On se souvient que la décision d'un bistrot bernois avait déclenché un vif débat cet été. Le concert du groupe de reggae Lauwarm avait été interrompu à la Brasserie Lorraine de Berne. En cause: certains des musiciens, tous des hommes blancs, portaient des dreadlocks. Après des plaintes du public, les gérants de l'établissement ont décidé de ne pas tolérer cette forme «d'appropriation culturelle».
Mais le cercle des indésirables semble désormais s'élargir. En témoigne un événement survenu il y a quelques semaines. Des soldats de l'armée suisse, en uniforme, se sont vu refuser le service, raconte une personne concernée à «20 minutes». Un employé de la brasserie aurait dit au militaire et à ses quatre collègues qu'il ne les servirait pas tant qu'ils porteraient des uniformes.
T-shirts du GSsA comme alternative
L'employé aurait toutefois proposé une alternative pour ne pas les virer de l'établissement. «On nous a dit qu'on nous mettrait à disposition des vêtements de rechange et que, si on les mettait, on serait alors servi», rapporte le militaire. Comble de l'ironie, en guise de rechange, les cinq hommes se sont vu proposer des T-shirts du Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA).
Le collaborateur de l'établissement n'a, semble-t-il, pas considéré que les cinq hommes ne portaient pas cette tenue par plaisir. Contactée par Blick, l'armée suisse estime que la décision de l'établissement n'est pas acceptable. «Sur leur temps de service, les soldats ne peuvent pas se changer comme cela, explique le porte-parole de l'armée Mirco Baumann. C'est le règlement qui fixe la manière dont doit être porté l'uniforme.»
Après une dizaine de minutes de négociations, les soldats ont finalement renoncé à se sustenter. Ils ne comprennent tout simplement pas la démarche de la brasserie. «Ils se prétendent acquis à une cause sociale pour intégrer le plus de personnes. Mais ce n'est pas intégrer les gens que de nous jeter dehors à cause de nos uniformes, pour lesquels nous ne pouvons rien», réagit l'un des hommes auprès de «20 minutes».
Le porte-parole de l'armée Mirco Baumann n'approuve pas non plus ces méthodes: «C'est dommage et très regrettable.» Il souligne qu'en tant que membres de l'armée de milice, les soldats sont également des citoyens suisses. «Ils portent l'uniforme pour protéger la population et les valeurs de notre pays», rappelle-t-il.
Les uniformes pas bienvenus dans la brasserie
Selon son site Internet, la Brasserie Lorraine offre «de la place pour tous ceux qui se comportent avec respect». Cependant, «le racisme, le sexisme et les uniformes sont indésirables». Contacté par «20 minutes», le bistrot bernois ne souhaite pas s'exprimer davantage sur l'incident. Il confirme néanmoins que cette pratique est courante entre ses murs pour les personnes en uniforme militaire.
La «tradition antimilitariste et pacifiste» de la brasserie en est la principale raison: «Depuis les années 80 et pendant de longues années, le service de consultation pour les objecteurs de conscience a pris ses quartiers dans notre établissement.» Ce dernier souligne que ce sont uniquement les uniformes qui posent problème. Mais visiblement, les dreadlocks aussi...
(Adaptation par Thibault Gilgen)