«Fatigué et sans énergie», c'est ainsi que de nombreuses personnes en Suisse définissent leur état quotidien. Selon les chiffres de l'étude CSS sur la santé de 2024, près de 70% des personnes interrogées déclarent souffrir de fatigue et d'épuisement. Un chiffre non-négligeable. La fatigue chronique est-elle la nouvelle maladie la plus répandue dans notre pays? Le neuroimmunologue Adrian-Minh Schumacher fait le point sur la situation.
Il a travaillé jusqu'à la fin de l'année dernière dans le service ambulatoire de la fatigue à l'hôpital universitaire de Zurich et fait actuellement des recherches sur le syndrome de fatigue chronique au centre médical universitaire d'Amsterdam. La fatigue est un symptôme associé à un nombre extrêmement élevé de troubles et de maladies, explique l'expert. «Dans les cabinets de médecine générale, elle fait partie du top 10 des symptômes dont souffrent les patients de façon générale.»
17'000 à 34'000 personnes concernées dans toute la Suisse
Tout le monde a probablement déjà traversé des phases où il s'est senti sans énergie et très fatigué. Chez certaines personnes, la fatigue peut être attribuée à une carence en vitamines et en nutriments, chez d'autres, elle est due à un manque de sommeil ou d'activité physique. Il n'est donc pas surprenant que tant de personnes aient déclaré souffrir de fatigue dans l'étude CSS.
Mais dans certains cas, la fatigue et l'épuisement vont au-delà de la normale. Selon l'expert, on parle alors de syndrome de fatigue chronique. Les spécialistes estiment qu'environ 17'000 à 34'000 personnes sont concernées en Suisse.
Même le sommeil ne permet pas de récupérer
Il existe des symptômes principaux qui distinguent le syndrome de fatigue chronique d'autres maladies comme la dépression, explique Adrian-Minh Schumacher. «La fatigue est si forte que les personnes concernées doivent réduire les heures de travail et les contacts sociaux, alors qu'elles ont tout à fait la motivation et l'envie d'entreprendre des choses. Les personnes concernées ne se sentent pas reposées, même après une bonne nuit de sommeil. Une simple promenade ou des épreuves émotionnelles et intellectuelles entraînent un épuisement extrême qui poursuit la personne pendant plusieurs jours.»
Selon l'expert, il est difficile de poser un diagnostic. «Dans le cas du syndrome de fatigue chronique, il s'agit d'un diagnostic d'exclusion.» Cela signifie que les médecins posent le diagnostic après avoir exclu d'autres maladies entrant en ligne de compte. Dans le cas de la fatigue chronique, il pourrait s'agir d'une carence importante en fer ou d'un dysfonctionnement de la thyroïde. Si les critères spécifiques de diagnostic sont remplis et qu'aucune autre maladie n'est à l'origine de la fatigue intense, les spécialistes considèrent qu'il s'agit du syndrome de fatigue chronique.
Or, la maladie survient souvent après des infections virales, explique Adrian-Minh Schumacher. Une opération, un accident ou un fort stress psychique peuvent également déclencher le syndrome de fatigue chronique. «Mais les causes ne sont pas encore définitivement élucidées et les recherches se poursuivent.»
Difficile à traiter
Étant donné que des recherches supplémentaires sont encore nécessaires, il n'existe pas encore de traitement universel pour le syndrome de fatigue chronique. «Pour l'instant, nous ne pouvons que soulager les symptômes des personnes concernées et améliorer ainsi leur qualité de vie», poursuit le neuroimmunologue. Les antalgiques et les somnifères permettent de lutter contre les douleurs et les troubles du sommeil. L'ergothérapie est souvent un soutien. Les personnes concernées peuvent apprendre à être attentives aux signaux de leur corps. Elles reconnaissent ainsi à temps quand l'épuisement augmente et peuvent répartir leur énergie en conséquence.
«La fatigue est un phénomène très répandu au sein de la population, mais toute fatigue n'est pas chronique», précise Adrian-Minh Schumacher. Selon lui, une infection s'accompagne toujours d'une longue phase de récupération, raison pour laquelle il ne faut pas s'inquiéter trop tôt. Mais si l'on n'arrive plus à gérer le quotidien comme d'habitude, il est judicieux de demander conseil à un médecin.