Pendant plus d’un an, l’Eglise évangélique réformée a gardé le silence. Qu’est-ce qui a bien pu conduire à la démission du président du conseil, Gottfried «Godi» Locher, en mai 2020?
Tout ce que l’on savait jusqu’à présent était qu’une ancienne employée de l’Eglise accusait l’ex-président de l’Eglise réformée d'«abus» de pouvoir, de nature psychologique et sexuelle. Le sérieux des accusations et, surtout, leur véracité, étaient remises en doute.
Le rapport d’enquête sur l’affaire Locher émanant de la direction de l’Eglise vient d’être publié. Sa conclusion est sans appel: Gottfried Locher a violé «l’intégrité sexuelle, psychologique et spirituelle» de son ancienne assistante. Ils avaient entretenu une liaison extraconjugale. On parle dans ce document d’abus, de harcèlement sexuel et d'«avances non désirées» sur le lieu de travail.
Gottfried Locher est muet
La commission fonde ses conclusions sur l’enquête d’un cabinet d’avocats zurichois. Le rapport final, qui compterait plus de 200 pages, n’a pas été rendu public par l’Église réformée.
Gottfried Locher n’a pas accepté de coopérer avec le cabinet d’avocats. Les prises de contact sont restées lettre morte, regrette Marie-Claude Ischer, présidente de la commission d’enquête interne de l’Eglise. Le fait que l’accusé ait refusé toute coopération est inacceptable et «absolument non-professionnel», assène-t-elle. De plus, l’Eglise accuse son ancien président d’intimidation. «Il a manqué à son devoir de diligence et son intimidation du conseil est indigne d’un président d’une institution ecclésiastique», indique le rapport de la commission.
La victime demande réparation
La successeure de Gottfried Locher, Rita Famos, présente des excuses au nom de l’Eglise évangélique réformée à la victime pour ses souffrances «et le long chemin qu’elle a dû parcourir pour se faire entendre». La commission formule 17 recommandations pour éviter que l’affaire ne se reproduise. Le Synode, parlement des réformés, en décidera lors d’une réunion extraordinaire début septembre.
Ritas Famos déclare que le Conseil soutient toutes les propositions – sauf une. Elle ne juge pas nécessaire d’adapter la structure organisationnelle de l’Eglise.
D’autres victimes présumées se sont manifestées anonymement
Il n’est pas exclu que d’autres femmes aient été victimes de harcèlement sexuel de la part de Locher. Après que la plainte de l’ancien employé a été rendue publique, six autres victimes présumées se sont manifestées auprès de différentes Eglises cantonales.
A la suite de ces dénonciations, un centre de signalement a été créé, vers lequel ces femmes ont été orientées. Cependant, l’Eglise évangélique réformée n’a eu connaissance d’aucun cas par le biais de cette ligne d’assistance. Au total, six personnes auraient fait une déclaration, dont trois de manière anonyme – ce qui expliquerait pourquoi ces cas n’ont pas fait l’objet d’une enquête plus approfondie, selon l’Eglise. Les trois autres ne concernaient ni l’Eglise évangélique réformée, ni Gottfried Locher, et ont été transmis directement aux Eglises responsables.
Une histoire délicate
Autre problème: la personne qui était à l’époque responsable de la prévention des abus et agressions sexuelles au sein de l’Eglise évangélique réformée avait elle-même eu une liaison avec Locher. Il s’agit de Sabine Brändlin, qui a donc été l’une des premières à être informée de la plainte. Elle était membre du conseil exécutif de l’Eglise réformée et avait démissionné de son poste avant même Gottfried Locher. Selon les enquêtes de la section alémanique de Blick, l’ancien président du conseil aurait eu d’autres liaisons extraconjugales avec d’autres membres de l’Eglise.
Un scandale qui a déjà coûté 400’000 francs à l’Eglise
La gestion du scandale Locher coûte très cher à l’Église réformée. Près de 400’000 francs auraient été dépensés jusqu’à présent, montant qui n’inclut pas les éventuelles indemnités de réparation. L’ancienne assistante demande une indemnité d’environ 144’000 francs. L’ex-conseillère Sabine Brändlin veut elle aussi une indemnité, mais n’indique pas de chiffre précis. Le Synode devra se prononcer sur ce point.
Ces chiffres n’incluent pas la prime de départ que Gottfried Locher a perçue. Il a été convenu que son montant ne serait pas divulgué. L’Eglise semble avoir payé par crainte de poursuites judiciaires. «En raison de l’insistance de l’avocat de Gottfried Locher», écrit la commission d’enquête, le risque a été considéré comme très élevé.