Au milieu de l’année, les enquêteurs fédéraux se sont rendus là où tout a commencé: sur la côte ouest de l’Afrique, en Gambie. C’était la fin du mois de juin, la saison chaude et humide, la saison des pluies. Les enquêteurs de l’Office fédéral de la police (Fedpol) et du Ministère public de la Confédération (MPC) ont voulu reconstituer l’un des plus grands cas de torture que la Suisse ait jamais eu à traiter.
Les enquêtes se poursuivent depuis plus de quatre ans. Elles sont dirigées contre Ousman Sonko, ancien ministre de l’Intérieur de la Gambie. Il a été arrêté dans un centre d’asile de Berne le 26 janvier 2017. Depuis lors, il est en détention provisoire.
Des conversations en Gambie étayent un soupçon de crime
Le Ministère public de la Confédération l’accuse de crimes contre l’humanité. Ousman Sonko aurait agi en tant que bras droit du dictateur gambien Yahya Jammeh dans les années précédant sa fuite en Suisse en 2017. Dans ses fonctions de ministre de l’Intérieur et de chef de la police, il a ordonné des arrestations arbitraires, des actes de torture et des violences sexuelles, qualifiés de crimes de guerre par le bureau du procureur général.
En Gambie, les enquêteurs fédéraux ont interrogé de nombreux témoins. Les entretiens ont encore renforcé les soupçons qui pèsent sur Ousman Sonko. Fin juillet, le Ministère public de la Confédération a donc demandé une prolongation de sa détention jusqu’à fin octobre au moins.
Torture systématique
L’homme politique déchu a toutefois fait appel. Dans une nouvelle décision du Tribunal pénal fédéral, que nos collègues du Sonntagsblick ont pu consulter, ce recours a été rejeté. L’ancien ministre de l’intérieur reste en détention dans l’attente de son procès. On craint qu’il ne s’échappe.
Il est très rare que la Suisse enquête sur des étrangers qui ont commis leurs crimes loin d’ici. Cela est rendu possible par la compétence universelle, qui permet d’enquêter sur des crimes graves en vertu du droit international.
Les accusations portées contre Ousman Sonko sont en effet lourdes. La délégation suisse qui a interrogé des témoins en Gambie est arrivée à la conclusion que le criminel de guerre présumé avait systématiquement utilisé la torture contre les adversaires de l’état. Des unités de sécurité sous le commandement de Ousman Sonko auraient même délibérément tué des membres de l’opposition. L’ancien ministre de l’intérieur le nie.
Sonko et Jammeh étaient «très proches»
Lors d’un entretien avec les enquêteurs fédéraux, un témoin a indiqué qu’il avait été arrêté par les unités de Ousman Sonko en 2016 lors d’une manifestation contre le régime et emmené dans la célèbre prison de Mile 2 à Banjul, la capitale de la Gambie. Selon l’organisation de défense des droits de l’homme Amnesty International, les prisonniers politiques y étaient maltraités pendant la dictature de Yahya Jammeh. Le témoin a également fait état de tortures. Et il a dit aux enquêteurs qu’il avait vu Ousman Sonko en personne dans le cadre de son arrestation.
Plusieurs personnes interrogées ont également déclaré que la relation entre le ministre et le dictateur avait été «très étroite». Une chose que Ousman Sonko nie également. Il aurait été traité par Yahya Jammeh comme n’importe quel autre ministre.