Timon Forrer, expert en rémunération, s'exprime sur le salaire d'Ermotti
«Pour le commun des mortels, ce salaire n'est plus compréhensible»

Sergio Ermotti, CEO de l'UBS, a perçu un salaire de 14,4 millions de francs pour l'année dernière, ce qui le place parmi les meilleurs en Europe. Un expert en rémunération explique ce qu'il faut penser du salaire d'Ermotti.
Publié: 29.03.2024 à 07:30 heures
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Dernière mise à jour: 29.03.2024 à 08:23 heures
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Sergio Ermotti fait l'objet de critiques pour son salaire d'un million de francs.
Photo: AFP
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Sarah Frattaroli

Maladroit. Le terme est sur toutes les lèvres lorsque l'on aborde la question du salaire de Sergio Ermotti, CEO de l'UBS, qui s'élève à plus de 14 millions de francs. De nombreux experts en rémunération ne veulent même pas être cités sur le sujet – les émotions sont trop fortes au pays de la modestie lorsque le patron de la dernière grande banque suisse se fait verser un salaire aussi somptueux.

Sergio Ermotti a touché 14,4 millions de francs rien que l'année passée. Il fait ainsi partie des meilleurs salaires non seulement en Suisse, mais aussi en Europe. En Suisse, le CEO de Novartis Vas Narasimhan a gagné encore plus l'année dernière avec 16,2 millions de francs. Le patron d'ABB, Björn Rosengren, fait également partie des plus gros salaires avec 15,95 millions (bonus à long terme inclus). Cependant, les deux hommes ont chacun occupé le fauteuil de directeur durant l'année entière, contrairement à Sergio Ermotti qui n'a pris le poste de CEO que lors du rachat de Credit Suisse en mars. Notons aussi, que le salaire de plusieurs dizaines de millions de francs de Vas Narasimhan a fait l'objet de critiques.

Le salaire est lié à des conditions

«En comparaison avec le marché suisse, le salaire de Sergio Ermotti est pour le moins élevé», constate l'expert en rémunération Timon Forrer de la société de conseil Kienbaum. Mais pour lui, il faut relativiser: «Une grande partie du salaire est liée à des objectifs de réussite à long terme. S'il ne les atteint pas, Sergio Ermotti ne recevra jamais une partie de la rémunération dont il fait désormais état.»

Timon Forrer s'oppose par ailleurs à l'idée reçue selon laquelle les managers seraient tentés de prendre des risques importants lorsque la part variable du salaire est élevée. «C'est peut-être le cas pour les traders dans le secteur financier, mais au niveau du CEO, les paquets de rémunération sont régulièrement ficelés de manière à inciter à une action durable et à long terme et sont liés à la compliance.»

Les banquiers de Wall Street gagnent encore plus

La rémunération des cadres supérieurs est souvent mise en perspective avec les standards internationaux, surtout lorsque l'on constate que les salaires aux États-Unis surpassent largement ceux en Suisse. À titre d'exemple, James Gorman, à la tête de Morgan Stanley, détient le titre du banquier le mieux rémunéré de Wall Street avec ses 37 millions de dollars annuels.

Bien que Sergio Ermotti opère depuis la Bahnhofstrasse, loin de l'effervescence de Wall Street, la comparaison internationale ne devrait pas être écartée, estime l'expert en rémunération Timon Forrer. «La disposition à la mobilité est maximale chez les managers de banque, Sergio Ermotti pourrait aussi partir aux Etats-Unis ou à Singapour pour un emploi.» Selon lui, l'UBS doit faire concurrence à ces places financières.

Swiss a mis les pieds dans le plat en matière de bonus

Timon Forrer ne veut pas porter de jugement définitif sur la question de savoir si le salaire du Suisse est approprié. Il rappelle ceci: «Pour le commun des mortels, ce salaire n'est en tout cas plus compréhensible.» Avec des salaires aussi élevés, les entreprises prennent aussi un certain risque de réputation. L'UBS devrait en être parfaitement consciente.

On l'a vu de manière exemplaire dans le cas de Swiss pendant la crise du Covid-19: au printemps 2020, Swiss a versé des bonus pour l'exercice 2019 couronné de succès – mais était en même temps déjà sous perfusion de l'Etat pour survivre à la pandémie. Cela peut être correct d'un point de vue purement arithmétique, mais c'est incompréhensible pour le public.

Cette année encore, le monde politique s'insurge. Car cette fois encore, l'argent de l'Etat est en jeu: la reprise de Credit Suisse a été temporairement couverte par des garanties de plusieurs milliards de la Confédération. Le fait que l'UBS n'ait pas eu à recourir à ces garanties devient un aspect secondaire.

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