L'annonce a eu lieu à midi passé de quelques minutes: Ueli Maurer va quitter le Conseil fédéral. «Ma famille était au courant depuis 18 mois», a confié le ministre des Finances sur le départ. Après quatorze années de Conseil fédéral, le Zurichois dit vouloir «faire autre chose». Que cache ce départ surprise? L'analyse de Sermîn Faki, cheffe de la politique à Blick.
Peut-on dire que ce départ est une «surprise»?
C'est une excellente question. Dans un sens, le fait qu'un conseiller fédéral prenne sa retraite à 71 ans n'est pas étonnant. Le timing de l'annonce et surtout sa méthode me surprennent davantage.
Pourquoi?
Il a choisi le dernier jour de la session parlementaire pour l'annoncer. Il n'a même pas mis au courant le Parlement, ce qui est traditionnellement la coutume, mais a annoncé une conférence de presse personnelle.
A peine cette annonce a été officialisée que le carrousel des successeurs potentiels a démarré. Qui est en lice pour le 7 décembre?
Je pense à plusieurs noms qui seraient autant de candidatures valables. Il y a Magdalena Martullo-Blocher, la fille de l'ancien conseiller fédéral et figure de l'UDC Christoph Blocher. Si elle est partante, elle sera sans doute sur le ticket du parti. L'ancien président de l'UDC Albert Rösti pourrait aussi être une option. Il a adopté des postures allant au-delà du parti ces derniers temps, ce qui est peut-être un signe qu'il voulait envoyer. Ou Thomas Aeschi, qui a déjà tenté sa chance par le passé.
Que des candidatures alémaniques, donc...
Oui, ce sera sans doute un Alémanique. Ueli Maurer était d'ailleurs le représentant du canton de Zurich au Conseil fédéral — il y a presque toujours eu un Zurichois.
C'est un hasard, mais Blick a publié ce matin un grand «pari» des présidents de parti sur un Parlement qui doit devenir plus féminin. Vous n'avez cité qu'une femme.
C'est vrai! Esther Friedli, la compagne de Toni Brunner, risque, elle aussi, de retrouver son nom au centre des discussions. Mais je n'exclus pas que Toni Brunner lui-même puisse se mettre à disposition du parti. A l'UDC, beaucoup lui voient les épaules très solides pour ce mandat. Il est extrêmement apprécié par la population, ou du moins par l'électorat UDC.
Mais c'est le Parlement qui devrait l'élire.
Oui, mais la sympathie auprès de la population est fondamentale lorsqu'il s'agit d'un UDC.
Ce sont encore des plans sur la comète. Revenons à Ueli Maurer: il a dit qu'il avait «envie d'autre chose», mais sans développer. A quoi faisait-il référence selon vous?
Il a tout de même dit qu'il avait envie de se remettre au sport. C'est un élément de réponse: dès qu'il peut, il enfourche son vélo ou fait du ski de fond en hiver. Il a aussi dit qu'il voulait lire davantage, en parlant de livres évidemment. On connaît son amour pour les médias... Et voyager. En somme: «redevenir Ueli», comme il l'a dit. Sans oublier la famille: il a six enfants.
Même s'il acceptera de donner son avis, comme il l'a répondu, il compte rester en retrait de la vie politique. Avec autant d'amis et de contacts dans le parti, vous pensez que ce sera possible?
Oui, je l'ai trouvé très sincère dans cette conférence de presse. Et il n'est pas du genre à venir donner son avis en permanence. S'il dit que ça lui a manqué de pouvoir marcher à Berne sans se faire apostropher et qu'il veut «redevenir Ueli», alors c'est le cas.
Ueli Maurer n'a pas été tendre avec les médias: il a dit qu'il s'informait seulement via le Teletext et qu'il ne pouvait pas supporter d'écouter plus d'une minute la radio dans sa voiture.
Ces déclarations ne m'ont pas vraiment surprise. Il a gardé la même ligne tout au long de sa vie politique: la provocation et la défiance envers les médias. Ce que j'ai davantage retenu, c'est lorsqu'il a pris sa posture d'homme d'Etat.
C'est-à-dire?
Il a profité de cette dernière intervention — il a d'ailleurs dit qu'il ne donnerait pas d'interview — pour dire son inquiétude sur la division de la société en Suisse et pour faire un ultime appel à l'économie envers le Parlement, trop dépensier aux yeux de l'expert-comptable qu'il est. Pour moi, cette conférence de presse a parfaitement reflété l'ambivalence d'Ueli Maurer.