Ce serait sans doute une première en Suisse: la Ville de Lausanne pourrait interdire à sa police de recourir au plaquage ventral. Le 16 janvier, une commission ad hoc du Conseil communal (législatif) a accepté un postulat visant à bannir cette technique d'immobilisation controversée et soupçonnée de provoquer des décès, révèle Blick. Par huit voix contre cinq, sachant que cinq sièges étaient réservés à la minorité de droite.
Contacté, Yusuf Kulmiye, président socialiste de ladite commission, ne commente pas cette information encore confidentielle. Le texte avait été déposé le 30 mai 2022 par l'élue d'Ensemble à Gauche (EàG) Maimouna Mayoraz. Une proposition alors signée par sept autres membres de la majorité de gauche de l'organe délibérant. Jointe par téléphone, cette dernière n'a pas non plus souhaité s'exprimer.
Le Conseil communal va désormais devoir se prononcer. Si le postulat devait être accepté, le dernier mot reviendrait à la Municipalité, également à majorité de gauche, qui sera libre de suivre le législatif ou non.
Technique responsable de 20 morts en 30 ans en France
Le plaquage ventral est une pratique policière controversée à l'international, qui consiste à maintenir une personne torse contre terre, la tête tournée sur le côté, décrit le quotidien régional «Ouest-France». Parfois, les mains sont menottées derrière le dos, les chevilles immobilisées et les genoux relevés. Les forces de l'ordre peuvent aussi exercer une pression sur le dos. Cette position peut entraver les mouvements respiratoires et provoquer une asphyxie positionnelle, qui peut être mortelle, comme souligné par plusieurs spécialistes dans la «Revue médicale suisse» en 2011 déjà.
Le plaquage ventral est lié au décès de George Floyd, aux États-Unis, en mai 2020, durant son arrestation par la police de Minneapolis. En France, il a fait au moins 20 morts en 30 ans, selon un décompte du «Journal du Dimanche», publié en janvier 2020. La Suisse connait au moins un cas emblématique: celui de Mike Ben Peter, un Nigérian maintenu dans cette position par six policiers lausannois en mars 2018. Victime d'un malaise durant l'intervention, il avait été transporté au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) avant de perdre la vie le lendemain matin.
En juin, les six agents municipaux feront face à la justice. Dans son acte d'accusation, le Ministère public vaudois conclut à un homicide par négligence, comme le rapportait «24 heures» le 20 janvier. Dans ce même document, il est souligné que la mort du quadragénaire est due à plusieurs causes: son surpoids, des troubles du rythme cardiaque et la situation de stress, «le tout en association avec une position en décubitus ventral, les membres inférieurs repliés et des phases de compression thoracique», toujours selon le quotidien vaudois. Les avocats des policiers, présumés innocents, devraient plaider l'acquittement. L'avocat de la famille de Mike Ben Peter devrait, lui, demander que l'acte soit qualifié d'intentionnel.
Un encadrement «strict» dans le canton de Vaud
Dans le monde, de nombreuses associations antiracistes, comme le collectif lausannois Kiboko, et des organisations non gouvernementales, comme Amnesty International, dénoncent le plaquage ventral. La Cour européenne des droits de l'homme a par ailleurs condamné la France en 2007, après le décès d'un homme ainsi maîtrisé, note encore «Ouest-France». Aux yeux du Comité européen de prévention de la torture (CPT), on ne devrait recourir au plaquage ventral qu’en ultime recours.
Contrairement à ce qu'affirment plusieurs médias français, ce geste n'est pas interdit en Suisse. Il est toutefois «strictement encadré», expliquait Jean-Christophe Sauterel, porte-parole de la police vaudoise, cité par «Le Temps» en juin 2020. Comment? «Il faut réduire au strict minimum la durée du positionnement ventral, ne pas obstruer les voies respiratoires et parler continuellement à la personne appréhendée», développait le communicant. Le journal précisait encore que certains commandants suisses proscrivent le plaquage ventral, trop risqué à leur goût.