Sur l'échafaudage devant l'Abbaye de Saint-Maurice en Valais, deux ouvriers rénovent la façade. Pourtant, ce qui se cache derrière les murs de la bâtisse a de quoi choquer. Difficile en effet d'enjoliver ce que la procureure générale du canton du Valais a annoncé jeudi: pendant des décennies, l'Eglise catholique en Valais a abusé d'enfants et d'adolescents.
Pire encore, les victimes ne pourront même pas obtenir justice, car les auteurs des agressions ne sont pas tenus de rendre des comptes. Les faits signalés sont tous prescrits car ils n'ont pas été dénoncés à temps. Certains sont également considérés comme «trop insignifiants» du point de vue du droit pénal. La procureure générale Béatrice Pilloud déclare cependant dans un entretien avec Blick: «Cela ne veut pas dire qu'il ne s'est rien passé.»
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Les personnes concernées souffrent et sont en colère contre l'Église qui n'a rien fait. «Les victimes souhaitent que la lumière soit faite et que ces actes insupportables ne se reproduisent plus.»
Un studio photo dans les combles de l'Abbaye
Le rapport ressemble à un registre de faits plus sordides les uns que les autres. Dans l'ordonnance de non-lieu de 19 pages, on peut lire qu'un religieux aurait conduit un jeune en voiture «dans un endroit avec une belle lumière» afin de le photographier. «Le religieux a alors demandé à l'adolescent d'enlever son haut pour le photographier torse nu.» Un élève rapporte que s'il faisait des erreurs en classe, il recevait des coups de bâton sur les fesses.
Un autre témoin raconte qu'un chanoine (un prêtre, ndlr) lui a demandé d'aller dans la forêt lors d'une colonie de vacances, «de se déshabiller et de mettre une sorte de pagne pour le photographier». Un studio photo dans les combles de l'abbaye de Saint-Maurice aurait même été érigé et ce avec du matériel professionnel.
Une victime a déclaré que les séances photos le mettaient très mal à l'aise. Le studio photo du monastère permettait-il à ce chanoine de créer des contenus de pédopornographie? Selon l'avocate générale, il n'est pas possible de répondre à cette question, car aucune photo n'a été trouvée pendant l'enquête.
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Un moine portait le surnom de «frère pédé»
Un médecin a déclaré sur un procès-verbal qu'un chanoine lui avait demandé de se déshabiller jusqu'à la culotte lorsqu'il était jeune interne. Un autre a raconté qu'un «vieux moine» l'avait attouché vers sa braguette. Le parquet écrit: «Le moine portait le surnom de 'frère pédé'».
Et la liste continue. Un professeur de chant catholique a montré des images pornographiques à un enfant. Le prêtre a demandé à la mère de ne pas porter plainte.
Mais ce ne sont pas que les jeunes garçons qui intéressent les religieux. Des petites filles et adolescentes ont également été agressées. «Tes seins ressemblent à des collines», aurait dit un ecclésiastique à une jeune fille. Un autre chanoine est accusé d'avoir regardé des fillettes prendre leur douche.
La plus jeune victime avait 4 ans
La procédure préliminaire du ministère public valaisan a été motivée par un rapport de Blick qui avait révélé des accusations contre des évêques suisses, ainsi que par une étude pilote de l'université de Zurich sur les abus dans l'Église catholique. Cette étude a révélé plus de 1000 cas d'abus sexuels dans tout le pays.
L'objectif de l'enquête en Valais était de déterminer s'il y avait d'éventuels délits qui n'étaient pas prescrits ou qui avaient déjà été traités. Selon la procureure générale, 25 personnes ont dénoncé 32 faits punissables l'année dernière. Les personnes concernées étaient âgées de 4 à 37 ans au moment des faits. Le ministère public a pu identifier 20 auteurs potentiels. Sept d'entre eux sont décédés, trois ont été accusés par plusieurs personnes pour des actes différents. Et dans onze cas, les ecclésiastiques n'ont pas pu être identifiés.
Contrairement au droit étatique, le droit ecclésiastique peut lever la prescription. Cela signifie que les coupables qui sont encore en vie pourraient désormais faire l'objet d'un procès interne à l'Église. Mais la suite des événements n'est pas claire. Le couvent de Saint-Maurice et les églises de tout le Valais restent silencieux. La Conférence des évêques suisses n'a pas non plus souhaité s'exprimer auprès de Blick.