Magdalena Martullo-Blocher n’a pas de soucis à se faire, du moins en regardant les chiffres semestriels de son entreprise Ems-Chemie. Malgré la guerre en Ukraine et les problèmes de d’approvisionnement qui s’ensuivent, le chiffre d’affaires a augmenté de 10% par rapport à l’année précédente pour atteindre 1,28 milliard de francs. De son côté, la patronne d’Ems-Chemie a réalisé un bénéfice de quelque 324 millions de francs.
Mais la cheffe d’entreprise est inquiète pour une autre raison. «Il est tout à fait possible que la Suisse manque de gaz, et peut-être même d’électricité l’hiver prochain», confie-t-elle à Blick.
Magdalena Martullo-Blocher tire la sonnette d’alarme lors d’une conférence de presse au siège de l’entreprise à Domat/Ems (GR). La Suisse dépend de l’Union européenne pour le gaz et l’électricité. Si les réservoirs de gaz de l’UE ne peuvent pas être remplis à temps, une pénurie risque de se produire. Et ce scénario semble de plus en plus probable. La Russie ne fournit plus qu’un tiers des quantités de gaz initialement convenue à l’Europe. «S’il manque du gaz au sein de pays de l’UE, on peut se demander s’ils respecteront encore leurs contrats de livraison avec la Suisse», doute Magdalena Martullo-Blocher.
«Une pénurie d’électricité serait un grave problème»
Cela n’aurait pas de conséquences directes pour Ems-Chemie. «Les usines européennes produisent entièrement sans gaz. En Suisse nous remplaçons le gaz par de la biomasse issue de résidus de bois», détaille-t-elle. Elle estime que de nombreuses entreprises du secteur industriel pourraient passer à d’autres sources d’énergie, sans que cela soit un problème. Ce n’est donc pas le gaz qui préoccupe autant Magdalena Martullo-Blocher: «Une pénurie d’électricité serait nettement plus grave pour la Suisse.»
Durant le semestre d’hiver, la Suisse doit importer 25% de ses besoins en électricité depuis l’étranger. «Si cette électricité vient à manquer, beaucoup de choses devront s’arrêter en Suisse», prévient la cheffe d’entreprise. Des infrastructures importantes comme les entrepôts frigorifiques pour les denrées alimentaires, les réseaux d’eau potable et d’eaux usées ou les entreprises industrielles recevraient toutes moins d’électricité. «Jusqu’à présent, la Confédération n’a pas réussi à fixer des priorités à ce sujet.»
Magdalena Martullo-Blocher exige une réglementation spéciale pour le secteur de la chimie. «Si nous avons des coupures de courant inattendues chez Ems-Chemie, cela pourrait représenter un danger pour l’homme et l’environnement.»
Obliger les fournisseurs d'électricité à remplir les lacs de barrage
L’entrepreneuse siège au Conseil national pour l’UDC et n’hésite pas à s’en prendre au gouvernement: «La Confédération doit enfin ordonner aux groupes électriques de remplir les lacs de retenue. Les lacs sont nos seuls réservoirs d’électricité!», assène-t-elle. Les fournisseurs ne devraient guère se réjouir de cette exigence, car cette électricité éeur coûtera cher à produire.
Pour la patronne d’Ems-Chemie, la Confédération a aussi d’autres devoirs à remplir. «Il faut définir des priorités. En cas de pénurie, un plan d’économie concret doit être mis sur la table. Avec, par exemple, une proposition pour limiter le nombre de pièces qui pourront encore être chauffées chez soi l’hiver prochain.»
Il s’agirait d’interventions importantes de la part de l’Etat. Pour Magdalena Martullo-Blocher, la stratégie énergétique 2050 est déjà un échec: «Nous en voyons désormais les conséquences.»