie de tolérance zéro, et cela se répercutera sur la base. C'est décisif pour une économie durable: à l'origine de nombreux péchés contre l'environnement, de violations des droits de l'homme ou du travail des enfants, il y a la corruption. La corruption est le mal de base qui entraîne de nombreux autres maux.
Un mal fondamental qui, en Suisse notamment, finit pourtant rarement devant les tribunaux.
Cela s'explique aussi par le fait qu'en Suisse – contrairement au droit des cartels – il manque une sorte de clause de sortie. Les risques juridiques ne sont pas négligeables pour une entreprise qui veut sortir de la corruption systémique. En Suisse, il manque un guide clair sur la manière dont une entreprise peut sortir de cette situation et mettre les choses à plat.