La situation dans les écoles suisses est plus que tendue. Depuis la fin des vacances d’été, de plus en plus d’enfants et d’adolescents ont été testés positifs au coronavirus et des milliers d’entre eux passent leurs journées en quarantaine. Certains cantons signalent que le nombre de cas a été multiplié par vingt par rapport à la fin de l’année scolaire précédente.
Il est tout à fait possible que certains enfants aient ramené le virus avec eux de leurs vacances. Et peut-être, comme le croit Dagmar Rösler, présidente centrale de l’association faîtière des enseignants suisses, que les mesures de protection dans les écoles ont été réduites trop tôt, voire pas du tout mises en place dans certains cas.
La Suisse, un patchwork de mesures
Les faits que chaque canton, voire chaque école, adopte un régime différent pour endiguer le nombre croissant d’infections et que les mesures changent de jour en jour n’aident pas. Alors que ni Soleure, ni Bâle-Ville n’impose le port du masque, l’Argovie et Lucerne viennent de le réintroduire dès la cinquième année scolaire. Le Valais l’impose à ceux qui ne se font pas tester, Zurich recommande son port et le Jura teste en masse.
La Suisse, un grand édredon en patchwork. Cette confusion suscite le ressentiment des enseignants et des parents. Beaucoup souhaiteraient une approche plus uniforme. Dagmar Rösler résume: «Il serait bien que les cantons se mettent d’accord sur une stratégie commune pour lutter efficacement contre le virus dans les écoles!» Son association réclame en vain depuis un an et demi une approche coordonnée des cantons.
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Althaus plaide pour des mesures plus strictes
Mais l’écrasante majorité d’entre eux insistent sur leur autonomie. Nous avons écrit à tous les cantons, et seul Bâle-Ville s’est déclaré favorable à des solutions à l’échelle nationale.
Par ailleurs, les experts eux-mêmes sont divisés sur les mesures qui seraient réellement nécessaires. «Avant de supprimer les mesures d’endiguement de la pandémie, nous aurions dû nous concentrer davantage sur les enfants et les écoles», déclare l’épidémiologiste Olivia Keiser, de l’Université de Genève. Après tout, les enfants peuvent aussi développer des maladies graves ou le Covid long.
Christian Althaus, épidémiologiste bernois, craint également que les écoles n’aient pas été préparées suffisamment tôt à l’hiver et que la situation générale, similaire à celle de l’automne dernier, ne devienne incontrôlable. Son camp plaide pour des mesures plus strictes.
En revanche, Christoph Berger, président de la Commission suisse de vaccination, souligne que la maladie est généralement asymptomatique ou légère chez les enfants infectés.
Des tests de masse réguliers
Selon Christoph Berger, le port de masques et la mise en quarantaine de classes entières ne sont pas nécessaires à l’heure actuelle. Des tests hebdomadaires suffisent à prévenir les grands foyers.
C’est d’ailleurs le seul consensus scientifique: tous les experts s’accordent à dire que des tests de masse réguliers dans les écoles permettent de maîtriser l’épidémie dans une certaine mesure. Dans les cantons, cependant, cette prise de conscience n’a pas encore été acceptée. Il n’y a donc pas non plus de stratégie uniforme pour les tests. Certains cantons obligent les écoles à proposer des tests répétitifs. D’autres veulent que les tests ne soient effectués qu’après l’apparition de foyers. D’autres encore laissent cette décision aux communautés scolaires individuelles.
Pourtant, le taux de positivité dans les cantons où la participation aux tests de masse réguliers est élevée est comparativement faible, selon le médecin cantonal en chef zougois Rudolf Hauri. Une fois installée, la routine de test est simple à utiliser et préférable à d’autres mesures. «Le modèle réactif aux foyers, en revanche, tend à créer de l’agitation dans les bâtiments scolaires.»
Les parents ne sont pas d’accord non plus
Mais même si toutes les écoles du pays étaient désormais obligées de proposer des tests de masse, il y aurait encore des obstacles, selon Dagmar Rösler. Comme il n’est pas possible d’obliger les élèves à se faire tester, tout dépend de la coopération des parents.
Parmi ces derniers – et ce n’est guère surprenant – de grands désaccords subsistent. Certains parents souhaitent des mesures plus strictes et trouvent choquant que dans certaines écoles, même les enseignants non vaccinés ne soient pas obligés de porter des masques ou de participer à des tests réguliers. D’autres, pour leur part, s’opposent à toute mesure.
Mais ceux qui souffrent le plus de l’hésitation et des tergiversations générales, du désaccord et du mécontentement, ne sont pas les parents inquiets et les enseignants stressés. Ce sont les élèves eux-mêmes. Car avec le chaos qui règne dans les écoles, les responsables mettent en danger non seulement la santé physique mais aussi la santé mentale des plus jeunes.
Les conséquences sont l’incertitude et le stress
«Les règles différentes et changeantes dans les écoles, ainsi que les différentes attitudes des parents et des enseignants, des politiciens et des experts concernant les mesures et les risques pour la santé des mineurs sont susceptibles de stresser et de déstabiliser de nombreux enfants et adolescents», déclare le neuroscientifique Dominique de Quervain.
Les conséquences sont graves: l’incertitude peut déclencher du stress, «un facteur de risque connu pour les symptômes dépressifs tels que la déprime, les troubles du sommeil, mais aussi la peur de l’échec et la perte d’intérêt». Le stress peut avoir un impact négatif sur l’humeur des enfants et des jeunes ainsi que sur leur réussite scolaire.
Le neuroscientifique appelle donc à des mesures de protection qui permettent une scolarité sûre et ordonnée.