Lorsque le groupe bernois Insel a annoncé il y a une semaine la fermeture définitive de deux hôpitaux, le président du conseil d'administration Bernhard Pulver n'a laissé planer aucun doute sur la raison de cette mesure: le manque de personnel qualifié. Il faut consolider les offres et les sites, a déclaré ce dernier. «Ce n'est qu'ainsi que nous parviendrons à soulager le personnel tout en l'employant au mieux».
Sur les soins en Suisse
Les Bernois ne sont pas les seuls à s'inquiéter. Tous les hôpitaux interrogés par Blick parlent d'une offre insuffisante de personnel qualifié. A l'hôpital universitaire de Zurich, il y a actuellement 200 postes vacants dans le domaine des soins. A l'hôpital cantonal de Saint-Gall, 50 postes sont mis au concours. Et dans l'ensemble de la Suisse, il manquerait 13'500 infirmiers et médecins fin 2022.
Or, une amélioration n'est pas en vue: selon une estimation de la société de conseil PWC, 45'000 postes pourraient rester vacants dans le secteur de la santé en 2040, dont près de 40'000 rien que dans les soins.
Les avantages ne résolvent pas le problème
Il n'est donc pas étonnant que les hôpitaux fassent tout pour garder leurs collaborateurs. L'hôpital universitaire de Zurich a par exemple augmenté les indemnités pour les services de nuit et de week-end, a versé une compensation du renchérissement de 3,1% et a accordé à tous ses employés un jour de congé supplémentaire.
L'Hôpital de l'Île de Berne a agrandi les équipes dans les services de lits afin de pouvoir répondre de manière aussi flexible que possible aux souhaits des collaborateurs en matière de temps de travail.
Du recrutement à l'étranger
Mais ces avantages sociaux ne suffisent pas à résoudre le problème. C'est pourquoi les hôpitaux misent de plus en plus sur le recrutement à l'étranger. L'hôpital cantonal d'Aarau organise des castings à Rome, tandis que le groupe de cliniques privées Hirslanden a fait de la publicité pour la Suisse lors d'un salon à Berlin. Les hôpitaux universitaires de Zurich et de Berne recherchent également des spécialistes de l'autre côté de la frontière. Ils y concluent des partenariats avec des entreprises qui recrutent du personnel soignant et publient des annonces.
D'un point de vue juridique, cela ne pose aucun problème – la libre circulation des personnes s'applique. Mais sur le plan éthique, il en va autrement. La Suisse a signé le code de l'OMS pour le recrutement du personnel de santé, selon lequel chaque pays doit former des professionnels et les maintenir en poste.
La Suisse en est loin, affirme Martin Leschhorn, directeur de Medicus Mundi, un réseau pour une coopération équitable en matière de santé. Même si le code de l'OMS ne donne pas de directives contraignantes, un recrutement agressif à l'étranger serait éthiquement discutable.
Le débauchage, un effet domino
Car la situation là-bas ne diffère guère de celle de la Suisse, elle est même souvent plus précaire. «Nous avons en Allemagne une pénurie massive d'infirmières et d'infirmiers, qui ne fera que s'aggraver dans les années à venir, lorsque les baby-boomers partiront à la retraite», explique Anja Kathrin Hild, porte-parole de l'Association professionnelle des professions de soins. Actuellement, 200'000 postes à temps plein ne sont pas pourvus. La situation est similaire en Autriche. En 2022, 28'000 postes dans le secteur de la santé y étaient vacants – 40% de plus que l'année précédente.
Le fait que la Suisse se mette à recruter à l'étranger précisément en période de pénurie de personnel qualifié à l'échelle européenne y est mal perçu. «De notre point de vue, le recrutement de collègues d'autres pays ne doit pas conduire ou contribuer à une détérioration de la situation des soins dans le pays d'origine», estime Anja Kathrin Hild, de l'association allemande des infirmières.
Un éventuel «danger pour la Suisse»
Cela vaut aussi bien pour les recrutements que pour les débauchages d'Allemagne. Herbert Motter, porte-parole de la chambre économique du Vorarlberg, déclare: «Ce n'est évidemment pas une situation agréable.» L'Autriche a des besoins énormes, en particulier dans le domaine des soins. On essaie aussi de trouver des solutions à l'étranger, par exemple avec l'initiative pour la main-d'œuvre qualifiée «Chancenland Vorarlberg. Nous sommes dans le même bateau.»
La chasse aux talents peut avoir de graves conséquences, comme un effet domino. Alors que la Suisse ou l'Allemagne recrutent des spécialistes en Pologne, les Européens de l'Est cherchent des remplaçants aux Philippines, par exemple. Au final, des pays qui n'ont de toute façon qu'un système de santé faible souffrent d'un manque de soins.
L'Occident riche pourrait également en subir les conséquences. Par exemple, lors de l'apparition d'une éventuelle prochaine pandémie. Le directeur de Medicus-Mundi, Martin Leschhorn, explique: «Si, lors d'une crise, le personnel spécialisé manque pour limiter la propagation de l'agent pathogène, cela pourrait en fin de compte aussi mettre en danger la sécurité en Suisse.»