C'est l'histoire d'un narcissique qui va consulter un thérapeute pour examiner son narcissisme... On dirait le début d'une blague. En effet, «les narcissiques ne viennent jamais se faire examiner pour un trouble de la personnalité narcissique», explique Dina Pereira, docteure aux services psychiatriques d'Argovie (PDAG). «Ils reçoivent toujours ce diagnostic pendant d'autres examens de santé.»
C'est le cas de son patient Stefan K. Il consulte pour la première fois en 2022: son mariage est un champ de ruines et il croule sous la charge de travail. Pour se détendre, il boit de l'alcool. Les symptômes sont clairs, le diagnostic tombe rapidement: burnout, auquel s'ajoutent des attaques de panique. Stefan suit un traitement pendant trois semaines en milieu hospitalier, puis en ambulatoire.
Soulagement après le diagnostic
Au cours de la thérapie, la docteure Pereira remarque que Stefan se comporte toujours de la même manière dans ses relations sociales et dans ses conversations avec elle. Ses schémas de pensée et ses comportements indiquent un trouble de la personnalité narcissique. Afin de clarifier ce point, elle procède à un examen psychiatrique structuré, qui confirme ses soupçons.
Pour Stefan, le diagnostic a été un soulagement parce qu'il lui a permis de comprendre beaucoup de choses sur son comportement. Ses collègues ont été très surpris en apprenant la nouvelle car pour eux, c'était un homme tout à fait serviable. A l'inverse, la première réaction de son ex-femme a été de lui répondre: «Oui».
Tout autre diagnostic d'un trouble psychique peut provoquer un sentiment de honte, affirme le docteur Pereira. «Ce n'est pas le cas du narcissisme.» Si Stefan a été anonymisé pour notre reportage, c'est pour protéger son enfant. «Personnellement, je n'aurais aucun problème à me montrer.» Il accepte d'ailleurs de suivre une thérapie uniquement parce qu'il s'agit d'une condition imposée par le tribunal pour rester en contact avec lui. Son médecin remarque qu'il s'engage et s'investit beaucoup dans la thérapie, mais pour Stefan: «Dès que je n'y suis plus obligé, j'arrête ça.»
«Ce n'est pas mon problème»
Car Stefan ne souffre pas particulièrement de son trouble, c'est surtout son entourage qui en fait les frais. «Je suis conscient que je blesse d'autres personnes», reconnait-il. Mais il ne le fait pas par plaisir. «C'est l'un des préjugés les plus répandus», poursuit sa thérapeute. «Les narcissiques ne blessent pas intentionnellement les autres, mais ils font preuve de peu de compassion et n'assument pas la responsabilité des sentiments d'autrui». Ou comme le dit Stefan: «Ce n'est pas mon problème si quelqu'un est blessé à cause de moi.»
Un trouble de la personnalité narcissique se situe sur un spectre, explique Marc Walter, expert en narcissisme et médecin-chef aux PDAG. La diminution de l'empathie est le premier signe du passage de symptômes légers à un trouble grave de la personnalité. S'y ajoutent des symptômes tels qu'une perception grandiose de soi et un manque d'esprit critique. «Je suis sûr de moi et de mon intellect, je ne cède jamais dans les discussions et j'ai toujours le dernier mot», déclare Stefan.
- La Main tendue propose des conseils dans les situations stressantes en appelant le 143 ou sur leur site.
- Entraide Suisse: Les proches de narcissiques trouvent diverses possibilités d’échange, que l'on peut filtrer par thème, région et langue. Infos: infoentraidesuisse.ch
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Le Bâlois est grand, charmant et éloquent. Il a du succès auprès du sexe opposé, de ses collègues et ses partenaires commerciaux. Quand il rencontre quelqu'un, il commence par le provoquer. «La réaction me permet d'évaluer la vulnérabilité de la personne. Je peux ainsi la manipuler.» Il ne trouve rien de mal à cela. «En principe, aucune de mes actions n'est désintéressée.» Les autres n'existent que par rapport à lui, une question de coût/bénéfice: une personne qui ne lui sert à rien ne l'intéresse pas.
Sa fille avant lui
Cela vaut surtout pour ses proches. Ses relations fonctionnent tant qu'il en tire profit. Cela ne signifie pas qu'il ne ressent pas d'amour, mais que celui-ci dépend de certains facteurs, explique Stefan: «L'amour de soi est toujours le plus important. Ou presque.»
Ce «presque», cette exception, c'est son enfant. «Mon pool génétique, mon reflet, la seule personne qui m'intéresse vraiment. Mon enfant est plus important que moi-même.» Pour lui, Stefan est prêt à «faire semblant de temps en temps». En d'autres termes, il s'adapte pour ne pas heurter les autres. Même si la retenue n'est pas du tout son truc. «Je veux dire, si je ne suis pas convaincu de moi-même, qui le sera?»