La moitié de la population n'a pas fait de réserves!
La campagne de la Confédération sur les stocks d'urgence est un échec

Si l'on en croit la Confédération, la population suisse devrait enfin constituer des réserves d'urgence. En octobre 2024, elle a lancé une campagne, en proposant notamment un calculateur en ligne pour faire ses stocks. C'est un échec.
Publié: 11.03.2025 à 15:58 heures
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Le conseil avisé de la Confédération aux Suisses serait de faire des réserves.
Photo: STEFAN BOHRER
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Robin Bäni

L'eau frémit, les spaghetti sont presque al dente et soudain: une panne de courant. D’abord quelques minutes, puis des heures. Le lendemain matin, toujours rien, et voilà que le réfrigérateur se transforme en grotte humide, et que la cuisinière reste froide. Et maintenant, nous voilà coincés. C'est pour ce type de situation que la Confédération s'entête à dire depuis des décennies: «Mieux vaut prévenir que guérir.»

Pouvoir tenir une à deux semaines

Ceux qui ont pris leurs précautions sortent leur réchaud à gaz et finissent leurs pâtes, mais il est aussi recommandé d’avoir des bougies, des allumettes, des conserves et des fruits séchés. Il ne s’agit pas de se préparer à la fin du monde, mais l’idéal, selon les autorités, est de pouvoir tenir une à deux semaines sans faire de courses. 

Une étude représentative réalisée en 2021 a toutefois révélé que seuls 50% de la population suisse a constitué des réserves, et par conséquent l'autre moitié se retrouverait en grande difficulté en cas de situation d’urgence. Un constat étonnant alors même que la pandémie de Covid a mis en évidence la vulnérabilité des chaînes d’approvisionnement. 

Personne n'a écouté la Confédération

En octobre 2024, la Confédération, qui estimait que cette situation n'allait pas, a donc lancé une campagne pour encourager la population suisse à constituer des réserves d'urgence, notamment au regard de la situation géopolitique européenne, plus aussi sûre qu'auparavant. Mais la démarche n'a pas du tout eu le succès escompté, c’est ce qu’indiquent des données internes de l’administration. 

Le cœur de l’initiative reposait sur un calculateur de réserves d’urgence spécialement conçu à cet effet. Accessible en ligne et entièrement personnalisable, il permettait d’adapter les recommandations aux besoins de chaque foyer, qu’il s’agisse d’un régime sans lactose, pauvre en gluten ou végétarien. Une idée prometteuse en théorie, mais qui n’a pas, dans les faits, suscité l’enthousiasme: en octobre, le site dédié au calculateur a enregistré 10'000 visites. En novembre, ce chiffre est tombé à 400, avant de chuter à 200 en décembre. Aucune donnée plus récente n’est disponible, indique l’Office fédéral pour l’approvisionnement économique du pays, en raison d’une mise à jour du système.

Flop auprès des jeunes

Parce que les jeunes, en particulier, ont rarement l’habitude de stocker des provisions, la Confédération a également créé une vidéo éducative interactive. Grâce à un «scrollytelling» des plus modernes, l’objectif était de capter l’attention de ce public cible. Mais l’intérêt est resté, une fois encore, limité: 1000 clics en octobre, 100 en novembre et seulement un peu moins de deux par jour en décembre. Toutefois, selon l’Office fédéral pour l’approvisionnement économique du pays, ces chiffres ne reflètent pas la réalité. En effet, «pour des raisons techniques», tous les clics n’ont pas pu être enregistrés. Autrement dit, même avec l’outil d’analyse interne, il reste de la marge pour progresser.

«Pas de demande excessive» chez les grands distributeurs

Le dispositif a coûté 60'000 francs aux contribuables. ll convient cependant de préciser que la campagne ne se limitait pas au calculateur. Pendant sa phase active, le thème des réserves d’urgence a été «très visible» dans les médias, ce que l’Office concerné considère comme un succès. De plus, les détaillants ont participé en affichant des posters dans les supermarchés et en diffusant des publicités sur les réseaux sociaux. Ce ne serait donc pas un échec total?

«
La campagne n'a pas entraîné de hausse significative des ventes
Migros
»

Sauf que si le message avait été entendu, cela se serait fait ressentir dans les chiffres de vente. Cependant Aldi, Lidl et Coop ne signalent «aucune demande excessive» pour les produits de secours. Migros aussi écrit: «La campagne n'a pas entraîné de hausse significative des ventes». Conclusion: malgré le calculateur, la vidéo éducative, les reportages médiatiques et les campagnes publicitaires, l’impact escompté n’a pas été au rendez-vous. 

De son côté, l’Office fédéral pour l’approvisionnement fait le bilan suivant: «Le premier message a été reçu.» Mais il faut maintenant maintenir l’effort, même si une campagne similaire à celle de 2024 n’est pas prévue cette année. 

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