Sur Instagram, les visages des enfants de l'influenceuse suisse Sarah Leutenegger ne sont plus visibles. La Zurichoise a informé cette semaine ses followers qu'elle ne partagerait plus rien avec eux à l'avenir. Un sacré revirement de situation! Car avant, elle montrait ses gamins sans aucune gêne.
C'est une décision instinctive, confie l'influenceuse à Blick. Chacun doit pouvoir choisir comment il gère sa vie, a-t-elle écrit sur les réseaux sociaux. «Vivre et laisser vivre.»
Le National veut une meilleure protection des enfants
Mais de nombreux politiciens et politiciennes ne partagent pas cet avis. Une majorité du Conseil national a approuvé mercredi une motion visant à mieux protéger les enfants sur Internet. Le texte vise en premier lieu le marketing d'influence, c'est-à-dire la publicité faite par le biais de vidéos d'enfants.
Les «momfluencer» – comme Sarah Leutenegger – sont de plus en plus nombreuses. Elles font, par exemple, de la publicité pour des jouets ou des vêtements pour bambins, mais montrent aussi leurs enfants dans des publicités pour des produits pour la famille.
De l'argent sur le compte des enfants
Regula Bernhard Hug de l'Association Suisse pour la Protection de l'Enfant salue le premier pas du Conseil national, même si la demande est encore assez floue. L'ancienne conseillère nationale vaudoise des Vert-e-s Valentine Python avait déposé cette proposition. Elle s'inspire du droit français: les parents ne doivent plus recevoir l'argent pour la publicité avec des enfants. A la place, l'argent doit être versé sur un compte auquel l'enfant peut avoir accès dès qu'il sera majeur.
Il ne s'agit donc pas d'interdire complètement la publication de photos d'enfants, mais de fixer différemment les incitations pour les parents. «Nous nous attendons à ce que les parents postent moins de photos et de vidéos de leurs enfants s'ils ne gagnent pas immédiatement de l'argent avec», explique Bernhard Hug.
En effet, la volonté pour les influenceurs et influenceuses de montrer leurs enfants est toujours plus grande. Ils peuvent gagner jusqu'à 2500 francs par publication avec des posts bien rémunérés, a déclaré l'été dernier à Blick Tanja Hermann, directrice de l'agence de réseaux sociaux Webstages.
Quand les parents sont le problème
Au Parlement, le conseiller national des Vert-e-s Raphaël Mahaim s'engage pour une réglementation plus stricte. «Chaque jour, des centaines de photos d'enfants sont postées sur Internet, ce qui représente un énorme danger pour leur sphère privée», lance-t-il. Le Conseil national a reconnu ce risque: il faut maintenant poursuivre les discussions sur les solutions concrètes à apporter dans la législation.
«On pourrait par exemple décider qu'il est interdit de faire de l'argent avec des enfants de moins de 14 ou 16 ans. Ou que les enfants de 14 à 18 ans doivent donner leur accord explicite pour un post», explique Raphaël Mahaim. Il pourrait également imaginer une réglementation plus large, qui irait au-delà du marketing d'influence.
Ainsi, ce que l'on appelle le «sharenting» est pareillement controversé. C'est-à-dire lorsque des parents mettent en ligne des enregistrements d'enfants sans en tirer profit. Cela peut aussi être délicat, car les images peuvent être utilisées à mauvais escient par des pédocriminels.
Raphaël Mahaim pourrait envisager d'adapter la loi sur la protection des données afin de mieux protéger les droits des enfants. Aujourd'hui, les autorités de protection de l'enfance n'interviennent pratiquement jamais en raison du manque de moyens juridiques et de ressources. Et il ne suffit pas de faire confiance aux parents! «Si les parents sont le problème, il doit y avoir des moyens d'intervenir d'une autre manière.»