La Suisse se dirigerait vers une dangereuse pénurie d’électricité en hiver, avertissait hier la conseillère nationale UDC Magdalena Martullo-Blocher (52 ans) à Blick.
La cheffe de l’entreprise Ems-Chemie demande dès lors la construction d’une nouvelle centrale nucléaire.
Mais qu’en est-il de ses craintes? En premier lieu, Magdalena Martullo-Blocher a raison dans la mesure où les pénuries d’énergie existent déjà en hiver et qu’elles s’accentueront encore lorsque les centrales nucléaires existantes seront sorties du réseau. En hiver, la Suisse consomme actuellement 35 térawattheures (TWh), mais n’en produit que 30. Les centrales nucléaires fournissent à elles seules 12 TWh d’électricité. Cela signifie que nous devons importer de l’électricité en hiver. Après la sortie du nucléaire, nous devrons en importer beaucoup plus, à moins de développer nos installations de production.
La plus grande pénurie d’électricité se produira immédiatement après l’arrêt de Leibstadt
Le déficit en électricité sera gigantesque: un TWh correspond à un milliard de kilowattheures. Avec 12 TWh, un homme au foyer pourrait passer l’aspirateur pendant douze milliards d’heures, soit environ 1,5 million d’années.
Le gouvernement fédéral lui-même prévoit un doublement de la demande d’importation d’ici 2050, voire un triplement. La demande sera la plus forte en 2034, lorsque la dernière centrale nucléaire suisse, Leibstadt, sera retirée du réseau.
La Commission de l’électricité (Elcom) prévient qu’une demande d’importation structurelle aussi importante, c’est-à-dire de plus de 10 TWh, pousserait jusqu’à la limite le système électrique actuel, ce qui «ne devrait pas être une option». Parce que si le système est trop sollicité, les risques d’un black-out sont réels.
L’énergie solaire en bonne voie
C’est pourquoi la Suisse doit produire sa propre électricité. Selon le gouvernement fédéral, d’ici 2050, l’électricité produite par les centrales nucléaires devrait être remplacée par des énergies renouvelables. Pour l’instant, seul l’énergie solaire progresse de manière significative, les capacités ayant été multipliées par dix au cours des dix dernières années.
Le problème est que les trois quarts de l’énergie solaire sont produits en été. L’hiver reste problématique, d’autant que les besoins en électricité ne peuvent qu’augmenter avec le boom des voitures électriques. Ces pénuries en hiver ne pourront être compensées que par des économies d’électricité. À moins qu’une nouvelle centrale nucléaire ne sauve notre approvisionnement?
Non, affirme le politicien SP de l’énergie Roger Nordmann, président de l’association professionnelle Swissolar. Le surplus d’énergie solaire produit en été peut être stocké pour l’hiver par le moyen de grandes batteries, par exemple.
Les centrales hydroélectriques, qui fournissent déjà le plus d’électricité, permettent aussi de stocker de l’énergie en emplissant les barrages en prévision de l’hiver. Pour augmenter leur capacité, il faudrait rehausser les barrages, ce qui permettrait de générer deux TWh supplémentaires. C’est précisément ce que propose le Conseil fédéral dans la nouvelle loi sur l’énergie, mais les protecteurs du paysage l’attendent au tournant.
L’énergie nucléaire n’offre pas de garantie
Si l’énergie nucléaire est présentée comme la solution à ce problème (si on oublie la problématique des déchets nucléaires), elle n’est toutefois pas une panacée: durant l’hiver 2016/2017, la Suisse a déjà dû importer 10 TWh, car Beznau I et Leibstadt ont été hors service pendant des mois en raison de problèmes techniques.