«Vivre n'est pas gratuit, même en Thaïlande»
Accusés d'être des «parasites», les Suisses de l'étranger s'insurgent

Tantôt perçus comme des profiteurs de l'AVS, tantôt comme des citoyens non investis dans la vie du pays, les Suisses de l'étranger sont sous le feu des critiques. A tel point qu'ils ont décidé de se défendre. Et ils peuvent compter sur des alliés de poids.
Publié: 09:00 heures
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Dernière mise à jour: 09:02 heures
Les Suisses de l'étranger sont de plus en plus critiqués. (Image symbolique)
Photo: Shutterstock
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Deborah Bischof

Les Suisses de l'étranger sont sous le feu des critiques. Alors qu'ils peuvent déjà voter et élire sans payer d'impôt dans leur pays d'origine voilà maintenant qu'ils souhaitent aussi toucher une 13e rente AVS. Tel est l'argument qui sort régulièrement de la bouche de leurs nombreux détracteurs.

On leur reproche également de se montrer trop peu prévoyants avant boucler leurs valises. Blick rapportait mardi 12 avril que les autorités suisses devaient traiter de nombreuses demandes d'aides financières, émanant de citoyens suisses expatriés. Une révélation qui a suscité de nombreux commentaires, parfois acerbes.

Jadis respectés, nos compatriotes vivant à l'étranger «se sont-ils mués en profiteurs quasiment du jour au lendemain?» La «Revue Suisse», le journal destiné aux quelque 826'000 Suisses de l'étranger, s'est récemment posé la question. Le fait qu'un média de la sorte se penche sur ces critiques n'a rien d'anodin.

En effet, plusieurs publications pour les Suisses de l'étranger sont jugées trop couteuses par certains. Swissinfo, le portail d'information de la SSR à destination de l'international, pourrait même ne plus être financée à l'avenir.

Plusieurs années de cotisations

Que pensent les politiques des reproches adressés aux expatriés? La conseillère nationale du Centre Elisabeth Schneider-Schneiter se dit «choquée» par certaines critiques. La Bâloise est membre de l'Organisation des Suisses de l'étranger s'engage depuis près de 15 ans pour la diaspora suisse.

La conseillère nationale Elisabeth Schneider-Schneiter est membre de l'Organisation des Suisses de l'étranger.
Photo: Keystone

La perception des expatriés a changé, explique-t-elle à Blick. «Avant, ils étaient considérés comme des ambassadeurs, aujourd'hui, on les présente comme des parasites». Ce changement de regard, elle l'impute à la détérioration de la situation en Suisse même. «Beaucoup estiment que si les gens émigrent et ne paient plus d'impôts, ils ne doivent plus recevoir d'AVS, d'AI ou de couverture maladie», poursuit Elisabeteh Schneider-Schneiter.

Ce que qu'on a vite tendance à oublier, c'est que la plupart des émigrés ont travaillé en Suisse et ont donc cotisé pendant des années. Par ailleurs, les retraités, bien qu'en constante augmentation, ne sont pas majoritaires parmi les Suisses qui partent vivre à l'étranger. En effet, la plupart travaillent dans leur pays d'accueil.

La 13e rente bien accueillie à l'étranger

C'est le cas de Melanie Andriolo: elle a émigré en Thaïlande en 2008 et travaille dans une école de plongée. Depuis Khao Lak, elle ne perçoit pas la défiance croissante à l'égard des Suisses partis vivre à l'étranger. Pour autant, elle n'accepte pas que les émigrés soient perçus comme des parasites. «Tous ceux qui vivent ici ont gagné leur vie en Suisse à un moment ou à un autre», déclare-t-elle à Blick. Elle l'assure: la vie n'est pas gratuite, même en Thaïlande.

Melanie Andriolo vit à Khao Lak, où elle travaille comme instructrice de plongée.
Photo: Kalle Nordling

Il y a 15 ans, sa maman a pris une retraite anticipée pour la rejoindre. Et comme de nombreux autres retraités, elle s'est fortement réjouie de la victoire de la 13e rente AVS dans les urnes. «Après tout, elles aussi ont cotisé pendant des années», explique Melanie Andriolo.

Même en Thaïlande, la vie n'est pas gratuite, explique-t-elle.
Photo: zvg

Une préparation problématique?

Urs Brog se réjouit lui aussi de la mise en place d'un 13e rente. «Bien sûr que c'est bien. Mais nous avons toujours travaillé de manière à pouvoir nous en sortir sans argent supplémentaire.» Avec sa femme, ils ont émigré il y a 25 ans au Brésil pour y exploiter une plantation de cacao. 

Urs Brog et sa femme ont également fait leurs valises: il y a 25 ans, ils ont émigré au Brésil.
Photo: Picasa

Auparavant, ils ont cotisé à l'AVS en Suisse pendant plusieurs décennies. «Sans cela, nous n'aurions pas du tout droit à une rente», explique Urs Brog. Si un jour leur santé ne devait plus être au top et qu'ils rentrent en Suisse se faire soigner, ils cotiseront à nouveau à la LAMal.

Là-bas, ils gèrent une plantation de cacao. Auparavant, ils ont cotisé à l'AVS pendant des décennies, explique Urs Brog.
Photo: zvg

Urs Brog cite toutefois d'autres exemples de personnes qui émigrent sans argent et qui ne s'informent pas suffisamment avant de partir. Selon lui, l'image des Suisses dans la région était autrefois très bonne. «Mais ces dernières années, cela a changé, parce qu'il y a de plus en plus souvent des bénéficiaires de l'AI qui viennent ici ou des gens qui se comportent mal», estime-t-il.

Réputation mise à mal par des cas isolés

Melanie Andriolos de Khao Lak connaît, elle aussi, des exemples de personnes qui se sont installées en Thaïlande en étant mal préparées. Récemment, elle a même entendu parler d'un homme qui n'a pas obtenu de visa de retraite parce qu'il ne remplissait pas les conditions requises.

Elisabeth Schneider-Schneiter admet volontiers que certains suisses peuvent mal se comporter à l'étranger. Mais c'est un phénomène marginal qui ne justifie en aucun cas que les émigrés soient perçus comme des «parasites». Ces cas isolés nuisent à la réputation des Suisses de l'étranger», déplore-t-elle.

La «Revue Suisse» a récolté l'avis d'autres politiciens suisses, notamment romands. Eux aussi se disent choqués par ces accusations. C'est notamment le cas du conseiller national de l'Union démocratique du centre Jean-Luc Addor: «Les Suisses de l'étranger ne sont ni de mauvais Suisses ni des demi-Suisses. Ils sont suisses», martèle le Valaisan. Le conseiller national genevois Nicolas Walder (Les Vert-e-s) abonde dans le même sens: «Comme si l'argent versé aux Suisses à l'étranger était de l'argent perdu!»

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