«America first!». Depuis son retour à la Maison Blanche, Donald Trump sème l'incertitude dans le monde avec une politique économique agressive. Le président a décrété mardi 4 mars des hausses de droits de douane contre les importations en provenance du Canada et du Mexique, exception faite (pour l'instant) du secteur automobile, dont les taxes ont été reportées d'un mois.
La Chine a également été frappée de plein fouet, les droits de douane sur ses exportations ayant été augmentés de 20%. Quant à l'Europe, elle pourrait bien être la prochaine victime de Donald Trump. Par ces mesures, le président américain souhaite donner un second souffle à l'industrie américaine.
Mais ce n'est pas tout: le milliardaire veut aussi accroitre la force de frappe de l'économie américaine à l'étranger. A ce titre, il a signé un décret le 3 février dernier afin créer un fonds souverain américain. Un fonds souverain est un fonds d'investissement possédé par un Etat et financé par les excédents de son activité économique. Une telle réserve permet au pays d'investir où il le souhaite, dans le but de générer des rendements à long terme.
Une tendance inquiétante
Le fonds souverain américain est destiné à devenir l'un des plus grands investisseurs au monde. Pour ce faire, Trump souhaite s'inspirer du fonds souverain saoudien qui, avec des actifs et des participations d'une valeur de plus de 900 milliards de francs, compte parmi les plus grands.
Un projet qui inquiète le conseiller national et figure du Centre Martin Candinas. «C'est un engagement clair des Etats-Unis en faveur d'une politique industrielle agressive.» Le fonds américain viendrait s'ajouter à ceux de l'Arabie Saoudite, du Qatar, ou encore de la Chine: autant de pays dont l'influence sur l'économie mondiale s'est considérablement accrue ces dernières années.
La Suisse doit-elle rentrer dans la danse?
Pour l'élu grison, cela n'augure rien de bon pour les entreprises suisses. Il a donc demandé au Conseil fédéral comment il comptait protéger la Suisse face à cette évolution. Et il en a profité pour glisser son idée sur la question. «Ne serait-il pas nécessaire que la Suisse crée également un fonds souverain et adopte des instruments de politique industrielle tels que des contrôles des investissements?», a-t-il demandé à l'adresse des Sept sages.
Ce n'est pas la première fois que cette thématique est mise sur la table. En septembre 2020, le conseiller aux Etats valaisan Beat Rieder (Le Centre) avait lui aussi demandé la création d'un fonds souverain, mais sa motion avait été rejetée.
A l'heure actuelle, une loi sur le contrôle des investissements est en cours d'examen au Parlement: le Conseil des Etats devra se prononcer sur la question lors de la session de printemps. La commission économique compétente a d'ores et déjà recommandé de ne pas entrer en matière, par crainte d'un affaiblissement de la sécurité juridique et de l'attractivité de la place économique suisse.
Un contexte toujours plus incertain
Martin Candinas hoche la tête, sceptique. «Si, après la Chine, les Etats-Unis se lancent à leur tour (...), nous devons tout de même réfléchir, au vu de la situation géopolitique mondiale, à la manière dont nous allons réagir et protéger nos entreprises stratégiques contre des rachats étrangers.»
Pour l'élu, cela passe à la fois par un contrôle des investissements et par l’acquisition de participations dans des entreprises d’importance systémique. «Si d'autres pays misent sur plus de protectionnisme, nous devons nous y opposer pour protéger notre joyau», affirme l'homme du Centre.
La BNS mobilisée?
Quant à la question de savoir comment un tel fonds d'investissement doit être garni, Martin Candinas a une réponse toute trouvée. «Un fonds souverain suisse pourrait être alimenté et géré par la Banque nationale.»
Celle-ci a enregistré un bénéfice de 81 milliards de francs rien que l'année dernière, rappelle l'élu. Une partie au moins de cette somme pourrait être utilisée pour un fonds: «Ce ne serait pas de l'argent perdu, mais des investissements qui pourraient même rapporter des bénéfices.»
Martin Candinas attend désormais la réponse du Conseil fédéral. Il n'exclut pas de déposer une intervention, laquelle pourrait – en cas d'acceptation – remettre officiellement sur la table la question de la création d'un fonds souverain. En tout cas, l'élu y croit: «Au vu de la situation aux Etats-Unis, cette idée pourrait bien faire son chemin au Parlement.»