Les choses se précisent enfin. L'Office fédéral de l'Armement (Armasuisse) a soigneusement pesé le pour et le contre entre quatre modèles d'avions de chasse en opérant des tests et en examinant des données et a rendu son rapport. En septembre dernier, les électeurs suisses ont plébiscité l'achat de nouveaux avions de combat par une très mince majorité d'environ 8'000 voix. Le département de la défense de Viola Amherd a donc le champ libre, autorisé par le souverain à dépenser un maximum de six milliards de francs suisses pour environ 30 à 40 avions de combats et dûment renseigné par ses experts en armements.
Le département de la défense a cherché le meilleur rapport coût-bénéfice et a jeté son dévolu sur l'un des quatre avions en lice (voir ci-bas). Cette décision est encore gardée secrète et seule une poignée de personnes en connaissent la teneur. Le Conseil fédéral se basera sur les recommandations D'Armasuisse avant de trancher. Mais le choix reste difficile. Les données techniques ne sont pas les seules à entrer en ligne de compte. En effet, chacun de ces quatre appareils est jugé adapté à la surveillance et la protection de l'espace aérien suisse pour 30 années consécutives dès 2030.
Le véritable facteur décisif sera politique. Pour le Conseil fédéral, il s'agira d'évaluer l'impact de leur choix sur les relations diplomatiques et commerciales avec les divers pays fabricants qui ont répondu à l'appel d'offre. En marge du sommet de Genève, le président américain Joe Biden lui-même a fait la promotion des chasseurs américains auprès du Président de la Confédération Guy Parmelin.
Le Conseil fédéral discutera pour la première fois du nouvel avion de combat ce mercredi. Voici les quatre types d'avions à l'ordre du jour.
L'Eurofighter
L'Eurofighter Typhoon est un projet européen. L'Allemagne, la Grande-Bretagne, l'Italie et l'Espagne l'utilisent dans le cadre de leur flotte. Le constructeur Airbus a régulièrement actualisé le modèle, considéré comme agile et robuste, mais dont la technologie n'est pas de la dernière pluie. L'avion est facile à faire décoller, ce qui serait avantageux dans le cadre d'opérations de police aérienne. Le choix de l'Eurofighter permettrait également de coopérer avec plusieurs États européens - dont les voisins allemands, autrichiens et italiens. Pourtant, la classe politique reste sceptique. Même Viola Amherd a déjà émis des critiques contre l'avion européen.
Le Rafale
L'avion de combat multifonctions du groupe français Dassault est considéré comme le favori des pilotes. Le Rafale est considéré comme un appareil polyvalent. Son système automatique d'évitement des collisions au sol est censé rendre pratiquement impossible une collision sur un terrain montagneux.
Le Rafale a été le vainqueur de la dernière évaluation du DDPS il y a environ dix ans. Il était particulièrement convaincant d'un point de vue opérationnel. Mais le Conseil fédéral l'a trouvé trop cher. Il a opté pour le Gripen suédois - qui avait échoué dans les urnes. Il est possible que la France veuille convaincre la Suisse avec un ensemble: des avions à réaction à un bon prix, plus une coopération globale et éventuellement un soutien dans la politique européenne. Ce qui vaut également pour l'Eurofighter.
Le Super Hornet
Il s'agit de la dernière version du F/A-18 actuellement utilisé dans l'armée de l'air suisse, mais à la pointe de la technologie. Le jet américain de Boeing a par exemple été équipé d'un capteur externe qui étend le champ de vision. Le nouveau Super Hornet serait également plus robuste et donc capable d'effectuer beaucoup plus d'heures de vol - la durée de vie de ses F/A-18 est un problème récurrent pour les Forces aériennes suisses. Cependant, des tests récents ont jeté le doute sur la résistance effective du Super Hornet.
Le nouveau modèle est également beaucoup plus grand et plus lourd. Il s'agit du plus grand des quatre jets évalués, ce qui pourrait nécessiter des ajustements structurels de l'infrastructure de l'armée de l'air comme l'adaptation des hangars. Dans le cas des avions à réaction américains, il n'est pas exclu que les États-Unis ajoutent un petit plus.
Le F-35
Le F-35 est «l'avion de combat le plus meurtrier du monde», comme l'affirme le fabricant américain Lockheed Martin. Une chose est sûre: le F-35 est le jet le plus moderne de la liste suisse. Cela réduit le risque qu'il soit bientôt techniquement obsolète. De plus, il possède une capacité que ses concurrents n'ont pas: il peut se rendre virtuellement invisible sur les radars ennemis. Cependant, une fois cette fonction désactivée, l'avion volumineux est plutôt désavantagé car il est moins maniable que les appareils européens. D'un autre côté, le jet furtif se connecte facilement au réseau de communication et peut fournir des données importantes aux unités au sol.
Toutefois, le F-35 comporte des désavantages: il est très gourmand en maintenance et donc coûteux. Il est également très robuste et prend plus de temps que les autres modèles pour atteindre l'altitude de vol nécessaire. Cela peut être un inconvénient pour un espace aérien réduit comme celui de la Suisse à petite échelle. Le F-35 est également encore victimes «d'erreur de jeunesse»: la précision du canon embarqué est faible. En outre, les opposants à cet avion craignent que les Etats-Unis puissent moucharder les avions et modifier les données relatives à la sécurité de l'avion, voire contrôler les appareils à distance. Mais une telle possibilité n'a jamais pu être prouvée.
Les discussions au Conseil fédéral pourraient prendre plus de temps
La rumeur veut que les dirigeants de l'armée privilégieraient le jet furtif F-35, qui est clairement l'avion le plus moderne. Certains pensent au contraire que Viola Amherd préfère une solution européenne, pour amadouer l'UE sur le plan diplomatique et économique.
Quoi qu'il en soit, la discussion promet d'être animée au sein du Conseil fédéral. Au sein de l'Administration fédérale, on s'attend déjà à ce que plusieurs réunions soient nécessaires. Il n'est pas encore certain que la décision soit prise avant les vacances d'été comme annoncé.
Il faut dire que la résistance est encore grande, particulièrement envers les avions américains, et ce malgré le plébiscite populaire. En mai, le PS, les Verts et le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA) ont soumis à l'examen préalable une initiative populaire visant à empêcher un modèle américain. La gauche s'inquiète du prix élevé et de la protection controversée des données.