Les cloches sonneront dans toute la Suisse à 15 heures pour rendre hommage au pape François, décédé en ce lundi de Pâques à l'âge de 88 ans. Défenseur des pauvres, des migrants et de l'environnement, le souverain pontife altermondialiste était aux antipodes de la tendance politique internationale. Pour Blick, l'évêque de Lausanne, Genève et Fribourg et président de la Conférence des évêques suisses (CES), Charles Morerod, a réagi à son décès avant de monter dans un avion pour Rome.
Charles Morerod, quelle a été votre réaction à l’annonce de la mort du pape François?
Je ne m'attendais pas à son décès. Je savais qu'il n'était pas en forme bien sûr, mais on l'a vu souvent baisser et remonter ces derniers temps. Je m'apprête à monter dans un avion pour Rome où j'accompagne un groupe de confirmés des cantons de Fribourg et Neuchâtel. J'étais dans le train pour l'aéroport quand j'ai appris la nouvelle. Avec le secrétaire de la conférence des évêques, nous avons prévu de sonner les cloches dans toute la Suisse à 15 heures.
Mourir un lundi de Pâques, pour un pape, c'est tout un symbole…
Effectivement, c'est assez réussi symboliquement. François avait dit que 2025 serait l’année de l’espérance, et l’espérance est très liée à Pâques. Il incarnait notamment un espoir de paix dans le monde. Après l’invasion de l’Ukraine en février 2022, il s’était du reste rendu à pied à l’ambassade de Russie au Vatican, ce qui est très inhabituel.
On ne peut pas vraiment dire qu’il ait été entendu.
Les papes ont toujours appelé à la paix, et ils ne sont généralement pas écoutés.
Pour vous, l’héritage de François, c’est quoi?
Il a donné la parole de manière plus large aux laïcs, dont des femmes, et leur a octroyé de vraies responsabilités. Son encyclique sur l’écologie va aussi rester dans l’histoire. Il y parle notamment d’écologie humaine, avec des racines spirituelles, en se demandant ce qui peut inciter les gens à embrasser une vie plus simple. Lui-même privilégiait la simplicité dans son quotidien et dans ses relations aux autres. Par exemple, lorsqu’il nous a rencontrés en tant qu’évêques, il nous a dit: «Parlez de ce que vous voulez.»
Juste avant de mourir, le pape a reçu le vice-président des Etats-Unis J.D. Vance, alors que les sujets de désaccord étaient nombreux avec l'administration Trump – immigration, guerre à Gaza ou gel de l'aide humanitaire. François avait également rencontré Giorgia Meloni et Javier Milei. Pourquoi?
Si J.D. Vance est le dernier homme politique que le pape François a rencontré, cela laisse une impression bizarre. Mais le fait est qu’il reçoit ceux qui viennent lui parler, d’autant plus s’ils se disent catholiques. Les ostraciser ne va pas améliorer les choses.
Le gouvernement américain aimerait que son successeur ait un profil beaucoup plus traditionnel et conservateur. Son vœu sera-t-il exaucé?
Je ne pense pas que le gouvernement des Etats-Unis soit très populaire auprès des cardinaux, y compris américains. Couper dans l’aide humanitaire et laisser mourir les pauvres, ce n’est pas vraiment ce que recommande l’Eglise catholique. Par ailleurs, Donald Trump se décrit comme un chrétien militant, mais je ne sais pas s’il s’agit de manipulation ou non.
Et au-delà de Donald Trump?
Dans la mesure où la majorité des cardinaux qui vont voter ont été nommés par le pape François, je ne pense pas que son successeur sera très différent de lui. Je n’imagine donc pas un virage conservateur. Je ne sais pas par contre s’il est possible qu’un pape africain ou asiatique soit élu cette fois-ci.
Vous-même, vous pourriez être élu pape?
En théorie, tout homme catholique non marié âgé de plus de 35 ans peut être élu pape. Mais généralement, les cardinaux choisissent une des 120 personnes qui composent le conclave. Il est plus facile de voter pour quelqu’un qu’on connaît.
Que va-t-il se passer maintenant?
Il va falloir faire venir les cardinaux à Rome pour le conclave, ce qui va prendre du temps. Ce sera l’occasion pour eux de parler de l’avenir de l’Eglise, et d’élire le successeur de François.
Comment expliquer aux non-catholiques pourquoi le pape est important encore aujourd’hui?
Les non-catholiques peuvent percevoir que la diversité interne à l’Eglise catholique, sur tous les continents, est aussi rendue possible par son fort principe d’unité. Le statut particulier et étonnant du pape, en tant que leader religieux et chef d’Etat, lui permet aussi de se faire entendre.
C'est donc la dimension politique?
Je me souviens de ce que m’avait dit l’ambassadeur de France au Vatican: il est important pour les diplomates d’être au Vatican parce qu’aucun Etat n’est aussi bien informé. Quand une crise survient quelque part dans le monde, l’Eglise catholique reçoit tout de suite des informations de première main, qui ne sont remplaçables ni par des écoutes, ni par des espions. C’est un corollaire du fait d’être presque partout, avec un système qui permet les communications internes et leur compréhension.