Jeudi dernier, le cœur du tunnel de base du Gothard était en piteux état: des rails brisés, des wagons déraillés — l'un d'eux ayant même percuté et endommagé une porte de sécurité. En effet, la veille, un événement rarissime s'était produit ici: un train de marchandises a déraillé.
Un incident qui ne survient qu'une fois tous les cent ans, d'après les estimations des CFF. Par chance, le conducteur de la locomotive a réussi à s'échapper, et s'en est tiré indemne.
Le tunnel de base du Gothard reste fermé au trafic ferroviaire au moins jusqu'à lundi à minuit pour les marchandises, et mercredi à minuit pour les passagers. Le déblaiement du train accidenté — composé de 23 wagons déraillés sur 32 — et la remise en service des deux voies risquent de prendre du temps.
«Constante recherche d'indices»
Les investigations quant aux causes de l'incident se sont poursuivies tout au long du week-end. Christoph Kupper, responsable du secteur ferroviaire à la Sust, explique: «Nous sommes en constante recherche d'indices».
Chaque wagon de marchandises retiré du tunnel est minutieusement examiné par les collaborateurs. «Chaque objet trouvé doit pouvoir être associé à un wagon de marchandises, à sa cargaison ou à un élément d'infrastructure».
Les équipes de Christoph Kupper ont déjà fait une découverte cruciale: «Nous avons découvert plusieurs fragments d'une roue de chemin de fer dans le tunnel, qui, mis ensemble, forment une roue complète». Christoph Kupper présume qu'une défaillance de la roue est à l'origine du déraillement. Les morceaux récupérés sont en ce moment soumis à des analyses métallurgiques.
C'est dans le tunnel que tout a commencé
Les enquêteurs n'ont trouvé aucune preuve à l'extérieur du tunnel, en revanche. Et le dispositif de surveillance des trains à Claro, situé peu après Bellinzone, n'a enregistré aucun dommage sur le train de marchandises. Ces équipements high-tech sont incorporés entre ou à côté des voies, surveillant le passage des trains: des inégalités de charge sur les roues, des freins bloqués, des fuites de produits chimiques, etc.
Il semblerait donc que l'accident se soit produit uniquement à l'intérieur du tunnel. Selon Markus Barth, expert ferroviaire, c'est par ailleurs une «chance dans la malchance» que le déraillement ait eu lieu précisément dans le Gothard, et pas ailleurs. Ce tunnel étant l'un des plus sécurisés d'Europe, aux côtés des tunnels du Lötschberg et du Ceneri.
Markus Barth souligne que si le déraillement avait eu lieu dans un ancien tunnel à double voie, le danger aurait été bien plus grand. Avec la possibilité qu'un train venant en sens inverse s'engouffre dans la catastrophe. Dans le tunnel du Gothard, avec ses deux tubes séparés, une telle situation ne pourrait pas se produire. «L'endroit du déraillement est équipé de mesures de sécurité de premier ordre, ce qui a eu un impact positif lors de l'accident», explique Markus Barth. Les voies d'évacuation en béton ont également empêché le train de «grimper sur les parois».
En somme, la Suisse est à juste titre fière de sa sécurité ferroviaire, affirme Markus Barth, qui a occupé des postes de direction chez les CFF, le BLS et le SOB. Sa conclusion est sans appel: «Prendre le train reste extrêmement sûr».